Le milieu de terrain luxembourgeois s’est raconté en exclusivité sur le site de son club de Mayence. Et alors que la Bundesliga pourrait bientôt reprendre, un constat : il a bien vécu le confinement.
«Si c’est amusant, ça ne peut pas faire de mal.» Leandro Barreiro ne donne pas énormément d’interviews, mais il n’est jamais avare d’une punchline et sortir celle-là en plein confinement en dit long sur la sagesse d’un gamin de 20 ans d’une maturité folle. Et ce n’est pas parce que le seul entretien qu’il ait accordé ces dernières semaines aura été pour… le site internet du FSV Mayence 05 qu’il allait se gêner pour dire que cette pénible et longue affaire de virus ne l’a pas plus gêné que ça.
Elle l’aura finalement juste un peu coupé dans son élan de nouveau titulaire en puissance. Même si cela n’a pas empêché les médias allemands de commencer, lentement, à s’intéresser à son cas de «penseur rapide». C’est comme cela que Kicker appelle Barreiro maintenant que son éclosion en Bundesliga s’est confirmée par six titularisations consécutives avant que le coronavirus ne s’invite sur l’Europe.
Finie la discrétion, donc, pour le petit milieu de terrain luxembourgeois alors que dans une grosse dizaine de jours le championnat est censé reprendre. La D1 allemande compte environ 80 gamins de 20 ans ou moins : 59 pèsent moins d’apparitions que lui en championnat depuis le début de la saison et, désormais, la question se pose de savoir si l’Erpeldangeois peut se mêler à l’hypnotisante liste des quinze petites pépites qui se sont plus montrées que lui et qui sont susceptibles de rythmer la Bundesliga ces prochaines années, de Kai Havertz (Leverkusen) à Alphonso Davies (Bayern), en passant par Nico Schlotterbeck (Fribourg) et Christoph Baumgartner (Hoffenheim), sans compter l’impressionnante légion des joyaux de Dortmund (Jadon Sancho, Dan-Axel Zagadou, Giovanni Reyna et bien évidemment Erling Haaland). Tout ça, c’est bien beau, mais Barreiro a quand même sa petite caractéristique très personnelle : il est l’un des seuls milieux récupérateurs du lot. Si ce n’est le seul.
Reinhold Breu, directeur technique national interrogé par Kicker, relève pourtant aujourd’hui que tous les scouts allemands étaient passés au travers du petit gars, «à l’exception de Mayence». Et le club n’a pas à s’en plaindre : il est tombé sur une perle.
Les preuves sont venues du récit de son gros mois de confinement. Le syndicat des joueurs pros a estimé qu’au moins 10 % des joueurs étaient dépressifs? Certains ont fait n’importe quoi, rompu leur isolement ou pris des kilos? Barreiro, lui, a été irréprochable.
Privé de la traditionnelle réunion de Pâques en famille, à laquelle il avait eu droit l’an passé et durant laquelle il avait «beaucoup mangé», Leo a cuisiné léger en feuilletant et mettant en application «des recettes d’un livre sur la cuisine saine». Et puis, «dès le début, j’ai essayé de maintenir mon rythme de sommeil pour ne pas tomber dans une sorte de mode vacances.»
Aucune chance donc que le 9 mai contre le Werder Brême, pour la reprise supposée et dans un choc importantissime pour le maintien, le petit «porteur d’eau», comme l’a également qualifié Kicker, ait physiquement baissé de pied. «Déjà en U12 et U13, il était déjà plus rapide que l’adversaire, surtout dans la tête», assure de toute façon Breu, tout heureux de mettre en avant le concept du CFN, basé depuis pas mal d’années sur la vivacité cognitive, dont Barreiro est un des représentants les plus éclatants. Vif dans son corps, vif dans sa tête.
«J’ai toujours voulu jouer d’un instrument»
Les neurones, puisqu’on en parle, ça se travaille. Et tout est bon. Roulement de tambours : «J’ai commencé à apprendre le piano» sur une application et à raison d’une heure minimum de pratique par jour. «J’ai toujours voulu jouer d’un instrument, sourit l’international aux 16 sélections. Tout d’abord, j’ai appris à lire des notes. Maintenant, je deviens un peu meilleur. Je ne sais pas si je suis musical, mais j’aime ça.» Mayence ne peut rien s’acheter avec ça. Leo a donc trouvé encore un peu plus de temps au fil de ses journées surchargées (il s’est aussi mis à la lecture) pour représenter son équipe lors des tournois en ligne qui ont fleuri un peu partout sur le continent, pour occuper vaguement les supporters. Familier de FIFA depuis l’édition 2007 du jeu, Barreiro a même fait étalage d’humilité : «Jusqu’en novembre 2019, je jouais intensivement en mode Ultimate. Puis j’ai réalisé que si vous perdez beaucoup de matches, alors vous n’êtes pas de si bonne humeur après cela. Cela ne m’a pas fait de bien. C’est pourquoi je suis passé à un mode de jeu plus simple.» Pour retrouver le plaisir sans doute, pour coller à son style de joueur en une touche, mais aussi avec la conviction profonde que cela peut aussi lui apporter quelque chose, notamment en lui permettant de mettre en pratique son apprentissage de footballeur : «Sur Playstation, vous pouvez apporter des choses de votre entraînement quotidien. Aussi la tactique et le sens de l’espace. Et si c’est amusant, ça ne peut pas faire de mal.»
Nous y voilà. Leandro Barreiro, talent naissant, a mis à profit cinq semaines de confinement pour grandir en tant qu’homme. Il le sait, il le dit et le revendique même : «J’espère que cette expérience m’aidera à un moment donné, en tant que footballeur, si je dois faire face à des situations nouvelles.»
Julien Mollereau