Pour sa première compétition de l’année, Rémi Fabiani a battu le record national du 50 m nage libre, ce vendredi à Rome. En 22″54, il met 15 centièmes à l’ancienne marque détenue par Julien Henx.
C’est ce qu’on appelle un retour tonitruant : ce vendredi matin, au prestigieux meeting des Sette Colli de Rome, Rémi Fabiani a pulvérisé son record personnel du 50 m nage libre (23″66) et en a profité pour s’emparer du record national de Julien Henx (22″69) avec un temps canon : 22″54. «Je me doutais que c’était possible», indique Christophe Audot, son entraîneur. «Cela valide tout le travail effectué depuis le mois de janvier. Il faut voir qu’il est dans l’eau à 6 h 30, il a géré son bac. Je suis très fier de lui. C’est un vrai travail d’équipe avec tout le groupe», se réjouit le technicien français. Et d’ajouter : «J’étais assez serein par rapport à ce qu’il m’avait montré à l’entraînement. Pour la première fois il a fait des 25 m en moins de 10″. Ce matin (NDLR : vendredi), je n’étais pas stressé. Je me suis délecté du moment.» Et d’exprimer un regret : «J’aurais aimé qu’il y ait séries et finales mais à cause du covid ce n’est pas le cas. Je suis curieux de voir ce qu’il aurait fait avec la chaleur, les muscles bien chauds…»
Cela faisait des mois qu’on n’avait plus vu Rémi Fabiani. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’il ne faisait rien. Bien au contraire : «Depuis le mois de décembre et jusqu’à avril-mai, c’était du biquotidien», confirme le jeune homme de 19 ans. Au-delà de sa performance de vendredi, il regarde le boulot accompli les mois précédents : «Le boulot avait déjà été fait lors d’un premier stage en avril.» Mais son travail a été stoppé net avec l’approche du bac. Et plusieurs cas positifs dans sa classe qui l’ont obligé à rester à la maison pendant plusieurs semaines : «J’ai fait beaucoup de corde à sauter, histoire de garder le niveau cardio pour quand ça repartirait.» Toute la période du bac a été compliquée à gérer : «J’ai fait des nuits de quatre heures.» La pression était forcément forte puisqu’il savait que de sa réussite à l’examen final dépendait sa carrière. En effet, il devait avoir le bac pour poursuivre ses études aux USA, du côté de la California Baptist University. Mais c’est bon, il a son bac et s’envolera le 31 août prochain pour sa nouvelle vie.
Je me suis dit que j’allais tout faire pour aller chercher le record
Mais auparavant, il était donc en lice du côté de Rome, à l’occasion de l’un des rendez-vous les plus prestigieux du calendrier : le Meeting des Sette Colli, de Rome : «C’est la première fois que je viens ici. C’est magnifique!» Que pouvait-il bien espérer avec trois à quatre semaines d’entraînement en moins et des semaines de stress avec le passage d’examens entrecoupé d’une semaine de vacances? «Après les examens, je suis reparti en stage avec tout le groupe à Lanzarote. Je suis arrivé dans un état de fatigue général et je ne m’entraînais que quatre fois par semaine. J’ai recommencé sérieusement le 7 juin et en stage, Christophe ne nous a pas ménagés avec 13 entraînements de suite. J’ai mis deux jours pour me remettre dans le bain correctement. Mais j’ai gagné énormément de force. J’étais un meilleur nageur il y a deux semaines qu’il y a un an. Tout ce qu’il fallait c’était faire du volume.» Du coup, il se présentait à Rome sans trop d’ambition : «J’ai dit à tout le monde que j’y allais pour m’amuser. Mais une fois sur place, j’ai remarqué que j’étais rapide à l’entraînement. Alors je me suis dit que j’allais tout faire pour aller chercher le record.» Ce record, c’est le 22″69 de Julien Henx à l’Euro Meet 2020.
Engagé avec un modeste 23″66, Rémi Fabiani est donc dans la toute première série. Une série un peu particulière : «On était quatre, dont deux paralympiques et un nageur engagé en 24″», résume-t-il. Et ce vendredi matin, tout se passe à merveille. Même s’il a besoin d’un peu de temps pour voir son temps : «Une fois que je touche la plaque, j’ai le soleil dans les yeux. Je n’arrive pas tout de suite à voir le temps. Et une fois que je vois 22″54, j’ai eu un sentiment de légéreté. Une forme de soulagement. Et forcément de la fierté. Je savais que j’en étais capable. Il n’y a rien de mieux qu’une bonne perf pour valider tout le travail accompli.» Avec ce temps, Rémi Fabiani bat non seulement le record national mais il réalise le minima B pour les Jeux de Tokyo. De bon augure pour Paris : «Actuellement le temps A est de 22″01 pour Tokyo. Si c’est le même pour Paris, j’ai trois ans pour progresser d’une demi-seconde.»
Il s’agit de son second record national après celui en petit bassin du 200 m dos. Mais ce record a une saveur particulière : «Pour moi, le 50 m nage libre c’est la discipline de la natation. C’est là où les mecs sont les plus rapides au monde. Là où il y a le plus de compétition avec le 100 m nage libre. Là, on parle de vitesse pure. Et pouvoir se dire que personne n’a été plus rapide au Luxembourg, ça me réjouit.»
Avant de penser à Paris, il lui reste des rendez-vous dans la piscine romaine. Et dès samedi, il s’alignera sur le 100 m nage libre. Au vu de sa prestation sur la moitié de la distance, nul doute que son record personnel (51″65) est en grand danger : «Mon but, c’était de faire le record national sur le 50 m, c’est fait. Le 100 m c’est du bonus. Mais théoriquement, passer sous les 50″ paraît jouable.» Pour mémoire, le record national est de 50″06 par… Julien Henx depuis quatre ans. Le minima B olympique est quant à lui fixé à 50″03 alors que le A est tout de même à 48″57. Un autre monde.
Et quand on lui demande quel est le secret de la réussite, Rémi Fabiani a une réponse qui fuse : «C’est beaucoup, beaucoup de travail. Énormément de temps et de sacrifices. Et des km et des km à l’entraînement. En stage je tournais à 60 km par semaine!»
Romain Haas