L’historien du sport luxembourgeois, instituteur de métier, reconverti au ministère des Sports, est devenu l’archiviste du sport luxembourgeois. Il déplore la non-avancée manifeste du projet d’un musée dédié.
Une idée vraiment saugrenue. Quelle mouche, donc, nous avait piqués pour qu’on se laisse aller à lui demander de se plier à notre rubrique «C’était mieux avant», qui paraît chaque jeudi en alternance avec le portrait? Non seulement, la série de questions posées aux anciens sportifs est difficilement transposable aux autres catégories de personnes, quand bien même celles-ci gravitent depuis toujours autour du sport, comme c’est justement le cas avec Henri Bressler.
Non, définitivement, non! L’historien du sport luxembourgeois ne pouvait trancher à ces tas de questions rituelles, à l’emporte-pièce. Le sportif le plus fort? Le plus sympathique passe encore, mais non, surtout pas le plus antipathique… «Je suis désolé de te décevoir. Et il y a certaines questions auxquelles j’aurais plusieurs réponses…»
Sorti de ce bref embarras, Henri Bressler accepta de bonne grâce l’idée d’un portrait – même si on le comprendra assez vite –, s’il n’a jamais embrassé le métier de journaliste, sa passion pour le sport et les sportifs luxembourgeois le pousse davantage à parler des autres que de lui.
Il suffit d’appuyer juste au bon endroit. En plein cœur. Pour faire sortir Henri Bressler, personnage amène et discret, corseté par la bienséance, de ses gonds, il faut encore évoquer le musée des sports, car «malgré de nombreuses promesses, un musée du sport luxembourgeois n’a toujours pas été réalisé».
Car s’il a passé une bonne partie de sa vie à collecter, collectionner et archiver tout ce qui touche au sport luxembourgeois, transformant même sa demeure au Cents en véritable musée personnel, ce conservateur à domicile tient à remettre en main propre tous ses petits trésors pour les entreposer enfin dans un endroit dédié à cette fin.
Rien ne destinait Henri Bressler, auteur de plusieurs ouvrages sur le sport luxembourgeois, mais principalement le cyclisme, à devenir une sorte de superviseur en chef du sport luxembourgeois. «Le sport a toujours joué un rôle primordial dans ma vie quotidienne et professionnelle. Si j’ai évolué à un niveau modeste dans quelques équipes de football, c’est toutefois le sport cycliste qui m’a particulièrement fasciné. J’ai fait un peu de vélo pendant mes loisirs», rappelle-t-il.
Marié, trois enfants, cinq petits-enfants, Henri Bressler, 84 ans aujourd’hui, a eu, à l’écouter, une première vie d’instituteur en écoles primaires très enrichissante. «En 1981, explique-t-il, Camille Polfer, en tant que commissaire au ministère des Sports, m’a proposé de le rejoindre pour m’occuper du sport-loisir.»
C’est un homme d’une rare amabilité. Il a une connaissance encyclopédique du sport luxembourgeois, mais il est discret, il sait parler à tout le monde
«En tant qu’instituteur, j’ai œuvré comme dirigeant dans le domaine du sport scolaire. Plus tard, au ministère des Sports, j’étais responsable pour la promotion du sport-loisir et pour la sauvegarde du patrimoine sportif», rappelle-t-il.
Il ornait ses propres loisirs d’expositions sur le sport luxembourgeois, déjà. En 1985, Marc Fischbach, l’ancien ministre, impressionné lors d’une expo sur le cyclisme, François Faber, Nicolas Frantz, Charly Gaul, lui propose de devenir le collectionneur du sport luxembourgeois.
Banco, Henri Bressler est ravi. C’est d’ailleurs là qu’a germé pour la première fois l’idée d’un musée consacré au sport luxembourgeois…. Il aura cette mission jusqu’à cette retraite finalement prise au lendemain du grand départ du Tour de France 2002, au Luxembourg, puisqu’il était l’un des membres du comité d’organisation.
Surtout, pendant longtemps, Henri Bressler aura cette joie indicible d’être secondé dans sa fonction ministérielle par un certain… Charly Gaul, qu’il retrouvait chaque matin au bureau, dans une annexe de l’INS (Institut national du sport). Vous imaginez, lui, le passionné de cyclisme depuis sa plus tendre enfance, travaillait en étroite complicité avec l’ancien double vainqueur du Giro (1956 et 1959) et du Tour de France (1958).
Il entend encore Georges Lanners, l’ancien commissaire aux sports, lui proposer cette collaboration en vue de préparer le grand départ du Tour de 1989. «On s’est tout de suite très bien entendu, je l’ai mis en confiance et jusqu’à la retraite de Charly, c’était un bonheur de travailler avec lui», rappelle-t-il ainsi. Henri et Charly ont passé des années à compiler tout ce qui pouvait l’être à une époque où internet n’en était qu’à ses balbutiements.
Au ministère, son personnage fait l’unanimité. «C’est un homme d’une rare amabilité. Il a une connaissance encyclopédique du sport luxembourgeois, mais il est discret, il sait parler à tout le monde. Et je me souviens d’un collègue très organisé, pointilleux et précis, mais aussi jovial et gentil. Une personne rare», dit aujourd’hui Carlo Hastert, ancien secrétaire général du ministère, lui aussi retraité.
Les ouvrages d’Henri Bressler sont appréciés des connaisseurs. «Les livres sur le sport que j’ai eu le plaisir de réaliser, je les dois en grande partie à l’aimable contribution des sportifs eux-mêmes ou à l’appui de collaborateurs dévoués. Les publications auxquelles j’ai travaillé le plus longtemps sont les deux tomes sur l’histoire du cyclisme luxembourgeois.»
Pour ce fan de sport luxembourgeois, «un des plus beaux exploits de l’équipe nationale de football fut la victoire (2-1) contre les Pays-Bas en Coupe d’Europe des Nations en 1963».
Il pourrait en parler des heures durant. Mais pourtant, il ne décolère pas de voir que le projet du musée des sports reste au point mort. «Cela m’embête, insiste Henri Bressler, je suis un peu triste, j’ai tellement d’objets, de documents à donner. Ma maison est pleine d’archives. Je voudrais établir une convention avec le ministère des Sports pour que tout ce que j’ai collectionné soit la propriété du ministère. J’en ai parlé avec mes enfants. Le musée, je pensais qu’il serait réalisé. À la Coque ou à Mondorf (là où se bâtit le futur vélodrome), cela n’était pas réalisable. À Esch-sur-Alzette, je sais que cela n’avance pas à cause d’un terrain qui n’appartient pas à la ville, là où il devait être implanté avec le nouveau complexe sportif. J’étais content d’avoir les plans, mais ça n’avance pas. J’attends toujours. J’en suis très malheureux, le musée du sport luxembourgeois n’a toujours pas été réalisé.»
Avec cette idée saugrenue, on avait malheureusement fini par le fâcher. Car Henri Bressler a en définitivement assez d’être un conservateur à domicile.