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[Athlé] Julien Wanders : « Gagner enfin une médaille internationale !»


Récemment élu meilleur athlète suisse de l'année 2019 par les fans, Julien Wanders sera «à 90-95 % de (s)a forme» à la Course de l'Escalade. (Photo : © Dan Vernon / Ineos 1:59 Challenge)

Dimanche, chez lui à Genève, le coureur suisse, recordman d’Europe du 10 km (27’25 ») et du semi-marathon (59’13 ») visera la passe de trois après ses victoires en 2017 et 2018. Et voit déjà plus loin…

15h30, un froid et brumeux jeudi d’automne. Le téléphone sonne. C’est Julien Wanders (23 ans) qui gentiment nous rappelle tout droit des hauts plateaux d’Iten, au Kenya. À sa voix calme, tranquille, posée, et ses fins de phrase souvent ponctuées d’un ricanement spontané, on en oublierait presque ce qu’il vient d’accomplir au cours de la journée : un «double run» (comprenez une séance sur piste monstrueuse à Tambach le matin + un footing de 8 km en récup l’après-midi). Avant de se faire masser énergiquement par Makanga, le «Kényan blanc» a pris le temps d’évoquer son prochain retour en Europe : avec, en toile de fond, l’Escalade de Genève (dimanche) et l’Euro de cross à Lisbonne (8 décembre)… Magnéto !

Comment vas-tu ?

Julien Wanders : Ça va bien, ça va bien, rien à dire, tout va pour le mieux !

Peux-tu nous dire un mot sur tes Mondiaux à Doha et l’Ineos 1:59 Challenge ?

Après des Mondiaux sur piste ratés – où avec le recul, je peux dire que j’étais complètement cuit, à bout mentalement de la saison alors que mon mental, c’est ce qui fait ma force –, j’ai pu tourner rapidement la page grâce à l’Ineos 1:59 Challenge, un projet collectif incroyable, où j’ai pu voir un gars (Eliud Kipchoge) courir en moins de 2 heures sur marathon, mais aussi me retrouver en me baladant à 2’50 » au kil. Cette aventure sportive et humaine exceptionnelle avec un groupe exceptionnel m’a reboosté.

T’es admiratif de ce que Kipchoge est capable de réaliser ?

Ouais, c’est sûr, je suis admiratif de Kipchoge, c’est une grande source d’inspiration pour moi. Ce qui m’impressionne chez lui c’est sa force mentale, le focus. Je pense qu’il a tout compris. Sur marathon, c’est sa concentration qui le fait aller plus loin que les autres. Il arrive à la maintenir à un niveau super élevé durant deux heures et donc à passer au-dessus de la douleur. C’est fort.

Sinon, les Nike ZoomX Vaporfly NEXT%, dont on a tellement parlé ces derniers temps, dotées d’une plaque en fibre de carbone, sont-elles si révolutionnaires que cela ?

Moi, je suis le  »mood », je porte les chaussures que Nike me donne vu qu’ils me sponsorisent. Perso, je les trouve géniales : extrêmement légères, super réactives, rien à dire. Après, j’ai toujours du mal avec les gens qui disent :  »Ouais, ils courent vite grâce aux chaussures. » Il ne faut pas oublier que Kipchoge, même avec des semelles à moitié sorties de ses chaussures pendant les deux tiers de la course, a réussi à courir en 2h04 (NDLR : au marathon de Berlin en 2015). O. K., les chaussures, peut-être que ça fait gagner 30 secondes ou 1 minute sur un marathon, ça j’en sais rien. Mais peu importe, en fait, car, selon moi, c’est un détail. Aujourd’hui, le meilleur athlète c’est Kipchoge, avec ou sans les Vaporfly. Point.

Désormais, t’es en mode  »route » pour un petit moment…

Ouais, c’est vrai, je suis maintenant en mode  »route » jusqu’à avril-mai. Avec mon coach, après l’Euro de cross (8 décembre, à Lisbonne, au Portugal), j’ai prévu de faire un 10 kil et deux semi, dont notamment celui des championnats du monde (à Gdynia, en Pologne, le 29 mars 2020). Avec le 5 000 m et le 10 000 m, ce sont vraiment les distances sur lesquelles je souhaite me concentrer et m’améliorer.

En Suisse, la saison des courses en ville est lancée. Qu’as-tu pensé de la Corrida bulloise le 17 novembre dernier ? En tant que double tenant du titre, je présume que tu l’as regardée…

Ouais, ouais, bien sûr, je l’ai regardée ! J’ai vu que Kimeli (1er) était bien à Bulle, j’étais content pour lui… Sur cette course, il y avait en outre 3 de mes sparrings, 3 coureurs de ma Team (Sylvester Kipchirchir Kiptoo, Mathew Sang et Boniface Kibiwott) qui étaient engagés. J’ai bien aimé ce qu’a réalisé Boniface car il a un peu fait ce que j’aurais fait. Il est parti devant, il a essayé de mettre le rythme et ça m’a fait plaisir pour lui (2e), car c’était sa première course en Europe.

Déçu de n’avoir pas été là ?

C’est sûr que, sur le coup, j’étais un peu déçu de ne pas être à Bulle, mais je ne peux pas tout faire. Je n’avais pas envie d’arrêter ma préparation au Kenya après tout juste 2 semaines d’entraînement (NDLR : il avait pris 2 semaines de coupure partielle, notamment des vacances en Espagne, après la fin de saison sur piste et l’Ineos 1:59 Challenge, à la mi-octobre).

Les courses en ville, tu aimes ça ?

Les corridas, c’est sûr, c’est un peu spécial. C’est les courses entre guillemets, niveau ambiance, que je préfère. Après la saison sur piste, où tout tourne globalement autour des chronos, on a généralement envie de passer à autre chose. Sur les courses en ville, on peut faire un peu le fou, un peu n’importe quoi, s’amuser et être proche du public. Après, il y a le froid, ce n’est pas ce que j’aime le plus, et il y a aussi les cloches, le vin chaud, les illuminations de Noël… C’est une grande fête populaire, on sent que c’est la corrida quoi !

L’Escalade de Genève, qui a lieu ce dimanche aprem, c’est TA course ?

(Il rit) Oui, Genève, c’est chez moi, c’est MA course !!! Entre nous, c’est une longue et belle histoire d’amour. C’est ce qui m’a poussé à m’inscrire au club du Stade Genève et commencer l’athlé.

La première fois que tu l’as courue, t’avais quoi, 5 ans ?

Exact ! Oui, au début, c’était plus quelque chose de familial. On allait tous les dimanches avec la famille sur le parcours pour s’entraîner. Chaque année, on commençait un mois avant. Le jour J, j’y allais comme ça, je ne comprenais pas trop le principe. Je pense que pour ma première dans l’épreuve, j’ai dû finir dans les 100e . Et puis, un jour, j’ai compris qu’il fallait essayer de gagner (il rigole). J’ai fini par être un peu tout le temps dans le top 10, pour la gagner pour la première fois en cadets A, vers 16-17 ans (en 2012). J’étais super fier. À l’époque, à l’école, t’imagines même pas… (il se marre) À Genève, les gens te respectent quand tu la gagnes ! C’est un peu LE défi de décembre ! Aujourd’hui, les enjeux ont changé mais je suis toujours content de revenir ici. Pour le moral, ça fait toujours du bien. Chaque année, à l’Escalade, je me dis :  »Peu importe qui l’organisateur ramène, je vais tout faire pour la gagner ! »

À pleine vitesse, sur l’Escalade, on t’as déjà vu parfois lever les bras, haranguer la foule…

La course, je prends ça comme un jeu. Je m’amuse ! Jouer avec le public, je peux aussi me le permettre dans ces courses car j’ai peut-être un peu plus de marge. Attention, je ne voudrais pas paraître arrogant ou prétentieux ni manquer de respect à qui que ce soit en disant ça : je suis content quand il y a de la concurrence*, car ça te pousse à te surpasser, à aller plus loin. Donc voilà, que le meilleur gagne dimanche ! Mais prendre du plaisir en courant, c’est vraiment, à mes yeux, quelque chose qui est important, même quand on est à haut niveau, je pense. Et ça fait aussi plaisir aux gens. Quand ils me voient courir, ils se rendent compte que j’aime ça, et que j’aime qu’ils vibrent avec moi !

Est-ce que sur la ligne de départ de cette 42e édition de la Course de l’Escalade, il n’y aura qu’un seul Wanders ?

Comment ça ? (Il réfléchit puis se marre)

Autrement dit, est-ce que des personnes de ta famille courront aussi l’Escalade ? Notamment ton papa, André ?

Ah, O. K., O. K., O. K. !!! Je n’en ai pas discuté avec lui, je ne sais pas s’il la court cette année. En revanche, ma copine kényane Kolly sera de la partie. Elle a été au fartlek (à la jonction  »Tairi Mbili ») ce matin (20*1’/1′)… Ça commence !!! (Il éclate de rire)  Plus sérieusement, je crois qu’elle peut faire un top 10 dans sa catégorie (en loisirs). Et je pense que ma mère (Bénédicte) et l’une de mes sœurs (Aurélie) courront aussi… Donc 4 voire 5 Wanders à l’Escalade cette année, sans oublier ma Team !

En course, à l’Escalade, il y a des visages, des voix que t’arrives à reconnaître ou bien t’es dans ta bulle, focus à 300 % ?

Il y a des endroits où il y a tellement de monde, qu’on entend juste un brouhaha. C’est un moment où on peut se transcender, car on ne s’entend même pas courir, il y a une ambiance de feu, c’est assez incroyable ! Et puis il y a des endroits stratégiques où il y a un peu moins de monde. Mon père, par exemple, se trouve souvent près du Conservatoire, après la première montée, c’est un long plat. Sinon, dans la dernière descente du parcours, il y a aussi mon ancien coach du Stade Genève, Pierre Dällenbach, qui travaille encore avec Marco (Jäger, l’entraîneur de Julien Wanders), qui est tout le temps là.

Une image sympa te revient à l’esprit de l’année dernière à l’Escalade ?

Après ma victoire, avec Tade (Tadesse Abraham, l’autre Suisse, 5e), on est allé saluer ensemble, main dans la main, le public dans le parc des Bastions. C’était chouette ! Et je me souviens qu’ensuite j’ai mis 30 minutes à regagner la tente, car les gens voulaient tous prendre des photos avec moi. Ça, c’est aussi spécifique aux corridas, tout le monde peut être proche des coureurs.

Dimanche se courra aussi le 10 km de Valence (Espagne), où l’Ougandais Joshua Cheptegei tentera de battre le record du monde (26’44 »)…

Ouais, je sais. Si c’est le matin, je pense que je vais regarder, ouais, suivre un petit peu, avant de me rendre tranquillement à la course en bus. Cheptegei, c’est un athlète très talentueux, il fait comme moi partie de la NN Running Team. Il est très bien conseillé, il a un bon coach (Addy Ruiter) et il est aussi très intelligent, il se connaît très bien. Et il a vraiment confiance en lui, c’est ça aussi son point fort. Du coup, s’il a annoncé qu’il allait essayer de battre record du monde, je pense qu’il va le faire. En tout cas, il sera proche. 2’40 » au kil sur 10 bornes, c’est pas mal, mais j’estime pour ma part que c’est possible.

Dans la foulée de l’Escalade, tu feras l’Euro de cross (8 décembre, à Lisbonne, au Portugal) avec la Suisse. Ça fait un bail qu’on ne t’a plus vu dans les labours…

Effectivement, depuis 2016 et les championnats de France au Mans (46e), je crois. Je n’aime pas faire des saisons identiques, faire tout le temps la même chose, tomber dans une certaine routine. J’avais envie cette année de revenir sur le cross (NDLR : possédant la double nationalité suisse et française, il a été champion de France juniors de cross en 2015). Le cross, c’est la boue, l’enchaînement de montées et descentes – ça j’aime bien, ça me rappelle un peu Iten ! –, réfléchir pour adopter la bonne trajectoire, des relances aussi. Bref, essayer de décrocher ma première médaille internationale, ça m’a motivé. Il serait temps, on va dire !

Quelle est ta réaction à propos des affaires de dopage (Clémence Calvin, Morhad Amdouni, Ophélie Claude-Boxberger) qui touchent actuellement de plein fouet l’athlétisme français ?

Je connais un peu Clémence, un peu Amdouni, Ophélie pas trop. Mais ce sont des gens super. Quand tu leur parles et tout, ce sont des gens bien. Et ce ne sont vraiment pas des personnes que je soupçonnerais de prendre quelque chose. Donc, ça m’a vraiment… pfff… c’est étonnant ! Ce n’est pas quelque chose à quoi je m’attendais ! Donc c’est dommage, décevant s’ils se sont dopés.

À ton sujet, on entend souvent certaines personnes dire que tu te planques en altitude à Iten et que de cette façon les contrôleurs ne viennent pas t’enquiquiner…

(Agacé) Pfff… Les gens ont de fausses idées. C’est ce que les médias leur inculquent. Certes, il ne faut pas le nier, il y a eu beaucoup de cas (de dopage) au Kenya, donc ça n’aide pas. Le seul moyen que j’ai à ma dispo, c’est d’essayer d’être transparent dans ma préparation. Montrer tous les efforts, le travail qu’on fournit au quotidien pour en arriver là, au haut niveau. Je me fais contrôler tout au long de l’année par différentes agences (Swiss Athletics, IAAF…). Après, si ça fait plaisir à certaines personnes de continuer à mettre en doute mes performances… Comme on dit, des cons restent des cons !

Pour finir, tes débuts sur marathon, Julien, c’est pour quand ?

Écoute, pour l’instant, je n’ai pas de plan. Mais dès que je sentirai que ça sera le moment, que j’aurai une réserve de vitesse suffisante et que je m’estimerai musculairement assez solide pour tenir les 42 kil, je franchirai le pas. Mais à l’heure actuelle, je ne me sens pas capable de faire 2h03, 2h02, 2h01 – les temps que j’aimerais faire – donc je préfère attendre un peu avant de me lancer sur marathon.

Ismaël Bouchafra-Hennequin

* Le Kényan Fredrick «Freddy» Kiptoo, deux fois 2e derrière Julien Wanders sur la plus grande course de Suisse (46 602 engagés en 2019) ces deux dernières années, ne sera pas présent à la 42e édition de l’Escalade de Genève. Il est malheureusement bloqué au Kenya à cause d’un problème de visa expiré. L’Éthiopien Telahun Haile Bekele (meilleur performeur mondial 2019 sur 5 000 m) et le Français Hassan Chahdi (ancien vainqueur en cadet et junior de l’Escalade) seront en revanche bel et bien là et auront comme mission de challenger le «Kényan blanc».

** À titre d’info, Julien Wanders, parrain de l’association Simba for kids, c’est, en moyenne… 180 à 190 km hebdomadaires parcourus en période hivernale, et 150 à 170 km hebdomadaires en période estivale.

Livestream de l’Escalade de Genève sur ATHLE.ch ce dimanche. Départ de la course Élite hommes à 14h30 (7,323 km, 3 tours), précédée par celui de la course Élite femmes à 13h45 (7,323 km, 3 tours).

 

 

2 plusieurs commentaires

  1. Hardworking athlete who loves his work