Après avoir initialement indiqué que l’élite féminine serait aussi mise en sommeil jusqu’en 2021, la FLF a fait marche arrière. Les filles joueront ce week-end !
Karine Reuter, la présidente du RFCU et de la Ligue, avait eu du mal à déglutir quand, fin octobre, on lui avait posé la question de savoir comment elle prenait l’annonce de la FLF de suspendre tous les championnats à l’exception de la BGL Ligue. «J’ose espérer que ce n’est pas une décision misogyne.» Très naturellement, c’est aussi la conclusion à laquelle les filles qui composent son équipe dames, au Racing, étaient arrivées, alors que le gouvernement venait d’autoriser toutes les premières divisions du pays à poursuivre leur activité : «Pourquoi les hommes et pas nous?», se demandaient-elles sur leur messagerie de groupe. Leur présidente est donc montée au créneau pour elles : «C’est inacceptable d’arrêter le football des dames alors que la BGL Ligue continue. En tout cas, c’est incompréhensible.»
«Championnat de seconde zone…»
Trois semaines plus tard, la bonne nouvelle est tombée : la Ligue 1, aussi, continue. La Promotion d’honneur, les divisions inférieures, les jeunes, les seniors réserves, le futsal restent en sommeil, mais l’élite dames va reprendre le collier aux côtés de la Division nationale. Sacrée reconnaissance, même si ce n’est finalement que l’application bête et méchante des recommandations ministérielles.
Toujours dans le club de la capitale, Philippe Ciancanelli, qui gère la coordination des équipes féminines, a pourtant peu goûté la première annonce sortie de Mondercange. «Pour moi, ça en disait très long. On avait l’impression d’être finalement un championnat de seconde zone, un truc vers lequel on tourne la tête de temps à autre pour dire „ah oui, c’est vrai, tiens, vous êtes là“. Tu prends vraiment ce genre de décision pleine tronche. Alors que nous, pour pouvoir aller jouer en Ligue des champions contre Ferencvaros, on a plus fait tester nos joueuses que beaucoup de clubs de DN! On essaye même de professionnaliser au point de leur donner des contrats. Et pourtant, s’il n’y avait pas eu plusieurs cas de Covid dans les clubs de BGL Ligue le 28 octobre dernier, les garçons auraient joué, et pas les filles.»
Le constat est là, oui, mais les faits récents imposent la nuance. La décision initiale de mise en sommeil jusqu’en 2021 ressemble finalement plus à un mauvais réflexe administratif (comme s’il ne pouvait y avoir d’élite que masculine) qu’à un dédain fédéral. Tout récemment, le sélectionneur national, Dan Santos, avouait encore que son conseil d’administration faisait énormément pour les dames, acceptant sans rechigner la plupart de ses requêtes. Un staff à cinq têtes pour encadrer les A, des équipements exclusifs distincts de ceux des hommes, le droit d’organiser cinq matches internationaux par an contre deux maximum auparavant.
Santos, contacté sur le sujet de cette annulation initiale du championnat dames, a vite enterré le sujet : «Non, on a mis une toute petite pression avec Carine Nardecchia, mais le président a immédiatement dit oui. Je pense que ce premier communiqué n’était pas fait de mauvaise foi. Ils n’y ont tout simplement pas pensé.» Il a quand même, a minima, fallu poser la question. Et se rendre à l’évidence, donc, qu’on ne «pense» pas automatiquement aux dames avant une décision stratégique.
Des trios d’arbitres ? Trop cher !
Pour étayer ce propos, mais aussi l’infirmer, il existe deux salves d’informations qui se contredisent autant sur le fond que sur la forme. La FLF a ainsi annulé un match amical prévu contre le Liechtenstein, en fin de mois, pour permettre la tenue d’une journée supplémentaire de Ligue 1. Mais certains clubs ont aussi freiné des quatre fers face à une proposition de valoriser le championnat en terminant l’année avec des trios d’arbitres plutôt qu’une personne seule – comme il est de coutume – au motif que cela… coûte cher. On parlait, au maximum, d’une centaine d’euros à débourser pou un à deux matches à domicile… Bref il y a, dès qu’on parle de football féminin, des ambiguïtés, c’est à tous les étages.
C’est finalement compréhensible et cela permet de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir pour les dames dans ce pays comme en Europe. Un exemple? Le RFCU, battu 6-1 par Ferencvaros à la Groupama Arena de Budapest (une enceinte de 24 000 places), a dû organiser son voyage, le 3 novembre, avec une enveloppe de 45 000 euros de subventions de la part de l’UEFA. Si les hommes avaient eu le même challenge, ils seraient partis avec une valise de 250 000 euros. La FLF ne peut pas, non plus, se montrer plus royaliste que le roi. Il n’empêche, selon nos informations, la Ligue 1 et ses 14 représentants (qui représentent pour l’heure 19 clubs différents pour cause d’ententes) réfléchissent à créer également une sorte de Ligue féminine, histoire de défendre leurs intérêts comme le font les hommes depuis pas mal d’années, mais avec efficacité depuis peu.
En attendant, d’ici à 2021, alors que le basket, le handball et le volley-ball ont mis la clef sous le paillasson et que 95 % du football national hiberne lui aussi, la BGL Ligue et… la Ligue 1 dames font encore vivre le sport grand-ducal.
Julien Mollereau