La qualification pour Tokyo est une route longue et semée d’embûches. Vendredi, Jenny Warling ouvre le bal.
Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne en termes de qualification olympique. Si certains peuvent valider leur billet en réalisant les minima imposés durant une période de qualification donnée (natation, athlétisme…), pour d’autres, tout se joue parfois sur une journée. C’était le cas en escrime où seul le vainqueur du TQO de Madrid partait à Tokyo. En tir à l’arc, la semaine dernière, les quatre premiers (à raison d’un par nation) décrochaient le sésame et Jeff Henckels avait terminé… 6e. Il lui restera encore le TQO mondial à… Paris pour accrocher l’une des toutes dernières places.
Et puis il y a les karatékas. Alors qu’on pensait que l’art de la main vide allait s’installer dans la durée au programme olympique, il ne sera finalement présent qu’à Tokyo. En clair, ceux qui veulent vivre le «rêve olympique» – avec tous les guillemets nécessaires au vu des conditions dans lesquelles le rendez-vous va se dérouler – n’ont pas le choix : c’est cette année ou jamais.
Et c’est là que ça se complique. Par définition, les JO sont réservés à l’élite. À la crème de la crème. Les Jeux, c’est beaucoup d’appelés. Et très peu d’élus. Et c’est encore plus vrai en karaté. Pour que l’art martial puisse s’inviter au banquet olympique, il a fallu composer. Exit les 5 catégories de poids tant chez les femmes que chez les hommes, il n’y en aura que trois à Tokyo. Avec seulement dix combattants pour chaque catégorie.
Un sprint et un marathon
Vous en voulez encore? La qualification directe concerne les 4 meilleurs mondiaux des deux catégories. En clair, si on prend la catégorie de Jenny Warling, qui tire habituellement en -55 kg, l’ancienne championne d’Europe va se retrouver chez les -55 kg, qui regroupe les -50 et les -55 kg. Dans cette catégorie, elles sont d’ores et déjà cinq à être qualifiées puisqu’une Japonaise obtient automatiquement son billet pour Tokyo. Miho Miyahra, n° 2 mondiale chez les -50 kg, accompagnera donc la Turque Serap Ozcelik Arapoglu, n° 1 mondiale et l’Iranienne Sara Bahmanyar, n° 3 de la catégorie alors que chez les -55 kg, c’est l’Ukrainienne classée n° 1 à la WKF Anzhelika Terliuga et la Taïwanaise Tzu-yun Wen qui sont certaines d’aller aux Jeux. Il reste donc cinq places à prendre. Dont trois à décerner aujourd’hui.
Il suffit donc de prendre l’une des trois premières places? Pas si vite! Ce serait trop simple. Aujourd’hui, elles seront une soixantaine sur la ligne de départ. Une combattante par nation. Ainsi, Jenny Warling ne pourra pas affronter l’une de ses grandes rivales, la Turque Yaka Tuban, qui fait les frais de la qualification de sa compatriote : «Une de moins», sourit-elle. «Mais au lieu de parfois combattre contre la n° 2 ou 3, là il n’y a que des n° 1. C’est comme un championnat du monde», résume la chef de file du karaté luxembourgeois.
Mais il s’agissait bien là de sa seule certitude. En effet, pas de tête de série dans ce tournoi : c’est tirage au sort total. Il faut donc un brin de réussite au tirage. Et être prête à un sprint doublé d’un marathon. Un sprint, car les combats s’enchaînent très rapidement. Un marathon, parce que la compétition, pour celles qui vont se qualifier, va durer longtemps : «Normalement, c’est quatre ou cinq matches par jour. Là, c’est huit ou neuf, c’est trop pour une journée», constate la Luxembourgeoise. «Il y a un vrai risque de blessure. Et ce n’est pas évident de rester concentrée aussi longtemps.»
Seulement, tout le monde est logé à la même enseigne. Et tout peut s’arrêter après le premier combat : «Je n’ai pas envie de trop me prendre la tête. Bien sûr, je sais ce qu’il y a derrière mais il faut prendre ce tournoi comme une compétition comme une autre. Le but est de faire de son mieux et passer les tours.»
Dans le meilleur des cas, elle sera donc sur le tapis entre 13 h 30 et 15 h 30, durée que va durer la première partie de tableau qui se conclura avec les demi-finales. Suivront ensuite les repêchages qui désigneront deux autres combattants.
La tête aussi importante que les jambes
Mais c’est là que ça se complique. On ne va pas assister à une finale et une finale pour la place de trois. En effet, on prend les quatre survivants et tous se retrouvent le soir pour les combats les plus importants de leur carrière. Chacun combattra contre tous les autres et à l’issue de ce minitournoi, seules les trois premières seront qualifiées pour Tokyo : «C’est un peu injuste. Même si tu te qualifies pour la finale, tu n’es pas assurée d’être aux JO. Mais c’est la même chose pour tout le monde», rappelle encore Jenny Warling.
La combattante grand-ducale connaît les tenants et les aboutissants de cette journée forcément très particulière. Même si sa saison n’a pas été celle attendue, elle a terminé sur une note positive avec une septième place aux championnats d’Europe à Porec : «Lors de mes premières compétitions de la saison, je ne me sentais pas bien sur le tapis. Aux Europe, je me sentais très bien pendant le combat.»
Depuis, elle est repartie à l’entraînement. Et malgré une petite alerte le week-end dernier («Ma cicatrice à l’orteil (NDLR : elle s’est cassé le pied mi-septembre) s’est un peu rouverte, mais ça va»), elle se dit prête tant physiquement que mentalement : «J’ai recommencé à travailler avec un coach mental et ça m’a fait du bien. À Paris, ça se jouera beaucoup dans la tête.»
Romain Haas
À quatre à Paris
Outre Jenny Warling (-55 kg/59 nations), Kimberly Nelting (-61 kg/60 nations), Pola Giorgetti (+61 kg/64 nations) et Jordan Neves (-75 kg/72 nations) seront également sur le pont. Ils seront accompagnés de l’entraîneur national Raphaël Veras et de Leo Salvatore, l’entraîneur de Kimberly Nelting. Philippe Biberich (-67 kg) devait initialement faire partie du contingent grand-ducal, mais son nom a été retiré de la liste au dernier moment.