Un entraîneur de DN désireux de rester anonyme nous a contacté pour témoigner : ce qu’il voit et lit sur les réseaux sociaux lui prouve que «les joueurs n’ont rien compris à la crise que l’on traverse».
«Ne me citez pas.» Au bout du fil, un homme en colère, qui avait déjà pris la peine, quelques heures plus tôt, d’expédier un mail en forme de courrier des lecteurs version non corporatiste. Ce technicien luxembourgeois, confiné comme beaucoup, venait d’en prendre pour un gros mois de réseaux sociaux en pleine tronche et n’en pouvait plus : «Je n’en finis plus de voir des choses qui me dérangent sur Facebook, Twitter… On n’arrête plus de parler de solidarité nécessaire dans le football et moi, je ne fais que croiser des joueurs qui, sur les réseaux, crachent sur leurs clubs, jurent qu’ils vont partir, tout ça parce que leurs dirigeants n’arrivent plus à les payer. Je n’ai même pas eu besoin de les chercher. Ils ne se cachent pas. Je trouve ça tout simplement dégueulasse.»
C’est drôle ça parce qu’assez récemment, nous avions rencontré des sponsors (l’hôtel-restaurant Gulliver, qui soutient notamment Differdange et l’Immobilière Abby Toussaint, qui subventionne elle le FC Wiltz) en manque de trésorerie pour continuer à aider comme ils le souhaiteraient les clubs de leur choix. Mais ils y voyaient une chance, affirmant même (naïvement ?) que cela rééquilibrerait forcément le rapport de forces dans les négociations.
Quelques jours plus tôt, certains clubs avaient même contacté le Progrès pour avouer aux dirigeants niederkornois à quel point cet aveu de politique managériale de la décroissance leur faisait du bien. Pour eux, c’était clair, cela les aiderait que l’une des adresses financièrement les plus stables du pays ait avoué dans les médias qu’elle comptait revoir à la baisse tous les contrats de leurs joueurs (ce que Niederkorn est d’ailleurs parvenu à faire). Des fois qu’il faille encore faire comprendre à certains joueurs que la source se tarit…
« On continue sur la loi du plus fort »
«C’est l’exemple de ce qui va dans le bon sens, embraye notre coach écœuré. Mais j’en vois encore beaucoup qui annoncent être prêts à partir pour un contrat un tout petit peu supérieur à ce qu’ils ont actuellement. Bon sang, pour une fois que c’est ton club qui a besoin de toi financièrement et pas l’inverse… Voilà, c’est ça notre réalité : en plein coronavirus, il y a plein de joueurs qui cherchent encore à aller là où il y a plus d’argent plutôt que de chercher à aider leur club. Et attention, dans ceux que j’ai croisés, il n’y a pas que des étrangers hein ! Il y a aussi beaucoup de Luxembourgeois et même des capitaines d’équipe, carrément. Et en plus, ils t’appellent pour prendre ouvertement des renseignements, écrivent pour demander des conseils. Lamentable. Là tu vois que…»
Que les choses ne sont pas parties pour changer ? C’est sans doute qu’au milieu du marasme généralisé, quelques clubs ont encore suffisamment de moyens pour que la bulle spéculative n’éclate pas encore pour de bon. «Oui, il semblerait bien que le RFCU et le Swift comptent en profiter à fond. On continue sur la loi du plus fort», admet notre entraîneur. «Et puis certains clubs communiquent très mal sur leurs intentions, voire continuent de payer certains joueurs et pas d’autres. Ou leur coach mais pas les joueurs, ça n’aide pas. Seulement vous pouvez déjà prévoir un sondage pour l’automne : regardez tous ceux qui ont quitté leur club. Je pense qu’il y en aura au moins la moitié, vous n’avez pas besoin de vous demander pourquoi.»
Bref, dans le monde d’après du foot luxembourgeois, selon lui, les choses ne changent pas tant que ça. Ras-le-bol, mode d’emploi.
Julien Mollereau