Joël Zangerlé, toujours à la recherche d’une équipe, prendra prochainement sa décision de poursuivre, ou non, sa carrière. Il décrit ici son quotidien de cycliste professionnel.
Du haut de ses 27 ans, Joël Zangerlé attend patiemment. D’ici la fin du mois, sa décision sera prise. Entérinée. Soit il décidera, la mort dans l’âme, de refermer la parenthèse de sa carrière professionnelle et basculera dans un tout autre domaine adapté à ses études de communication. Soit celui qui portait cette saison les couleurs de l’équipe danoise Cult Energy aura trouvé une équipe pour 2016. Mais pour le moment, il reste dans la peau d’un coureur professionnel à l’ordinaire rythmé par les entraînements.
Le Quotidien : Où en êtes-vous dans vos recherches d’un nouveau contrat?
Joël Zangerlé : Je n’ai pas de nouvelle à annoncer. J’attends encore quelques jours et ensuite, je prendrai une décision. Des équipes vont me répondre alors je ne peux pas anticiper. On verra bien.
Comment vivez-vous cette situation?
Mieux que je ne l’aurais imaginé. Je ne suis pas stressé, car j’avais pris le soin de terminer mes études avant de me lancer dans la carrière professionnelle. J’ai travaillé dur pour ça, donc je serais prêt, s’il me faut arrêter. Si je continue, je serai content car j’aime faire du vélo. Mais si je ne continue pas, je ne serai pas déçu.
Vous vous entraînez encore?
J’avais prévu de couper à partir du 15 octobre, même si je restais dans le métier. Donc, je me trouve en période de repos. Si je ne signe pas de nouveau contrat, alors je reprendrai l’entraînement début novembre. Comme l’an passé. Sinon, ce sera fini.
Être un coureur cycliste professionnel impose un mode de vie assez particulier. Vous pouvez nous en parler?
Oui, c’est spécial. Ce n’est pas un métier comparable à un métier, disons, plus classique. Tout le déroulement de la journée est différent.
Pourquoi semblez-vous tant l’apprécier?
Parce que tu es ton propre patron! Tu décides à quelle heure tu pars t’entraîner, combien de temps et à quelle intensité. Il n’y a pas de chef qui vient t’ordonner de faire ceci ou cela.
Dans ces conditions, on peut être dur avec soi-même?
Bien sûr, il vaut mieux l’être d’ailleurs. Je pense que c’est justement ce qui fait la différence entre un bon et un moins bon coureur. Il faut pouvoir se lancer, toujours, de nouveaux défis. Toujours se battre.
Avant de prendre cette direction de devenir cycliste professionnel, vous vous attendiez à vivre ce genre d’existence rythmée par les entraînements et les compétitions?
Oui, c’était déjà le cas pour moi lorsque je portais les couleurs de l’équipe Leopard, avant de rejoindre Cult Energy. On alterne entraînements et courses. Entre les deux, on voyage d’une course à l’autre. Personnellement, j’ai toujours aimé ça.
Une belle journée d’entraînement c’est quoi?
C’est d’abord une grosse charge d’entraînement qu’on est capable d’effectuer. Tu rentres, tu es fatigué. Mais tu es satisfait du résultat. Tu as fait ce qui était prévu.
Rouler sous le soleil et dans un beau paysage, ça compte ou pas?
Si en plus il fait beau, c’est le top. Il faut en profiter lorsque tous les éléments sont réunis. Surtout si on fait de l’endurance. L’idéal c’est alors de faire un beau tour dans l’Oesling. Moi, je ne ressens pas de solitude sur le vélo, j’aime bien me vider la tête.
Et les pires journées d’entraînement, ça ressemble à quoi?
Ce sont des journées où la météo t’annonce un beau soleil et que tu prends la flotte alors que tu te trouves loin de la maison. Forcément, tu souffres. Plus jeune, j’ai le souvenir d’une sacrée fringale qui était survenue alors que je n’avais emporté ni nourriture ni argent. Je suis parvenu à arriver, mais ce n’était vraiment pas simple.
Vous n’avez pas été tenté de passer un coup de fil pour abréger vos souffrances?
On peut toujours le faire, encore faut-il avoir quelqu’un de disponible (rires) . Mais de toute façon, quand on est cycliste, on ne doit pas avoir peur de souffrir à l’entraînement. Ça fait partie de l’expérience. Du boulot.
Il vous arrive d’échanger avec d’autres sportifs sur vos souffrances?
Cela m’est arrivé récemment lors des Jeux européens de Bakou. J’ai fait la rencontre d’un lutteur allemand qui luttait pour faire le poids à la pesée. Pendant trois jours, il n’a rien bu, ni mangé. Il paraissait vraiment mal. Tous les sports engendrent de la souffrance.
Cette souffrance peut être décrite par certains comme un plaisir, vous le confirmez?
Oui, il faut aimer ça et pouvoir l’accepter, même quand ce n’est pas simple.
Vous est-il arrivé de vouloir tout envoyer balader?
Oui, c’est certain, car à un moment, la souffrance est physique mais aussi psychologique. Mais dans les sports d’endurance, c’est plus fort que nous, nous avons toujours l’envie de nous entraîner.
Peut-on parler d’une drogue comme on l’évoque souvent?
Oui, sans doute.
Quel autre sport que le cyclisme vous fascine?
Le tennis.
Ça tombe bien, vous verra-t-on assister au BGL Open?
Oui, j’irai ce week-end.
Vous pratiquez un peu?
Non, pas plus que ça, mais en pur loisir. On verra peut-être ça plus tard.
On vous imagine davantage sports individuels que collectifs…
Forcément, le vélo, jusqu’ici, c’est toute ma vie.
À quarante ans, vous en ferez toujours?
Je ne sais pas. Pas en compétition de toute façon. Mais je pense plutôt que j’en profiterai alors pour m’essayer à d’autres sports.
Denis Bastien