Après des mois d’absence, consécutifs à une pause devenue nécessaire, Julie Meynen est de retour. À son rythme. Et apaisée.
Cela faisait bien longtemps qu’on ne l’avait plus vue au bord des bassins. Bien sûr, les chronos ne sont pas encore au rendez-vous mais le simple fait de revoir Julie Meynen en maillot de bain est une bonne nouvelle. Et c’est une jeune femme en pleine reconstruction mais apaisée que l’on a retrouvée le week-end dernier, du côté de la Coque, où se tenaient les championnats nationaux.
Même si elle était qualifiée pour les championnats du monde de Budapest, le mois dernier, Julie Meynen n’était pas présente en Hongrie. Et pour cause : elle venait à peine de reprendre l’entraînement auprès de Christophe Audot. Le tout début d’une phase de reconstruction qui prendra forcément du temps.
Du rêve
au cauchemar
Mais que s’est-il passé? Rappel des faits : en 2019, tout va bien pour la Luxembourgeoise, qui achève de brillantes études tout en explosant ses chronos lors des plus grandes compétitions américaines sous les couleurs des Auburn Tigers. Programmée pour performer aux Jeux de Tokyo, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais la pandémie s’en mêle. Et le monde de Julie Meynen s’écroule : «C’était dur. J’avais décidé de rester aux États-Unis une année de plus après la fin de mes études. Mais à cause du trop grand risque, ils ont décidé de séparer les groupes. Ensuite, j’ai changé d’entraîneur. Et finalement, les coachs ont été virés.» Pas forcément les meilleures dispositions pour préparer sereinement le plus grand rendez-vous sportif planétaire, les JO de Tokyo, finalement reportés d’un an.
Julie Meynen décide malgré tout d’honorer sa sélection pour le Japon et, sans surprise, les résultats ne sont pas en adéquation avec ceux d’une jeune femme dont le but est d’atteindre, un jour, une demi-finale olympique. L’échec de Tokyo passé, pas le temps de se reposer, elle enchaîne avec l’International Swimming League, un circuit international fermé regroupant les meilleurs nageurs au monde. Elle y défend cette fois les couleurs des Tokyo Frog Kings après une première année au sein des Toronto Titans. Plusieurs semaines de compétition avant de participer aux championnats d’Europe en petit bassin à Kazan puis aux Mondiaux en petit bassin à Abou Dhabi.
J’ai dit : c’est fini! Je ne pouvais plus voir l’eau
Mais trop c’est trop : «J’avais fait un an et demi sans prendre la moindre pause. Entre mai 2020 et décembre 2021, je n’ai pas arrêté. Ah si : j’avais pris quatre jours de repos entre les JO et l’ISL…», souligne-t-elle. Épuisée physiquement autant que mentalement, elle obtient une semaine de pause. Le temps de réaliser qu’elle n’en pouvait tout simplement plus : «J’ai dit : c’est fini! Je ne pouvais plus voir l’eau», reconnaît-elle. Julie Meynen décidait de raccrocher maillot, bonnet et lunettes…
En tout cas, elle ne voulait plus aller dedans. Du coup, que faire? Si elle n’enfile plus le maillot, elle va toutefois rester proche du bassin : «J’ai commencé à entraîner les jeunes à Ettelbruck plusieurs fois par semaine.» Et c’est là, loin de toute pression médiatique ou sportive, dans un environnement bienveillant, qu’elle va doucement reprendre tout simplement goût à la vie. Et sa nouvelle vie bascule lors d’une compétition à Courtrai, où elle accompagnait ses jeunes nageurs : «J’ai progressivement retrouvé l’envie de nager à nouveau.»
Si elle décide de revenir à ses premières amours, la jeune femme qui n’a pas encore 25 ans (elle les fêtera le 15 août prochain), veut faire les choses bien. Pas question de partir à l’abordage sans réfléchir en amont à comment redevenir cette athlète exceptionnelle, première Luxembourgeoise à se hisser en demi-finale d’un championnat du monde (NDLR : en 2019 à Gwangju) où elle avait amélioré ses deux records nationaux des 50 et 100 m nage libre (24« 78 et 54« 44). Elle se rapproche de Christophe Audot, désormais entraîneur fédéral. C’est lui qui sera chargé de la remettre sur pied. On l’a dit, le processus prendra forcément du temps. Mais la principale intéressée en est consciente : «Je repars de zéro.»
Un équilibre enfin retrouvé
Pour ne pas non plus devoir seulement passer son temps à n’avoir pour seul paysage que les milliers de carreaux des bassins, elle a besoin de trouver une autre activité pour s’occuper. Elle postule ainsi auprès de la toute récente école internationale Anne-Beffort à Mersch et y décroche un poste à temps partiel : «J’enseigne le sport et des sciences basiques. Les gens sont très gentils. L’environnement est très positif.» Ces quelques heures hebdomadaires passées essentiellement auprès de réfugiés lui font un bien fou. Clairement, elle retrouve une forme d’équilibre qui lui avait fait cruellement défaut ces derniers mois.
Et même si elle s’est accordée cinq mois d’une pause ô combien nécessaire, Julie Meynen n’en reste pas moins une compétitrice dans l’âme. Qui ne peut se satisfaire de ses derniers chronos : «Quand je vois que je nage en 26« (NDLR : sur 50 m nage libre), ça fait mal. Je fais des temps que je réalisais quand j’avais 16 ans, forcément, ça ne fait pas plaisir. Je visais une demi-finale aux Jeux et je n’ai pas eu la chance de montrer de quoi j’étais capable. Je ne voulais pas que ça se termine comme cela.» Et d’ajouter : «Ce n’était vraiment pas agréable de regarder les championnats du monde à la TV. Ça fait mal.»
Chaque pas en avant compte
Mais elle sera bien présente dans un mois, au rendez-vous continental à Rome, dans l’un des endroits les plus appréciés des nageurs internationaux. Attention, elle sait parfaitement qu’elle sera encore très loin de ses meilleurs temps. Mais elle l’accepte sans sourciller : «L’important c’est de retrouver le plaisir. Et si les chronos ne sont pas tout de suite au rendez-vous, c’est normal. Je viens de changer d’entraîneur, je dois m’adapter. C’est une affaire qui demande de la patience. Si je fais déjà un pas en avant, ce sera positif.»
Le week-end dernier, elle effectuait donc un retour timide à la compétition : «Je n’ai plus nagé en grand bassin depuis Tokyo.» Pour ne pas se mettre trop de pression, elle ne s’aligne que sur les 50 m nage libre (victoire en 25« 98) et les 50 m pap (2e de la course mais championne nationale en 28« 89) en individuel, se contentant de participer au 100 m nage libre que lors du relais mixte 4×100 m nage libre. Un choix qu’elle regrette un peu a posteriori : «Quand j’ai fait l’inscription aux championnats, j’ai dit que je ne voulais pas faire le 100 m nage libre. Mais maintenant, je me dis que c’était une erreur. En fait, je n’avais rien à perdre.» Julie Meynen tire malgré tout un bilan positif de ce retour même si, de son propre aveu, tout n’était pas franchement réuni pour que la performance soit au rendez-vous : «J’ai eu un peu de mal. J’ai participé à la toute première course et à la toute dernière. Et puis on ne peut pas dire qu’il y avait une ambiance de folie. Mais je suis globalement contente du week-end.»
J’ai ça en moi. J’en veux toujours plus. Si la motivation est là, ça va marcher!
Ces championnats désormais derrière elle, elle va pouvoir se tourner vers les Euros de Rome. Et partir avec l’équipe nationale en stage, jeudi : «Le fait d’avoir ce job me permet de bénéficier des vacances scolaires. C’est une bonne chose, car les stages sont pendant les vacances scolaires.»
La suite? Même si elle ne veut pas se projeter trop loin, Julie Meynen a forcément le regard tourné vers Paris. Les JO, c’est dans deux ans : «Je rêve de disputer les demi-finales à Paris. Je sais ce que j’ai déjà fait. J’ai ça en moi, j’en veux toujours plus. Si la motivation est là, ça va marcher!» Mais elle ne veut pas pour autant brûler les étapes : «Honnêtement, je ne sais pas du tout où j’en serai dans un an. J’espère que je serai de retour à un niveau international.» En tout cas, elle a le talent pour. C’est tout le mal qu’on peut lui souhaiter.