Quand les navigateurs olympiques s’affronteront dans la baie de Rio, les caméras montreront un paysage de rêve, ses montagnes et ses eaux tropicales scintillantes sous le soleil : heureusement, les millions de téléspectateurs ne sentiront pas l’odeur qui s’en dégage…
Plus de neuf millions de personnes vivent à Rio et dans les villes autour de la baie de Guanabara. Et seule la moitié des eaux usées sont traitées avant de se déverser dans le cœur aquatique de la ville. Bizarrement, le fait de naviguer dans des latrines géantes qui, d’après des chercheurs brésiliens contiennent même des super bactéries résistantes aux antibiotiques, n’est pourtant pas la préoccupation majeure des athlètes. Ce sont les grands objets flottants qui perturbent le rêve de médaille.
« La pollution, c’est un vrai problème. On trouve de tout dans la baie et ça peut affecter nos résultats, nous freiner. En plus, ça peut être dangereux », déplore ainsi l’Espagnol Santiago Lopez Vasquez, entraîneur du Nacra 17. Martine Grael, la fille du quintuple médaillé olympique brésilien Torben Grael, se montre elle aussi très critique. Une photo d’elle avait fait le tour des réseaux sociaux : elle faisait mine de regarder la télévision sur un poste qu’elle venait de heurter en ramant dans la baie.
Le New York Times a même publié la semaine dernière la photo d’un cadavre flottant, tout gonflé, dans la baie.
« Les JO passeront et la pollution restera »
En 2009, l’un des arguments de Rio pour devenir la ville hôte des JO-2016 avait été la promesse de dépolluer la baie à 80%, une tâche qui demandait des travaux d’infrastructures énormes et onéreux. Mais l’engagement n’a pas été tenu et il a fallu mettre en place des mesures d’urgence. Une flotte de douze bateaux nettoyeurs a ainsi passé des mois à sillonner la baie, retirant en moyenne 45 tonnes d’ordures par mois, soit une tonne et demie par jour, selon les autorités. Quand les compétitions commenceront, ces bateaux mettront les bouchées doubles. Les premières lignes de défense sont toutefois des « éco-barrières », des filets placés sur les 17 rivières qui se jettent dans la baie et emprisonnent bouteilles et sacs en plastique, pneus, jouets, appareils électroménagers…
Chaque jour, des éboueurs y naviguent sur des petits bateaux en aluminium et vont à la pêche aux ordures. Un travail potentiellement dangereux au milieu de l’odeur nauséabonde. « Nous avons trouvé des chiens morts, des rats, des chats », se remémore un éboueur, qui perçoit 432 dollars par mois pour neuf heures de travail quotidien. Le secrétaire à l’Environnement de l’État de Rio assure cependant que ces éco-barrières sont suffisantes pour que les JO se déroulent sans incidents. Cela reste à prouver.
Sans compter surtout que « les JO passeront et la pollution restera », rappelle Torben Grael, désormais entraîneur de l’équipe brésilienne de voile.