Le coureur luxembourgeois, déçu par son expérience chez Cofidis, aimerait prolonger sa carrière. Histoire de «faire oublier cette saison». Et parce qu’il «aime trop ce métier !».
C’est assez exceptionnel durant l’année, mais depuis Paris-Tours, Jempy Drucker n’est plus remonté sur son vélo. «J’avais besoin de couper, je fais trois semaines sans vélo. L’hiver passé, la saison a été longue, du coup, tu coupes moins. La saison 2021 est vite arrivée. Mais j’ai recommencé les footings, je dois m’occuper à nouveau…», nous expliquait-il mardi matin.
Pour le moment, le Luxembourgeois de l’équipe Cofidis ne sait pas quel maillot il portera en 2022. Mais avec son agent, il s’active pour trouver une solution. À 35 ans, l’ancien vainqueur d’étape sur la Vuelta et spécialiste des classiques flandriennes sent qu’il a encore des choses à montrer et à donner.
Pour le moment, vous êtes toujours sans équipe pour 2022. Comment vivez-vous ça ?
C’est une course d’attente. J’ai régulièrement mon agent au téléphone. On attend. Dans les discussions qu’il entretient, il n’y a personne qui dit non. Mais personne qui dit oui, non plus. C’est un peu difficile. On sait pourquoi ça traîne. Car personne ne sait ce que vont faire les coureurs de l’équipe Qhubeka qui n’ont pas encore retrouvé de contrat (NDLR : pour le moment, des 27 coureurs, seuls Giacomo Nizzolo, Victor Campenaerts, Dimitri Claeys, Michael Gogl et Lasse Norman Hansen ont retrouvé une formation). Il y a encore des coureurs sur le marché et ça bloque.
Vous vous êtes fixé une date limite pour vos recherches ?
Bien sûr, j’aimerais encore continuer ma carrière. Je me rends compte aussi que si ce n’est pas le cas, Paris-Tours aura été ma dernière course. C’est une situation un peu étrange. Là, je suis en coupure. Mais je me pose aussi la question, est-ce que je vais recommencer l’entraînement ou non ? C’est une question qui revient dans ma tête. J’essaie de m’en détacher un peu, mais ce n’est pas simple. Si je ne trouve pas d’équipe, alors je dois me poser des questions pour trouver un métier pour la suite et me poser la question de mon avenir. Mais pour le moment, j’essaie de rester positif et j’essaie de trouver une équipe.
Je me suis senti b… Si on me fait une proposition, que je donne mon accord, ce n’est pas pour qu’on revienne dessus
Vous vous attendiez à cette situation ?
Avec Cofidis, ce n’était pas top, il me faut l’avouer. Cédric (NDLR : Vasseur : le manager de la formation française) m’a fait une proposition de prolongation avant le Tour de France. Avec mon agent, nous avons réfléchi deux semaines. Au moment où on a voulu accepter la proposition, nous n’avons jamais pu le joindre. Les messages restaient sans réponse. Trois semaines après le Tour, il nous a indiqué qu’il rejetait finalement cette proposition. Je me suis senti b… Si on me fait une proposition, que je donne mon accord, ce n’est pas pour qu’on revienne dessus. J’avais par exemple accepté d’aller en stage d’altitude, quelque chose de nouveau pour moi (NDLR : tous les coureurs ne supportent pas bien les effets de l’altitude), cela n’a pas bien marché. J’y allais en prenant ce risque, mais c’était un risque calculé, car j’avais en tête ma prolongation. Du coup, la proposition a été rejetée et l’altitude n’a pas un bon effet pour moi. Je me suis retrouvé dans un cercle vicieux. J’ai fait mon métier du mieux possible. Je pense avoir fait un boulot honnête. Si on regarde ce que j’ai fait pour Christophe (Laporte) pendant la saison ou Victor (Lafay) sur le Tour de Norvège, on voit que je suis resté professionnel. Je n’ai pas été égoïste.
Ce qui est étonnant, c’est que Cédric Vasseur a souvent loué vos qualités au cours de la saison…
Oui, c’est ainsi. C’est dommage, car il y a beaucoup de potentiel dans cette équipe. Mais je pense que tout n’est pas toujours optimal pour performer.
Vous restez en contact avec beaucoup d’équipes ?
Si une porte se ferme, vous essayez d’en ouvrir d’autres. Mon agent s’en occupe, j’avoue que je ne suis pas du genre à faire le forcing, je le laisse travailler. Il me tient au courant des avancées. Pour le moment, je n’ai rien de concret.
Vous vous sentez encore parfaitement opérationnel ?
Oui, je suis encore parfaitement opérationnel. On voit beaucoup de coureurs qui prennent actuellement leur retraite. Ils invoquent dans leurs déclarations l’effet de la crise sanitaire et des confinements pour expliquer une démotivation. Moi, ce n’est pas du tout le cas. J’aime trop ce métier. Cela ne m’a pas dérangé de me retrouver d’un coup à la maison, mais je suis resté très motivé pour m’entraîner et surtout pour retourner sur les courses.
Si je regarde ne serait-ce qu’un an en arrière, dans les classiques flandriennes, je faisais partie des vingt derniers coureurs qui restaient. Tout cela ne peut pas se perdre en une année
Vous avez 35 ans, cela joue-t-il également ?
Aujourd’hui, beaucoup d’équipes espèrent pouvoir signer le prochain Remco Evenepoel, donc ils signent des juniors. Mais je sais que j’ai fait mon entrée en World Tour à 27 ans. Il y a des jeunes de 19 ans dans les équipes, mais dans ma tête, je suis frais, et physiquement aussi. Je n’ai disputé que quatre grands tours, il y a des coureurs qui font quatre grands tours en deux ans. Et puis, je sens que je suis encore motivé, j’ai encore l’envie de m’entraîner, renouveler les exercices. Je sais que j’ai fait une mauvaise saison, mais si je regarde ne serait-ce qu’un an en arrière, dans les classiques flandriennes, je faisais partie des vingt derniers coureurs qui restaient. Tout cela ne peut pas se perdre en une année.
Vous avez compris pourquoi cela avait moins bien marché cette saison ?
On a beaucoup réfléchi. Je pense que le changement d’équipe et de matériel a dû me pénaliser. J’ai eu beaucoup de problèmes mécaniques, des crevaisons à répétition. Et puis, j’ai changé complètement de méthode d’entraînement. Cela ne m’a finalement pas servi. J’étais nouveau dans l’équipe, je voulais essayer quelque chose de nouveau. Je me suis rendu compte que ça ne marchait pas en course, mais que, par contre, je me sentais bien à l’entraînement, alors j’ai persisté, je respectais les consignes. Et je me suis plongé dans un cercle vicieux. Et en course, je me suis retrouvé loin de mes repères habituels des dernières saisons. La spirale était négative.
Ce serait donc dommage de terminer votre carrière là-dessus ?
Oui, ce serait dommage. C’est aussi pour cela que je me dis que si je reçois une chance, je vais la prendre avec les deux mains. L’équipe qui me signera ne va pas le regretter. Je veux faire oublier cette saison. Je sais que je n’ai pas cinq, six ans devant moi. Il me faut saisir cette chance si une équipe se manifeste. Ces années-là compteraient encore plus à mes yeux. Je peux remarquer que depuis mes débuts pros j’ai fait de belles saisons, hormis celle-ci. Je voudrais la faire oublier.
Vous aviez marqué par votre passage l’histoire de l’équipe Intermarché-Wanty, où vous avez laissé de bons souvenirs. Un retour dans cette formation passée depuis en World Tour est-il possible ?
J’ai frappé à cette porte, effectivement, et nous sommes en contact. Mais je n’ai pas de non et pas de oui… Pour le reste, c’est mon agent qui a le dossier entre les mains.
Entretien avec Denis Bastien