En marge de la compétition, Liridon Elshani a passé avec succès son diplôme. Il est désormais juge mondial B. Il va à présent pouvoir officier pendant trois jours aux Émirats.
Liridon Elshani peut être fier. Depuis jeudi, il est le deuxième Luxembourgeois à pouvoir se targuer d’avoir le droit d’arbitrer au niveau mondial. À 32 ans, il vient en effet de réussir avec succès son examen pour devenir juge mondial B, le premier des quatre échelons planétaires dans le domaine de l’arbitrage : «Et j’espère bien ne pas m’arrêter là.»
Son histoire débute de manière terrible, puisque la famille de cet Albanais du Kosovo est chassée de son pays par la guerre. En 1995, c’est donc en tant qu’immigré qu’il débarque au Grand-Duché. Parfaitement intégré et passionné de karaté, il rejoint le club de Strassen, où il est d’ailleurs toujours licencié, plus de vingt ans plus tard.
Champion national plusieurs fois, il participe à des compétitions internationales pendant quelques années en tant que combattant mais à l’âge de 23 ans, il doit mettre un terme à sa carrière, pour cause de blessures à répétition : «J’ai été opéré à deux reprises du tendon d’Achille. Une fois à droite et une fois à gauche. À un moment, il faut être réaliste.» Le coup est rude. Il met quelques mois à l’accuser. Mais il ne va jamais vraiment s’éloigner de l’art de la main vide : «Jean-Claude Roob et Claude Mazzoléni (NDLR : eux-mêmes arbitres mondiaux, l’un Luxembourgeois, l’autre Français qui a longtemps été impliqué dans la FLAM) m’ont poussé à me lancer dans l’arbitrage. Et finalement, j’ai décidé d’y aller.»
«Comme le code de la route»
Il débute donc tout en bas de l’échelle. La hiérarchie de l’arbitrage est très stricte. Elle fonctionne avec quatre paliers. Il faut atteindre le plus haut niveau national pour être présenté par sa fédération pour une session annuelle consacrée à des cours et des examens internationaux.
Mais pour atteindre ce niveau, il n’y a pas de secret. Il faut bosser. Bien sûr, le fait d’avoir été lui-même ancien combattant est un plus : «Quand tu as été sur le tatami, tu as le réflexe. Tu vois si le point est marqué ou pas.» Mais ça ne suffit évidemment pas : «Déjà, il faut connaître le règlement. Le lire, le relire et le rerelire. Ce n’est pas évident à comprendre si on ne vient pas du karaté. On constate que beaucoup de combattants sortent de clubs qui connaissent le règlement. Il faut de l’expérience, tu participes à beaucoup de déplacements, notamment avec l’équipe nationale. Tu as des formations, des briefings, des stages…» Et d’ajouter, à propos du règlement : «C’est comme le code de la route. Si tu ne le connais pas, tu ne peux pas conduire.»
Liridon Elshani ne perd pas de temps. Il gravit rapidement les échelons nationaux si bien que dès 2015, il débute au niveau international en devenant juge européen B. Sa progression est pourtant stoppée l’an passé, au Danemark, où il échoue à devenir arbitre européen A, le plus haut niveau continental : «J’avais pourtant un bon feeling. Mais j’ai dû rater un truc à l’examen théorique. J’étais, bien sûr, un peu dégoûté, mais ce n’était pas la fin du monde.»
Liridon, détenteur d’un bachelor en gestion d’entreprise et clerc de notaire dans le civil, ne lâche pas. Il relit le règlement à l’envi, continue de travailler également sur le tatami : «Quand Michael (NDLR : Lecaplain, l’entraîneur national) n’est pas là, c’est moi ou Bob (Feidt) qui assurons l’intérim. Je ne suis pas seulement en costard-cravate. Je transpire aussi», confie-t-il.
Quatre arbitres luxembourgeois
Cette semaine, il était donc à Dubaï, aux Émirats arabes unis pour y passer une nouvelle session internationale. Dans son viseur, cette fois, le titre de juge mondial B. Après un examen théorique et deux combats arbitrés, il attendait le verdict. Et jeudi, il a donc appris qu’il était reçu. Le nouveau juge mondial tient d’ailleurs à associer deux compatriotes et collèges : «Il ne faut pas oublier que Norbert Schmit et Victor Lopes ont réussi leur examen de juge européen. Maintenant, nous sommes quatre arbitres internationaux au Luxembourg et ce n’est que le début!»
En tant que juge mondial, Liridon Elshani a donc le droit d’officier dès aujourd’hui en K1. Mais pas en tant qu’arbitre central. Pas question, non plus, d’officier lors de combats où figurent ses compatriotes : «La question du conflit d’intérêts est très importante au niveau de l’arbitrage. On y fait très attention, par rapport à des compatriotes, ou même des combattants que je connais ou par rapport au Kosovo ou à l’Albanie…»
Juge mondial B, c’est bien, mais bien sûr, il en veut plus. Et dès l’an prochain, il repart à l’assaut du statut d’arbitre européen A : «Ce sera aux championnats d’Europe cadets, juniors U21 en Finlande. Pour l’examen de juge, on fait surtout attention à la manière avec laquelle vous donnez les points ou les avertissements. Quand vous passez l’examen d’arbitre, on fait davantage attention à votre manière d’arbitrer. Et la moindre erreur peut vous coûter cher.»
Mais avant, il lui reste trois jours intenses, du côté de Dubaï : «Le travail n’est pas terminé !»
Romain Haas