Avec les aveux jeudi sur «l’horloge suisse» du dopage russe aux Jeux d’hiver de Sotchi en 2014, c’est tout le sport russe qui est au banc des accusés, et pas uniquement ses athlètes, pour le moment les seuls privés des Jeux d’été de Rio.
«Nous étions parfaitement préparés pour Sotchi, comme jamais auparavant. Cela a fonctionné comme une horloge suisse», a expliqué Grigory Rodtchenkov, l’ancien patron du laboratoire antidopage russe, au New York Times jeudi, preuves à l’appui. Mails avec le ministère russe listant les athlètes dopés, photo de la trappe par laquelle les agents des services secrets russes escamotaient les échantillons sanguins sales pour les remplacer par des échantillons propres: désormais exilé aux États-Unis, depuis sa démission forcée en novembre 2015, Rodtchenkov a fait des aveux circonstanciés.
«Des douzaines d’athlètes russes, dont 15 médaillés olympiques», auraient ainsi profité de ce système, accuse l’ancien directeur du laboratoire russe, en évoquant 14 membres de l’équipe de ski de fond mais aussi le double champion olympique de bobsleigh Alexandre Zubkov ou Alexandre Tretiakov, médaillé d’or en skeleton. Du côté russe vendredi, la réaction était claire: ces déclarations de Rodtchenkov sont «les calomnies d’un transfuge», «des accusations totalement sans fondement», a asséné le porte-parole du Kremlin.
« De la politique »
«C’est une calomnie totale» (Zubkov), «une guerre de l’information» (Alexei Voevoda, double champion olympique de bobsleigh), «de la politique» (Willi Schneider, entraîneur allemand de l’équipe de skeleton russe): le front russe est soudé face aux accusations. Il n’en reste pas moins que le coup est dur, six mois après le rapport d’une commission d’enquête indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA) sur un «système généralisé» de dopage en Russie. Rapport qui avait notamment poussé la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) à suspendre provisoirement ce géant des tartans de toutes compétitions internationales.
Les accusations de Grigory Rodtchenkov font en effet écho à celles de Vitali Stepanov, ancien contrôleur de l’agence russe de lutte contre le dopage, et lanceur d’alerte à l’origine du scandale qui ébranle l’athlétisme russe. Lui aussi réfugié aux États-Unis, il a affirmé la semaine dernière à la chaîne de télévision américaine CBS, sur la foi de conversations avec M. Rodtchenkov, que quatre champions olympiques russes de Sotchi étaient dopés.
Vendredi, c’est du côté du foot et de la Fifa qu’une nouvelle affaire est venue ternir le sport russe, avec la révélation d’un contrôle antidopage inopiné visant toute l’équipe de Rostov après sa victoire contre le Dynamo Moscou, sur fonds de suspicions d’utilisation de meldonium. Ce même médicament pour lequel près de 50 sportifs russes ont été contrôlés positifs depuis son interdiction par l’AMA, le 1er janvier, et notamment la tsarine du tennis Maria Sharapova.
Ces révélations en chaîne pourraient-elles compromettre l’avenir olympique des sportifs russes ? Concernant l’athlétisme, le suspense prendra fin le 17 juin à Vienne, lors de la prochaine réunion du Conseil de l’IAAF, le gouvernement de l’instance.
« Tolérance zéro » du CIO
Pour Olivier Niggli, le nouveau directeur général de l’AMA, l’horizon ne se limite en tous cas pas à Rio de Janeiro et à ces Jeux d’été, du 5 au 21 août: «Le calendrier n’est pas dicté par Rio, c’est un plan qui s’étale sur deux ans», a-t-il rappelé jeudi à Montréal, au Canada, au sujet des réformes attendues de la part des Russes en matière d’antidopage. Le laboratoire antidopage russe, désormais dirigé par Maria Dikunets depuis la démission forcée de M. Rodtchenkov, est ainsi toujours privé de son accréditation par l’AMA.
Face à ces nouveaux aveux jeudi, le Comité international olympique a en tout cas aussitôt demandé à l’AMA d’ouvrir une enquête, en rappelant qu’«une équipe d’observateurs indépendants de l’agence avait contrôlé toutes les activités antidopage durant les Jeux de Sotchi et rendu un rapport satisfaisant à la suite». Une façon de dire entre les lignes que l’AMA a pu être dupée par les Russes à Sotchi. Sur la base de cette nouvelle enquête de l’AMA, le CIO n’a pas caché qu’il pourrait prendre des sanctions: «Le Comité n’hésitera pas à agir en vertu de sa politique habituelle de tolérance zéro face au dopage, et pour défendre les athlètes propres».
Ces révélations sont «effrayantes», a insisté Michael Vesper, du comité olympique allemand vendredi, appelant «aux conséquences les plus sévères».
Le Quotidien/AFP