Féru de ballon rond et de chiffres, Arno Funck a réuni ses deux passions sur un site internet, Der luxemburgische Fussball, qui constitue depuis 1999 une mine de statistiques sans pareil pour les suiveurs du foot luxembourgeois.
L’interface est sommaire, ancrée dans son époque – elle n’a pas changé depuis 1999. Mais le site web Der luxemburgische Fussball, connu sous le nom de domaine fussball-lux.lu, reste un passage obligatoire et un réflexe pour les journalistes de sport du Grand-duché, y compris les non-germanophones. Tout, au sujet du football luxembourgeois, y est, ou «presque», comme le précise une mention entre parenthèses sur la page d’accueil du site :«Résultats, classements, statistiques, pour tous les clubs, équipes nationales, joueurs et bien plus encore». Une bible.
Derrière cette mine d’informations, il y a un homme, amateur de ballon rond et avide de chiffres depuis sa plus tendre enfance. Comme beaucoup de garçons, Arno Funck a joué au foot, comme «gardien de but puis défenseur», à Clemency, où il a grandi, et ce jusqu’à ses 17 ans et son entrée dans l’armée. Comme beaucoup de Luxembourgeois, il est supporter de Dortmund depuis ce jour où, à six ans, devant la télé en noir et blanc, il s’est pris d’amour pour les Borussen, charmé par… un détail vestimentaire : «leurs chaussettes rayées m’ont plu».
«J’ai tout codé en HTML ! C’est un copain m’a montré comment faire. Aujourd’hui, c’est simple de faire un site. Mais en 1999…»
Mais combien sont-ils, gamins, à noircir des feuilles avec des scores et des classements ? Arno Funck était de ceux-là. Et sa passion juvénile s’étendait au-delà du Luxembourg ou de la Bundesliga. Au-delà, même, du réel : «Avec mon grand frère, Jean-Claude – qui a joué avec moi à Clemency et a marqué beaucoup de buts –, on avait inventé un pays, avec une vingtaine de villes et d’équipes fictives, et on tirait les résultats au sort, journée par journée. Puis je reportais les résultats et j’actualisais la Tabelle !»
Peu commun. Mais finalement naturel, à écouter l’intéressé. «J’aime les matchs, les chiffres, les résultats du foot», justifie sobrement l’ancien douanier, avant de saisir une perche tendue et de se lancer dans une énumération – exacte – des vainqueurs de la Coupe du monde : «1930 : Uruguay. 1934 : Italie. 1938 : Italie. 1950 : Uruguay. 1954 : Allemagne. 1962 : Brésil…»
Longtemps, sa soif de connaissances footballistiques s’est heurtée à un mur : le championnat luxembourgeois. «Je voulais tout savoir dessus, retrace-t-il, mais je n’ai presque rien trouvé.» Alors, au mitan des nineties, Arno Funck s’est mis à creuser, dans les archives de nos confrères du Wort et du Tageblatt, où il a «passé beaucoup de temps devant le scanner», et celles de la FLF, où il a tenu en mains «des registres de résultats datant de 1910 ou 1915, dont les feuilles tenaient à peine».
Internet était «encore jeune», et l’intéressé «ne (pensait) pas faire un site», assure-t-il. Mais un jour, après des années à tout passer au tamis, le butin est devenu trop gros pour ne pas le partager, et le natif de Pétange s’est lancé dans ce qu’il considère être «l’oeuvre d’une vie», Der luxemburgische Fussball. Une gageure, à l’époque : «J’ai tout codé en HTML ! C’est un copain m’a montré comment faire. Aujourd’hui, c’est simple de faire un site. Mais en 1999…»
Je sais que mon site n’est pas moderne, mais c’est ce qui fait son charme ! Je veux qu’il reste simple et accessible
Un site sans équivalent auquel il consacre cinq à six heures par jour, journaux et coups de fils aux présidents de clubs à l’appui, depuis qu’il a pris sa retraite et élargi son offre aux équipes réserves et aux dames, il y a une dizaine d’années. Et dont il assume le style inchangé en un quart de siècle, donc désuet : «Je veux que ça reste comme ça. Je sais qu’il n’est pas moderne, mais c’est ce qui fait son charme ! Je veux qu’il reste simple et accessible». Et diablement utile. Pas qu’aux journalistes, d’ailleurs.
Dès lors qu’un club luxembourgeois fête son cinquantenaire ou son centenaire et entreprend d’éditer un livre pour marquer le coup, c’est vers Arno Funck – par ailleurs contributeur de l’ouvrage paru à l’occasion des 100 ans de la FLF en 2012 – qu’il se tourne spontanément. Sa rétribution ? Le bouquin en question, et un accès aux archives dudit club. Mais certainement pas d’argent. Cela ne l’«intéresse pas». Pas plus qu’une quelconque aide extérieure ou une fusion avec un autre site, comme on lui a proposé il y a quelques années : «c’est mon bébé». Circulez.
La progéniture, dont la réputation a dépassé les frontières au point de valoir à Arno Funck des appels d’avant-matches des journalistes du magazine allemand Kicker, en quête d’informations sur les Rout Léiwen, et de «piger» durant une décennie pour le Yearbook de l’UEFA, semble avoir de beaux jours devant elle. À 67 ans, dont 26 à alimenter son site, le self-made-webmaster ne ressent «jamais de lassitude. Je suis heureux, chaque jour, de mettre le PC en route». Et de satisfaire pas mal de curieux, de l’autre côté de l’écran.