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La DN, contrainte au chômage partiel, tremble pour sa survie


La masse salariale du F91 ? Près de 200 000 euros mensuels. Même si les joueurs de DN sous contrat de travail vont être mis en chômage partiel, il y a urgence ! (Photo : Luis Mangorrinha)

Les clubs comptant des joueurs pros les mettent progressivement au chômage. Cela ne règle pas plusieurs problèmes épineux : la survie des joueurs amateurs et la désertion des sponsors.

Fabio Marochi n’a pas la voix des bons jours. Comme la plupart des présidents de clubs de Division nationale, il est entrepreneur, donc terriblement réaliste, donc magistralement inquiet. Depuis plusieurs jours, il voit passer sous ses yeux les mails fatalistes des sponsors de son Progrès Niederkorn et ils disent tous la même chose : ils se désistent, au moins temporairement.

L’effet sur les finances de l’actuel 2e de DN est immédiat, mais la conjoncture économique l’invite à s’interroger tout autant que le fait Mauro Mariani au Fola Esch : «Sur le long terme, le sponsoring, cela va devenir très complexe, puisque tout le monde va couper très logiquement dans les choses non fondamentales.» La question de l’avenir, celle des ressources financières d’un championnat qui vit peut-être au-delà de ses moyens, il faudra sans doute se la poser un jour et d’ailleurs, depuis son bureau de la fédération, Paul Philipp le fait déjà : «On n’a finalement raté que deux journées de championnat. Si nos clubs se retrouvent déjà en pleine crise financière après avoir raté deux journées dont un seul match à la maison, alors cette crise peut être un mal pour un bien, l’occasion de mettre le pied sur le ballon et de s’interroger : est-ce qu’on est toujours dans le vrai ?»

Chaque chose en son temps. La réflexion de fond viendra avec le retour, ou non, des ressources. Mais puisqu’on se doute déjà qu’il sera compliqué de les voir affluer comme avant le coronavirus, les soucis du moment n’en prennent que plus d’épaisseur. «On n’est pas encore dans une situation dramatique, mais elle va le devenir dans les semaines à venir. Rien qu’au boulot, je me demande moi-même jusqu’à quand je pourrai tenir», décrypte Marochi. «On peut pour l’instant assumer nos obligations vis-à-vis des joueurs, complète Jean Cazzaro, du côté de la Jeunesse. Mais si cela dure un ou deux mois, il faudra à un moment parler avec les joueurs et évoquer des baisses de salaires.»

Le problème des salaires est multiple. Ni vraiment amateur ni vraiment professionnel, le football luxembourgeois se divise entre les joueurs qui disposent de contrats de travail (une infime minorité) et ceux qui se contentent d’un contrat de louage d’ouvrage. Une plaie pour le F91 et son président, Romain Schumacher, qui évoque une «situation ingérable» dans laquelle la fédération laisse moisir ses clubs. «Ces contrats sportifs, reprend Mariani, c’est LE plus gros sujet sur la table.» Car si quelques clubs rétribuent à la prime, d’autres ont des salaires à honorer et ceux-là ne peuvent pas se réfugier derrière le parapluie qu’a ouvert Dan Kersch, le ministre des Sports, en début de semaine, puisque les aides gouvernementales ne profiteront qu’aux joueurs assimilés professionnels.

«J’espère que Dan Kersch ne va pas nous laisser tomber»

Le Progrès Niederkorn a ainsi obtenu la signature des seize personnes, joueurs et staff, qui jouissent chez lui d’un contrat de travail en bonne et due forme, puis effectué les démarches pour les faire bénéficier du chômage partiel. Tous les papiers ont été envoyés, le club attend la réponse des autorités compétentes. S’il obtient satisfaction, ces «pros» toucheront 80 % de leur salaire avec un plafond limité à trois fois le salaire minimum. Quand ? Bonne question. En attendant, même si le sujet peut prêter à sourire vu sa futilité, des hommes attendent de l’argent pour nourrir éventuellement leurs familles.

De son côté, Dudelange commence à envisager très sérieusement d’entamer les mêmes démarches. «On veut profiter de cette solution du chômage partiel, oui, reconnaît Romain Schumacher. Pour les autres, nous sommes en train de voir avec nos juristes ce que nous pouvons faire, mais nous prendrons soin de nos joueurs.» Récemment, le président du F91 nous avait indiqué qu’il pouvait estimer la masse salariale que représente cette énorme machinerie qu’est le champion en titre à près de 200 000 euros mensuels. C’est dire l’urgence, pour lui, de trouver des solutions concrètes pour que chacun puisse continuer à percevoir un salaire, même en l’absence de compétition.

Même la fédération, d’ailleurs, va devoir s’y mettre. La FLF emploie, elle, quelque 25 personnes. Une liste a déjà été établie. Elle exclut les entraîneurs les plus élevés dans la hiérarchie tels Luc Holtz, qui «assurent un service continu dans le lien avec les internationaux» dixit Paul Philipp, mais les employés de bureau n’en seront pas exemptés. C’est dans cette situation inédite qui n’épargne personne que les clubs n’ont plus qu’un souci, exprimé par Fabrizio Bei, le président differdangeois : «On a un peu de réserve, assez pour garder encore un peu la tête hors de l’eau, mais j’espère que Dan Kersch ne va pas nous laisser tomber.» L’appel au ministre des Sports est vibrant. Il n’y va pas encore de la survie des clubs luxembourgeois, qui ne sont pas lancés dans le même modèle que celui de ses voisins des pays limitrophes ou autres, mais sûrement d’une préservation de leur compétitivité.

«On ne se rendrait pas populaires en allant demander de l’argent maintenant»

Alors que certains doivent encore toucher des reliquats de la part de l’UEFA au titre des primes de participation aux Coupes d’Europe mais aussi de mise à disposition de leurs joueurs pour les compétitions internationales, ils sont nombreux, en Division nationale à croiser les doigts pour que le gouvernement ne se contente pas de sauver le pouvoir d’achat des joueurs professionnels, mais aussi la peau de tous les autres. «Car des joueurs pros, il n’y en a pas beaucoup au pays», résume Bei, qui s’interdit de relancer téléphoniquement ses sponsors pour renflouer les caisses alors même qu’il a «beaucoup d’argent dehors».

Une aide de l’État, Paul Philipp aussi aimerait y croire. Lui aussi en a, dans son organigramme, des entraîneurs non professionnels. Vingt-cinq très exactement et il se dit que le ministère des Sports devrait au moins faire un geste pour tout ce qui touche à l’encadrement de la jeunesse, afin de ne pas voir le délicat équilibre de la formation s’écrouler comme un château de cartes dans la plus grande fédération sportive du pays. «Mais on ne se rendrait pas populaire en allant demander ça maintenant, estime-t-il. Il faudra quand même un autre support que ces aides pour les joueurs pros.» Le football luxembourgeois n’appelle pas encore à l’aide, mais cela pourrait venir plus vite que prévu…

Julien Mollereau