Les clubs se disent perdus, deux rencontres ont dû être annulées à cause de joueurs testés positifs au coronavirus, l’une au moins de la prochaine journée pourrait ne pas se jouer mais Paul Philipp a été clair, vendredi : il faut reprendre ou l’on n’en finira plus de ne pas jouer. La maladie est encore là, mais place au jeu !
On n’a pas pu résister. On a demandé à Paul Philipp, jeudi après-midi, quelle(s) rencontre(s) il comptait aller voir et lui, qui reste joueur, n’a pas pu s’en empêcher non plus : «Je vais déjà attendre d’avoir le programme définitif.» Le président de la FLF, par cette boutade que certains trouveront salutaire et que d’autres percevront comme alarmante, a synthétisé la situation absolument schizophrénique dans laquelle le monde du sport se trouve aujourd’hui, désireux de participer à un retour à la normalité et même d’en être le moteur, tout en sachant qu’il ne tient qu’au virus de lui barrer le chemin.
Pourtant, on y est. Cinq mois et 14 jours après le dernier match officiel à avoir eu lieu sur le territoire luxembourgeois, le football va enfin reprendre. C’est symbolique parce que tout le monde sait très bien que le Covid-19 n’est pas derrière nous et aura encore une influence majeure sur le déroulement de la compétition. Mais ça ne l’est pas vraiment parce que cette reprise participe d’une volonté manifeste des ministères de la Santé et des Sports de retrouver une activité la plus normale possible, sans oublier la menace mais en apprenant à vivre avec.
950 sièges passés au gel hydroalcoolique
C’est la journée de jeudi qui s’est chargée de rappeler à quoi ressemble le football dans le monde d’après. À Wiltz, où toute une région attend le derby avec une impatience non dissimulée, les bénévoles ont pris le temps d’astiquer et de désinfecter à la main l’intégralité des quelque 950 sièges qui accueilleront le public pour le duel contre Etzella. C’est un des curieux effets vertueux de cette pandémie. L’obligation de voir les spectateurs poser leurs séants sur un siège plutôt que de les voir debout le long d’une main courante a multiplié les initiatives et les clubs se sont mis à inventer de toutes pièces des solutions alternatives qui prouvent la vitalité de ce sport.
Il suffisait en fait de se déplacer sur les matches amicaux, ces dernières semaines, de braver les peurs, d’intégrer les consignes à respecter (port du masque obligatoire, interdiction de se masser le long des barrières, obligation de s’asseoir…) pour percevoir l’effet de manque. À la louche, par exemple, il devait y avoir au bas mot 400 personnes pour suivre un amical Progrès – Fola, il y a deux grosses semaines.
Il faut dire aussi que le football luxembourgeois ne s’est pas arrêté de tourner avec le Covid. Bien que frappés de plein fouet par la crise financière, les clubs ont recruté dans des proportions folles, et plutôt intelligemment. Des caméras retransmettront bientôt les matches en live sur tous les terrains. Huit clubs au moins revendiquent l’une des trois places assurément européennes. Un nouveau monstre, le Swift, a comme prévu émergé. La Jeunesse est passée sous pavillon grec mais aujourd’hui, un derby eschois n’est qu’une aimable curiosité au regard de la densité de cette DN qui, pour la première fois de l’Histoire, se jouera à seize clubs. Progrès – RFCU aurait dû en constituer l’affiche et même le coup d’envoi, vendredi soir, mais les tests PCR en ont décidé autrement. Ces derniers continueront d’ailleurs de rythmer la saison autant que les blessures ou les cartons. Ils auront même un droit démesuré : celui de faire remettre des rencontres sans que l’on sache quand on pourra effectivement les jouer…
Bref, le football nous revient, très différent de celui que l’on connaissait mais avec un contexte tel que cette saison 2020/2021 risque bien de devenir l’équivalent d’une haletante série américaine dont on prendra les rebondissements en pleine poire un petit peu chaque jour. On espère juste que vous connaissez encore le chemin pour venir au stade.
Julien Mollereau