Le XV de France est face à son premier moment de vérité: une victoire face à l’Irlande dimanche (17H45 françaises) à Cardiff conforterait l’idée qu’il n’a jamais été aussi fort depuis quatre ans et qu’il a vraiment un rôle à jouer dans la Coupe du monde.
Ce 95e Irlande-France de l’histoire s’annonce particulièrement palpitant. Comme les deux derniers disputés dans le cadre d’un mondial: en 2003 les Français avaient remporté (43-21) un quart de finale époustouflant. Quatre ans plus tard, ils avaient enlevé (25-3) à domicile un match de poule étouffant, quelques jours après une défaite face à l’Argentine en match d’ouverture.
Cette fois, les deux équipes ont assuré leur avenir et le résultat n’est pas impératif. Quoique… Le vainqueur (ou l’Irlande en cas de match nul) terminera en tête de la poule D, évitera les redoutables All Blacks en quarts de finale pour affronter l’Argentine.
Pour battre les Irlandais et s’approcher du toit du monde, les Français doivent oublier une succession de contre-performances depuis quatre ans. Car le sélectionneur Philippe Saint-André n’a jamais dévié de sa ligne, mû par la conviction qu’avec un peu de temps devant lui pour modeler son groupe, tout deviendrait possible, y compris devenir champion du monde.
Alors, depuis le début du mois de juillet, le XV de France prépare méticuleusement son coup, et trotte dans un coin de sa tête ce rendez-vous si attendu sous le couvercle du Millennium Stadium.
Contre un adversaire étiqueté meilleure nation européenne et face auquel il reste sur deux matches nuls (2012, 2013) et deux frustrants revers (2014, 2015), l’occasion est rêvée d’étaler ses progrès. Et de démontrer qu’à plein régime et reconstitué de toutes ses forces, ce XV de France vaut bien mieux que celui qui traîne sa peine d’une pelouse à l’autre depuis 2012.
«On veut montrer à tous ceux qui ne nous voyaient pas à ce niveau-là que l’équipe de France est là et bel et bien prête», résume le pilier droit Rabah Slimani.
Puissance et buteurs
Saint-André prévient, lui, que ses troupes sont «affamées», bien décidées à faire taire les doutes qui ont logiquement taraudé tous les observateurs au fil des déceptions.
Force est de constater que pour l’instant, la feuille de route est respectée. En asseyant son jeu sur sa puissance et des buteurs en forme (Michalak et Spedding), le XV de France vogue sur une série inédite sous l’ère Saint-André de cinq succès d’affilée; deux en match de préparation (Angleterre, Ecosse) et trois en Coupe du monde (Italie 32-10, Roumanie 38-11, Canada 41-18).
Les bilans irlandais et français dans la compétition se ressemblent: 14 points pris sur 15 possibles, 110 points marqués et 26 encaissés pour les Verts, 111 et 39 pour les Bleus. Les deux ont livré des prestations inégales, ternies par des trous d’air, mais ont assuré l’essentiel à savoir la qualification pour les quarts, en attendant que leurs chemins ne se rejoignent.
Voilà donc une excellente mise en bouche avant d’attaquer le week-end suivant les matches à la vie à la mort de la phase finale.
L’équipe-type façonnée depuis un mois et demi par PSA et ses adjoints Yannick Bru et Patrice Lagisquet passera donc au révélateur irlandais, à commencer par la charnière Tillous-Borde – Michalak, la paire de centres Fofana – Bastareaud ou encore la première ligne mobile Ben Arous – Guirado – Slimani.
Le pragmatisme irlandais
Brice Dulin sera lui aussi soumis à un test grandeur «mature» à l’aile, lui l’habituel arrière déplacé sur le côté par un concours de circonstances et un peu contre son gré. Sa science du jeu aérien devrait être précieuse face à un adversaire très axé sur le jeu aérien.
Avec son jeu pragmatique, articulé autour d’un pack de fort tonnage (O’Connell, Heaslip, O’Brien…) et orchestré par la botte de l’ouvreur Jonathan Sexton, précis et minutieusement programmé sans être flamboyant, l’Irlande est devenue la principale puissance du continent et ambitionne légitimement de passer enfin le cap des quarts de finale de Coupe du monde.
Le XV du Trèfle a en effet réussi son redressement ces deux dernières années, remportant les Tournois des six nations 2014 et 2015 et ne déplorant que 4 défaites, pour 16 victoires, entre le printemps 2013 et le début de l’été 2015. Mais entre temps, le XV de France, regonflé à bloc, compte bien instiller un doute venimeux dans les esprits verts. Et signer ainsi son retour au premier plan, après quatre années dans l’ombre.
AFP/M.R.