Trois des quatre clubs européens reprennent cette semaine au Luxembourg. Comment ? Sous quelles conditions ? À quel rythme ? La préparation la plus longue et la plus curieuse de l’histoire du foot local s’annonce.
Lundi, trois équipes reprennent le chemin de l’entraînement : le Progrès, Pétange et le Fola (Differdange ne reprendra que le 22 juin) vont s’élancer dans une longue préparation de sept semaines qui doit les conduire à leur premier match des éliminatoires des Coupes d’Europe.
Mais le chemin sera parsemé d’embûches. Les corps, en douze semaines, ont dû encaisser une interruption comme ils n’en ont jamais vécue et un peu partout en Europe, les professionnels prennent cher. Faut-il s’inquiéter de ce qui attend les footballeurs qui vont devoir s’entraîner en respectant les règles de distanciation sociale, par tous petits groupes, sans duels ni têtes? Quant aux matches amicaux dont on ne sait pas encore quand ils pourront avoir lieu, ils deviendront vite urgents pour mettre au point les derniers réglages avant le retour à la compétition, cinq mois et demi après leur dernier match officiel.
Faut-il être optimiste ? Pessimiste ? Un mélange des deux ? Deux coaches semblent aborder ce moment particulier de façon un peu différente. Ils nous ont expliqué leur point de vue sur le sujet.
Grandjean (Fola) : «Bon, il faudra quand même se changer dans sa voiture»
Comment cette reprise va-t-elle fonctionner ?
Sébastien Grandjean : On est déjà bien organisés. On a déjà une « appli » très simple d’utilisation avec un questionnaire à remplir avant chaque séance. Au moindre doute, le gars ne vient pas. Et j’ai fait acheter des boîtes pour chaque joueur. Avec couvercle. Ils laisseront leurs affaires avant de repartir chez eux et nous prendrons le lavage en charge. Bon, il faudra quand même se changer dans sa voiture, ce sera la débrouille.
À quel rythme, la débrouille ?
On va partir sur le principe de séances de 2 h 30 à 3 h seulement deux fois par semaine pendant les quinze premiers jours. Ce sont des séances de reprise de balle, de remusculation. Pas de courses, pas de fond. Les joueurs ont une perte musculaire énorme et dans les championnats pros qui ont déjà repris, il y a beaucoup de blessures. Cela fait longtemps qu’ils n’ont pas été mis à haute intensité.
Le risque de blessure est-il réel ?
Les pros ont été pris de court. Ils ont repris à la va-vite pour des matches qui sont revenus trop vite. C’est pour ça que j’ai bien mis l’accent là-dessus avec mon staff : on doit construire quelque chose de très réfléchi. Après tout, on a le temps.
Avez-vous déjà des indications concrètes sur l’état de forme de vos joueurs ?
Il y a eu un suivi dans la préparation physique, avec des séances par visioconférences qui ont été plutôt bien respectées par les joueurs. La semaine prochaine, nous ferons des tests. Je ne vois pas pourquoi nous aurions des mauvaises surprises. Ces gars sont jeunes, ils sont en forme. Je ne crois pas au plan catastrophe.
Avez-vous dû penser à des séances très spécifiques respectant le principe de distanciation et celui du nombre de joueurs imposé ?
Non, je n’y ai même pas réfléchi car au niveau de l’épidémie, il n’y a même plus de vaguelette. Tous les feux sont au vert. On va faire des tests qui coûtent cher tous les quatre jours et il faut bien se rendre compte que l’on va être la population la plus testée du pays. Allons! Ce sont des jeunes, une population qui n’est pas à risque, alors j’espère qu’on pourra reprendre normalement le plus vite possible, avant la fin du mois j’espère. Si on veut pratiquer notre sport, on ne peut pas ne pas refonctionner normalement.
Y a-t-il un risque de se planter ?
Je ne suis pas un doux rêveur : l’évolution de la pandémie fait qu’on peut être positif. Je pense qu’on va en arriver assez vite à une préparation normale même si neuf semaines, c’est même trop. On a prévu notre premier match amical quinze jours après notre premier vrai entraînement… dans deux semaines. Toute cette reprise, il faut la vivre très positivement.
Serredszum (Pétange) : «Les joueurs vont vouloir s’éclater, c’est là qu’est le risque»
Cette reprise, elle commence samedi ?
Cyril Serredszum : Les joueurs vont au laboratoire entre 9 h et 13 h. Le staff et moi, on arrive dès le début pour pouvoir voir les joueurs, leur parler. On les a déjà eus au téléphone mais cela ne remplace pas les relations humaines.
Ni les terrains d’entraînement. Il y a des travaux dans vos installations à Pétange. Vous allez vous en sortir ?
Les terrains de Mondercange ne sont pas disponibles avant juillet. On va donc rester chez nous et construire plusieurs scenarii possibles.
Et pour le moment, celui qui est retenu est…
La différence cette année, c’est que la coupure est beaucoup plus importante que d’habitude, surtout pour les internationaux. En général, c’est trois semaines maximum. Là, ce sera plus compliqué. Il faudra des tests pour savoir si on ne risque pas d’avoir trop de casse. On ne pourra de toute façon pas faire n’importe quoi. Il n’y aura pas de grosse intensité. On va faire au mieux en espérant que ça évolue.
Et sur ce point, êtes-vous optimiste ?
Pas de contacts, pas de têtes, pas de duels, la reprise, ce sera vraiment pour avoir la sensation de retoucher le ballon mais cela va rapidement devenir long si on ne reprend pas vite normalement.
Il y a des choses à éviter ?
Il va falloir calmer les joueurs au niveau de l’intensité! Quand ils vont voir le ballon, ils vont avoir envie de tout donner, de s’éclater et c’est là qu’est le risque. En même temps, l’intensité vient avec les jeux, les duels, donc… Mais bon là, aujourd’hui, on ne peut vraiment rien prédire. Juste faire face.
Donc l’organisation des séances, des groupes…
…se fera en fonction des disponibilités des uns et des autres. Nous, le staff, on aura une grosse amplitude horaire. Certains viendront le matin, d’autres l’après-midi… On doit répartir le flux. Mais il va aussi falloir tenir compte du fait qu’il serait bien que les nouveaux puissent fréquenter au maximum les anciens, pour s’intégrer. C’est quand même assez important.
C’est votre principal souci ?
Les joueurs n’ont jamais eu de coupure aussi longue dans leur carrière. Il faudra être très prudent, on va prendre notre temps. Et faire très attention à l’hygiène de vie. On doit faire en sorte que personne, dans ces conditions, ne prenne de retard sur le reste du groupe. L’avantage, c’est que l’absence de contacts devrait théoriquement aussi un peu limiter les risques de blessures.
Le risque de se planter dans la préparation existe-t-il ?
Oui. Mais là, la communication sera cruciale. On doit savoir ce que les joueurs ressentent. Est-ce trop dur ou pas assez? On va devoir ajuster perpétuellement…