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Luc Holtz : «J’aimerais affronter l’Australie»


(photo Jeff Lahr)

Revenu du Qatar avec plein d’enseignements, Luc Holtz dresse un bilan d’un mois de compétition. Et il y en a à la pelle, furieusement importants pour préparer l’avenir.

Combien avez-vous vu de matches sur cette compétition?

Luc Holtz : Je suis resté sur place cinq jours et j’ai assisté à cinq rencontres entre la fin des poules et le début des huitièmes  : Portugal – Corée du Sud, Brésil – Corée du Sud, Portugal – Suisse, Argentine – Australie et Pologne – France. Initialement, j’y suis surtout allé pour voir le Portugal, que nous rencontrerons lors des éliminatoires de l’Euro.

Mais je voulais aussi voir cette France qui est à mon sens la meilleure équipe au monde et superviser l’Argentine et le Brésil, des pays non européens qu’on n’a pas souvent l’occasion de voir.

Quelle différence cela fait-il pour vous d’aller suivre ces rencontres en live plutôt que d’avoir les ralentis sur votre écran?

Ah, mais il n’y a pas photo! Tactiquement, devant ta télé, tu ne vois pas la moitié de ce que tu peux voir assis dans le stade. Par exemple, de ce que j’ai pu observer, le Brésil est l’équipe qui m’a le plus impressionné. Dans le pressing collectif et le contre-pressing, ils m’ont surpris.

Avant, ça ne jouait vraiment qu’en possession de balle. Mais désormais, il y a un vrai plan de jeu, tout le monde adhère et fait les efforts physiques qui, avant, n’étaient pas forcément faits. Ils étaient d’ailleurs plus impressionnants quand ils n’avaient pas le ballon que quand ils l’avaient.

Quelles tendances majeures ressortent de ce Mondial, selon vous?

Eh bien que si j’étais l’entraîneur de l’Espagne, je me tracasserais énormément sur le choix de mes joueurs et la formation. Le foot du temps de leurs titres mondial et européens, mais aussi celui qui faisait que le Barça gagnait tout, c’est du passé! Il faut revoir les paramètres physiques! Dans ce football avec beaucoup de un contre un, les paramètres physiques sont cruciaux.

Et les Espagnols ne vont pas assez vite et ils manquent d’impact dans les duels. Et puis offensivement, ils n’avaient pas la qualité individuelle qu’ont par exemple les Argentins avec Messi ou les Français avec Mbappé, qui font la différence avec de la vitesse et le sens du dribble. Cela a de plus en plus d’importance.

Pareil pour l’Allemagne, qui est sortie tôt et qui continue à réfléchir à des sujets extrasportifs alors que la raison de leurs échecs n’est pas là : là aussi, il faut remettre en cause la formation. Ils sont très en retard en termes de qualité technique.

Cela fait des années qu’on envoie trop de garçons en Allemagne à mon goût

Cela pourrait-il inciter la FLF, qui expédie énormément de ses joueurs dans les centres de formation allemands à revoir un peu ses orientations, malgré l’éclosion récente de Barreiro et Olesen à Mayence ou Borges à Mönchengladbach?

Pour moi, cela fait déjà des années qu’on envoie trop de garçons en Allemagne à mon goût. Ils partent vers l’Allemagne et pas vers la France alors que la qualité des Bleus, à l’heure actuelle, vient en grande partie de leur formation. Sur le travail individuel, il n’y a pas meilleur!

Alors oui, ils devraient insister davantage sur le mental et la tactique, mais regardez les Allemands : ils reçoivent une formation tactique bien trop tôt, alors même qu’ils ne savent pas encore s’ils doivent jouer court ou long. Non, techniquement, la France est très en avance.

Êtes-vous revenu en vous disant qu’il allait falloir axer un peu différemment le travail auprès des Roud Léiwen?

Non, ce Mondial ne m’a pas fait changer d’avis au niveau tactique. On n’inventera pas de nouvelles choses ces prochains mois au Luxembourg.

Il n’aura échappé à personne que bien qu’ayant affronté le Portugal lors de la dernière campagne, vous les avez supervisés encore deux fois. Utile?

Je me tracasse sur la manière de leur poser des soucis et en la matière, le Maroc, en quarts, nous a donné de précieuses indications.

Le débat, aujourd’hui, c’est de savoir si les Lusitaniens sont meilleurs avec ou sans CR7. Votre avis?

Ils se cherchent un nouveau sélectionneur. Que va-t-il en faire, lui, de Cristiano Ronaldo? Quelle sera sa philosophie de jeu?Et comment Cristiano Ronaldo gérera? Est-il prêt à s’asseoir au besoin sur le banc? Et puis si le match contre la Suisse (6-1, en 8es) a prouvé qu’ils n’avaient pas forcément besoin de lui, celui face au Maroc (0-1, en quarts) me laisse penser que peut-être, s’il avait été là d’entrée…

Oui, la vitesse n’est plus ce qu’elle était mais il a l’expérience dans les vingt derniers mètres et un jeu aérien exceptionnel. Contre nous, moi, je le préférerai sur le terrain. Parce que j’ai bien vu les gens, au stade, quand il est entré : c’est l’euphorie. Cela donne du piment à un match. Après, s’ils sont désormais plus forts ou moins forts sans lui…

Le Maroc nous a donné des indications pour jouer contre le Portugal

Et si c’était José Mourinho, à qui la fédération portugaise a fait une offre?

Alors, je vais devoir me tracasser pour savoir comment il pourrait bien jouer… En général, Mourinho, ça a toujours été une bonne base défensive mais là, avec la qualité qu’il aurait sous la main… Lui aussi, c’est un personnage qui donnerait de l’émotion à la rencontre de mars. C’est un très grand coach, que je respecte pour son palmarès.

Tiens, puisqu’on parle de grand coach, Didier Deschamps, selon vous, doit-il continuer, ou arrêter?

Il a abattu un boulot fantastique et on ne peut pas faire beaucoup mieux que ce qu’il a fait. En plus, les joueurs adhèrent et la France traverse la meilleure période de son histoire. Je ne vois pas pourquoi il s’arrêterait.

On en parle, des arrêts de jeu à rallonge?

Je salue l’initiative! Le football, c’est de l’« entertainment« . Les gens viennent voir du jeu, pas des équipes qui jouent la montre. Et à partir de maintenant, gagner du temps ne servira plus à grand-chose. Mais ce n’est pas parce que nous sommes susceptibles de devoir jouer plus que nous devons plus craindre les autres équipes de notre prochain groupe de qualification (NDLR : les éliminatoires de l’Euro-2024). Contre la Bosnie, la Slovaquie, l’Islande, ce sera vraiment du 50-50…

Et le prochain Mondial à 48, que vous inspire-t-il?

Je me suis posé la question quand j’étais au Qatar. Et je suis persuadé qu’outre l’Italie, qui manquait, beaucoup d’autres nations européennes y auraient eu leur place, qualitativement parlant. Je pense que cette formule va enrichir le jeu.

Plus d’équipes, plus de surprises – comme le Maroc cette année –, plus de piment… Beaucoup de nations qu’on n’attendait pas ont prouvé qu’elles avaient le niveau…

Comme?

Quand j’ai regardé l’entraînement de l’Australie, contre l’Argentine (NDLR : en 8es, 2-1), on pouvait voir la différence de niveau juste là. Et elle était énorme, individuellement parlant. Mais sur le terrain… Avant le match, je me disais que j’aimerais bien les affronter, pour voir.

Après le match… disons que c’est très intéressant! Mais j’aimerais bien me situer par rapport à des qualifiés comme ça.