Maxime Chanot vit un rêve éveillé depuis samedi soir et la victoire en finale de championnat contre Portland.
Samedi soir, New York City a remporté le premier titre de son histoire de MLS sur la pelouse de Portland (1-1, 2-4 tab). Voilà un Roude Léiw sacré champion de son pays de plus. Et avec toute la démesure qui sied tant aux États-Unis…
À quoi votre vie ressemble-t-elle depuis 48 heures?
Maxime Chanot : Je n’ai pas beaucoup dormi. Il a fallu refaire sept heures de voyage pour rentrer à New York et là, comme d’habitude, je viens de me lever et de boire mon petit café. Les choses n’ont pas changé, si ce n’est qu’aujourd’hui, je suis en vacances.
Et champion de MLS, optionnellement…
Oui d’ailleurs demain (NDLR : aujourd’hui), on doit aller au club récupérer nos affaires et on a aussi une réception à la mairie de New York, pour une célébration.
La gloire quoi!
Oui et non. Vous savez, le football m’a beaucoup pris. Je suis parti de chez moi à 14 ans, à l’étranger à 16. Je n’ai pas eu d’adolescence. Si je vous dis ça, c’est pour contextualiser : il m’a aussi beaucoup redonné, le foot. Comme le fait de pouvoir aller serrer la main du maire de New York à la mairie, mettre les pieds dans des lieux que je n’aurais jamais fréquenté sans le ballon. C’est beau, ce genre d’aboutissement, quand on a travaillé si dur, mais ça ne va pas changer ma vie.
Mais les champions de tous les sports collectifs des États-Unis ne sont-ils pas aussi reçu en bien plus haut lieu?
(Il rit) Si! Si, on va être reçus à la Maison-Blanche! Normalement, ça devrait se faire en mars ou début avril, un peu au moment où l’on reprend la saison. C’est comme ça que ça avait été organisé l’an passé, m’a dit un pote qui a été champion avec Coumbus Crew. Là, par contre, je ne vais pas vous mentir, me retrouver à la Maison-Blanche… Dans un de ces endroits et dans une situation auxquels je n’étais pas du tout prédestiné… Des équipes avaient boycotté le rendez-vous sous Trump, surtout des équipes de foot américain puisque c’est de là que le mouvement (NDLR : pour lutter contre le racisme aux États-Unis et les violences policières) était parti. Mais cela sera plus sympa cette année…
Et cette fameuse bague de champion, vous l’aurez reçue entretemps?
Ah la bague! On en a beaucoup parlé effectivement! Eh bien on la recevra vraisemblablement dans le courant de l’année prochaine. Cela prend un peu de temps. Elles sont faites sur mesure. On va voir ce que le club va mettre dans la confection, tout dépend du budget. Mais cela peut vite monter à des sommes conséquentes. Il faut voir les budgets que cela représente. Les chiffres grimpent vite. Alors quand vous avez 60 joueurs, comme en NFL, je vous laisse imaginer le budget!
La bague, on le recevra vraisemblablement dans le courant de l’année prochaine
Quel est le retentissement de ce titre?
Ah c’est vrai, vous êtes loin et les droits télé n’aident pas à vraiment prendre la mesure. Il y a deux ans, dans L’Équipe, j’avais lu que la MLS était, en termes de fréquentation, la sixième ligue la plus fréquentée au monde. Je n’ai jamais joué devant autant de monde que depuis que je suis là. Rendez-vous compte : 5 000 supporters avaient fait les 7 heures de voyage pour venir nous soutenir à Portland! La MLS, c’est une ligue majeure! Quand on est rentrés, l’aéroport était plein!
Quel a été le meilleur moment depuis samedi soir?
Pouvoir fêter ça en famille. Parce qu’à la limite, les proches sont presque plus contents que nous! Demandez à tous les footballeurs professionnels, tous vous raconteront comme tu peux souffrir par moments, être poussé dans tes limites, sur le point d’abandonner. Beaucoup sont partis en chemin.
En début de carrière, vous disiez faire aussi tout ça aussi pour rendre fière votre mère. A-t-elle pu en profiter?
C’est le genre d’événement pour lequel j’ai tant travaillé. Avoir sa mère à ses côtés dans ces moments-ci, c’est ce qu’il y a de plus beau pour un enfant. Mais elle a fait le choix de vouloir sortir de ma vie. Je ne comprends pas, étant moi-même parent, qu’on puisse faire ce genre de renoncement, faire le choix de quitter son enfant. Mais c’est comme ça. Je continue avec les gens qui m’aiment. Et ceux-là étaient là pour le soutenir et fêter ce titre avec moi.
Vous imaginez si on perd comme ça ce match et le titre? Ça aurait été honteux!
Parlons quand même un peu du match : contre Portland, New York a-t-il fait le match parfait jusqu’à cette improbable égalisation sur laquelle vous vous faites plaquer au sol?
On a été très très bons, oui. On avait pris une petite claque en finale de conférence, à Philadelphie, où on avait mal joué toute la première période. On avait été trop confiants après New England. On n’avait pas vu le jour et ça a été une bonne piqûre de rappel. À Portland, on avait les crocs. On concède peu d’occasions, on marque au bon moment et eux, habitués à jouer le contre, ont un peu perdu le fil quand on s’est retrouvés devant. On finit avec 60 % de possession de balle. C’est pas mal à l’extérieur. Et puis il y a cette action à cinq secondes de la fin. Le mec me monte dessus, ne touche même pas le ballon. À ce moment-là, le ciel nous tombe sur la tête. Mais ça tourne en notre faveur parce qu’on a eu la force de se relever. Mais le pire c’est que l’arbitre, on lui a conseillé d’aller regarder la VAR. Il ne l’a pas fait. Ma théorie, c’est qu’il ne voulait pas à avoir à annuler le but et siffler directement la fin alors que le stade venait d’exploser. C’est le problème avec la VAR : ils peuvent la prendre quand ils en ont envie. L’arbitre est venu s’excuser après. C’est bien, mais vous imaginez si on perd comme ça ce match et le titre? Ça aurait été honteux! Parce que vu notre parcours, peu de gens nous donnaient gagnant à la fin. Or on a fait quelque chose de très, très grand.
Et voilà un nouveau Luxembourgeois champion de son pays. Cela enfonce le clou sur le niveau de plus en plus élevé des joueurs du pays, non?
Ah mais j’espère que plus personne n’en doute depuis longtemps! Ceux qui doutent encore du niveau des joueurs de la sélection, j’ai envie de leur dire « changez de sport, vous n’y comprenez rien au ballon!« . Mais ce niveau qu’on a atteint, c’est à mettre au crédit de Luc Holtz. Moi, quand je rentre de sélection, je me sens meilleur, plus fort.
Vous imaginez être rejoint bientôt par Anthony Moris au rayon des champions nationaux?
Il a fait un super match contre Malines. Je l’ai vu en replay. Et je m’y intéresse d’autant plus que c’est Felice Mazzu, son coach, qui m’a lancé en Belgique! Ce qu’ils font, l’Union et lui, est exceptionnel et je pèse mes mots. Anthony est sans doute un des joueurs les plus sous-cotés que je connaisse. Il aurait mérité de jouer dix ans dans un club du statut du Standard de Liège. Je lui souhaite d’aller au bout!
Avez-vous un sentiment de plénitude?
Bizarrement pas trop. On a joué tous les trois jours depuis cet été et je suis tellement fatigué que je n’ai pas vraiment pris conscience. Là, je veux juste me reposer.
Julien Mollereau