L’Ettelbruckois s’apprête à disputer la dernière course de son illustre carrière. Mais rien n’a été simple pour prendre le départ à Tokyo.
Il avait tout prévu. Tout programmé. Tout pensé. Assuré dès l’été 2019 de se retrouver aux Jeux de Tokyo, ses quatrièmes et derniers après une carrière olympique débutée à 16 ans du côté de Pékin, Raphaël Stacchiotti avait pensé à tout.
Dans l’ordre : partir de la très grande scène internationale en participant une ultime fois au plus grand rendez-vous sportif mondial, commencer un nouveau job à la commune de Bissen et devenir papa quelques semaines plus tard avant de conclure sa carrière aux JPEE d’Andorre en 2021… histoire de boucler la boucle dans une compétition où il a décroché la bagatelle de 40 breloques en or. Tout était planifié… mais le coronavirus est passé par là.
Un report qui change totalement la donne
Quand on évoquait avec lui en mars 2020 un éventuel report des Jeux en raison de la pandémie, il avait été clair : «Les JO, ce sera en 2020 ou pas du tout.» En effet, un report de l’événement rebattait totalement les cartes. Et mettait par terre toute son organisation. Parfaitement millimétrée.
Évidemment, il avait réagi de manière instinctive, à chaud. Mais une fois le report acquis, il n’allait évidemment pas rater l’occasion de se présenter à nouveau départ d’une course olympique : «Quatre, c’est mon chiffre. Pour le coup, c’est parfait!», indique le spécialiste du 200 m 4 nages.
Cependant, alors qu’il avait prévu d’être au top de sa forme à l’été 2020 pour quitter la scène, pourquoi pas, sur une nouvelle perf sous les deux minutes, voire un nouveau record national, ce report a totalement changé la donne. Le bébé était en route, le job l’attendait au sortir de l’été. Il allait falloir assumer. Et c’est ce qu’il a fait : «Je suis très fier de lui», résume son entraîneur, Christophe Audot, qui s’occupe de lui depuis trois ans et demi.
«La saison la plus turbulente de ma vie»
Pendant pratiquement un an, Raphaël Stacchiotti a donc dû jongler entre plusieurs casquettes, celle de nageur de haut niveau, celle d’employé de la commune de Bissen et celle de papa… de jumeaux! Parce que sinon, ce n’est pas drôle!
L’Ettelbruckois revient sur ses conditions de préparation : «C’est la saison la plus turbulente de ma vie.» Et de résumer : «Je m’entraîne comme un pro. Mais je n’ai pas une vie de pro. Pour la première fois, je vois la grande différence qui existe entre être pro à 100 % (NDLR : il était sportif d’élite de l’armée luxembourgeoise et n’avait « qu’à » se concentrer sur sa préparation, son entraînement et ses compétitions) et l’être à 50 % en jonglant avec le job et la famille. Mais je vais me servir de tout cela pour sortir toute l’énergie possible. En m’appuyant sur tous les gens que je sais derrière moi. Surtout ma femme avec les enfants et le chien. Moi, je pars à 6 h et je rentre le soir à 20 h. J’ai un employeur très compréhensif qui m’aide également beaucoup. Mon entraîneur aussi.»
On l’aura compris, Raphaël Stacchiotti a décidé d’en prendre son parti. Et de faire de son mieux avec les moyens du bord. Et même s’il rend hommage à sa femme, pour lui aussi les nuits sont plus courtes : «Cela fait des mois qu’il dort mal. Et forcément ça se ressent au niveau de la performance», constate Christophe Audot. Confirmation auprès du principal intéressé : «Au bout de quelque temps, on a fait appel à une coach en sommeil et ça nous a changé la vie», reconnaît l’Ettelbruckois.
Des ambitions élevées malgré tout
Dans ces conditions, que peut-il espérer à Tokyo, où une place en demi-finale paraît comme totalement hors de portée : «Selon moi, ça devrait se jouer en moins de 1’58″. Le niveau a progressé de manière incroyable en un an. La génération 2024, qui n’était pas prête l’an passé, l’est désormais», note encore le technicien.
Mais Raphaël Stacchiotti, dont les seules sorties de l’année étaient logiquement très éloignées de ses meilleures performances, reste un compétiteur. Son chrono le plus rapide a été effectué au prestigieux meeting Settecolli de Rome, le mois dernier, avec 2’04″01. Au-delà du temps, c’est la manière que préfère retenir Christophe Audot : «C’était une course pleine. Bien nagée comme il l’aurait fait pour un 2’00″.»
Et son protégé se montre optimiste : «Tout s’est agencé comme il faut dans la dernière ligne droite. Les filles dorment maintenant. Je suis à mon poids de corps idéal.» Alors, quand on lui demande à quel niveau on peut l’attendre, il annonce : «Je veux nager plus vite que 2’02 ». J’envisage un 2’01 » voire un 2’00 ». Bon, peut-être que 2’00 » c’est un peu trop optimiste. Mais 2’01 », selon moi, c’est vraiment réaliste.»
Réponse aujourd’hui à 12 h 54, heure de Luxembourg pour la dernière course d’un monument du sport luxembourgeois. Qui veut tirer sa révérence. Avec les honneurs.
Romain Haas