Le Portugal n’a pas fait le boulot à Dublin, jeudi soir. Le joli succès à Bakou n’est pas encore synonyme de 3e place de groupe…
Après ce fabuleux ciseau de Gerson Rodrigues, auteur d’un doublé sous la pluie de Bakou, après ce troisième succès en éliminatoires du Mondial-2022 contre un adversaire qui a de moins en moins l’allure d’un concurrent, avec la certitude que le Luxembourg arrachera la troisième place du groupe A (ce qui constituerait un exploit historique) s’il ne perd pas face aux Irlandais… la fête, dimanche, sera magnifique. Pour la première fois à guichets fermés, le stade de Luxembourg pourra nous offrir, après quelques semaines de services seulement, la pleine mesure vocale de ce que sera son apport à l’ordinaire des Roud Léiwen : une révolution sonore. Elle marchera de concert avec la révolution de jeu et de résultats. Sa sélection nationale y bouclera quoi qu’il arrive la plus belle campagne éliminatoires depuis un quart de siècle. Et il ne tiendra qu’à elle de balayer celle de 1995. Bref, cela va rugir à Kockelscheuer, dans 48 heures.
Les amoureux de football vivent depuis tellement longtemps sur ce seul fait de gloire de 1995 que le succès d’hier à Bakou, qui ne souffre d’aucune contestation, tourne une page définitive. Holtz et ses gars ne sont qu’à 9 points, eux, mais chacun de ces 9 points a été conquis avec le talent plutôt qu’avec le hasard.
Forcément, 70 minutes à 10 contre 11…
Il en a pourtant fallu une petite dose non négligeable, jeudi, de hasard. À la 21e minute, Mutallimov a fracassé sans raison les reins d’Olivier Thill, d’une semelle totalement inconsciente et qui a fait passer des sueurs froides dans le camp luxembourgeois. C’était dangereux et surtout bête : ses coéquipiers vont devoir jouer plus d’une heure en infériorité numérique, exactement comme un an plus tôt sur cette même pelouse, en Nations League pour une défaite 1-2.
On se rappelle qu’à l’époque, le Grand-Duché, placé dans cette situation d’avoir à faire le jeu face à un bloc bas, avait étalé ses lacunes de créativité et ses vertus de patience. Il n’a dérogé à aucune des deux règles dans ce scénario à l’identique, ramant longtemps avant de voir ses individualités faire la différence. Le poteau de Sinani et deux ratés de Borges n’étaient qu’un préambule au coup de tonnerre de la soirée, cette inspiration divine de Gerson Rodrigues, qui avait déjà marqué à l’aller, sur un «simple» penalty. Là, l’attaquant de Troyes s’est envolé pour inscrire un retourné acrobatique qui fera le tour des télévisions d’Europe (0-1, 67e) et décanter une situation qu’on pensait embourbée.
C’est fou, autant de beauté
Après avoir été étonnamment passifs pendant près de trois quarts d’heure, mais aussi frôlé la correctionnelle à deux reprises puisqu’on n’est jamais aussi inoffensif sans s’exposer, les Roud Léiwen n’ont plus montré que des fulgurances et de la beauté.
Des équipes qui ont un peu plus d’expérience, on dit souvent qu’elles ont su attendre leur heure mais il est encore un peu trop tôt pour estimer que cette génération a atteint ce genre de maturité. Contentons-nous d’avouer que cette victoire aura été bien construite.
Les faits sont en effet là et ils brillent suffisamment fort pour qu’on y prête attention. De ce cadeau de Deville qui laisse filer entre ses jambes pour S. Thill (0-2, 78e), tout autant que de cette remise en talonnade de C. Martins pour le boulet de canon de Gerson (1-3, 90e), on peut dire que certains gestes ont pimenté une soirée pas dingue, mais globalement maîtrisée. Il n’y a pas seulement que le Grand-Duché peut dorénavant écrire l’histoire, il y a qu’il peut l’écrire avec des garçons qui, aujourd’hui, ont une classe folle et la capacité de faire des différences à un niveau international. C’est aussi cela que l’on viendra voir, ce week-end, contre une Irlande qui s’est ressaisie et n’a plus rien à voir avec la victime apathique du match d’ouverture de ce groupe A. Tant mieux. Une troisième place, ce ne serait pas drôle si c’était trop facile.
Julien Mollereau