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Jempy Drucker : «La porte est ouverte»


Jempy Drucker, ici avec Isabelle Klein lors des derniers championnats d'Europe à Namur, début novembre.

Jempy Drucker, l’entraîneur national, fait le point sur la saison de cyclo-cross, où il aimerait voir des routiers luxembourgeois revenir dans les sous-bois, à l’instar des Wout van Aert, Mathieu van der Poel et Tom Pidcock, qui vont reprendre la compétition.

Mercredi, Jempy Drucker venait de boucler au Bambesch la séance d’entraînement administrée en sa qualité d’entraîneur national. Avec l’imminence du retour dans les sous-bois de l’ancien triple champion du monde de cyclo-cross Wout van Aert, nous l’avons interrogé sur sa vision de la discipline et sur l’intérêt pour les routiers de faire un détour par le cross en hiver.

Bref, toutes choses qui tiennent à cœur à ce jeune retraité qui avait commencé sa carrière par le cross, mais qui, par obligation, n’y est pas retourné comme il l’aurait souhaité.

Avant le retour en compétition de Mathieu van der Poel et Tom Pidcock, Wout van Aert vient de dévoiler un riche programme hivernal. On imagine que cela ne vous laisse pas indifférent. De votre point de vue, la pratique du cyclo-cross en compétition peut-elle être bénéfique pour un routier professionnel ?

Jempy Drucker : Je pense que oui. C’est d’ailleurs désormais accepté par les grandes équipes avec les coureurs que vous venez de citer. Si c’est bien organisé, bien planifié, on peut faire les deux et évoluer à un bon niveau dans les deux disciplines.

Cela leur apporte quoi à ces coureurs de haut niveau ?

C’est leur passion. Pour van Aert et van der Poel, c’est là que tout a commencé. J’avais les mêmes sentiments qu’eux, je pense. Chaque hiver, je voulais faire du cross en compétition, mais ce n’était pas trop accepté par les équipes. Je pense que ces coureurs éprouvent un grand plaisir à revenir à leurs premières amours, à retourner au cyclo-cross. Si je prends van Aert ou van der Poel, c’est chaque week-end une course en Belgique ou aux Pays-Bas. Il ne s’agit pas de grands voyages comme sur la route. Cela se combine bien à l’entraînement.

Lorsque vous étiez en activité, vos différentes équipes vous avaient clairement demandé de ne pas pratiquer le cyclo-cross en compétition ?

Je n’ai pas trop insisté non plus. On n’avait pas les exemples comme van Aert et van der Poel. Eux se concentraient sur le cross et venaient l’été sur la route, avec succès d’ailleurs. Mais leur priorité était alors le cross. C’est pour ça que la question, pour moi, ne s’est jamais vraiment posée. Peut-être aussi parce que je connaissais la réponse de mes dirigeants.

Les cyclo-crossmen sont à l’aise lorsqu’ils s’alignent sur les classiques flandriennes (…) Et si tu fais du cross l’hiver, tu ne perds pas ton explosivité

Au niveau physique, qu’est-ce que cela peut apporter à un routier de s’aligner sur une partie de la saison de cyclo-cross ?

D’abord la technique, la maîtrise de son vélo. Les cyclo-crossmen sont à l’aise lorsqu’ils s’alignent sur les classiques flandriennes. Pour aborder un virage et frotter, avoir la maîtrise de son vélo sur les pavés, c’est très important. Tu sais prendre la bonne position, mettre la bonne pression sur la roue arrière pour ne pas glisser si c’est humide.

Au niveau physique, tu restes explosif dans les relances et les sprints. Et si tu fais du cross l’hiver, tu ne perds pas ton explosivité.

C’est aussi comme ça qu’il convient de regarder le programme hivernal de Wout van Aert, un programme un peu plus copieux pour cet hiver ?

Il lui a fallu prendre un peu de recul sur sa saison de route, je pense. Et faire le point mentalement. Je vois qu’il a recommencé à faire du vélo en octobre. Ces dernières semaines, il a repris les intensités. Je dirais que sa saison est compacte, ne durera que deux mois avec un grand objectif, les Mondiaux.

Ils vont bousculer ceux qui brillaient en leur absence ?

Je ne sais pas, pour eux, comme pour nous, c’est toujours une découverte lorsqu’ils reprennent leur saison de cross. Où en sont-ils par rapport aux Eli Iserbyt, Michael Vanthourenhout, Laurens Sweeck? On verra rapidement. Comment se sont-ils entraînés, on ne sait pas. Peut-être vont-ils commencer doucement pour mettre les points sur les i pour le mois de janvier.

On a l’impression qu’il y a deux saisons distinctes, une première partie avec les purs crossmen et une deuxième avec l’arrivée de ces coureurs qui passent d’une discipline à l’autre…

C’est ça. On a eu un championnat d’Europe début novembre avec des coureurs qui avaient le sentiment qu’ils devaient en profiter avant de voir arriver van Aert, van der Poel et Pidcock. Le chef de l’équipe Bingoal disait dans un article récent que toutes les victoires déjà prises étaient une bonne chose, parce que ce sera plus dur au cœur de la saison.

Au niveau local, on remarque que la densité n’est pas très élevée depuis le début de cette saison. Peut-on espérer voir arriver des routiers qui pimenteraient les courses élites et espoirs ?

Loïc Bettendorff (champion national espoirs) a intégré la section sportive de l’armée et, pour le moment, il ne fait pas de cyclo-cross, donc, ce sera difficile pour lui de revenir à temps, mais je sais que les jeunes vont arriver, comme Mathieu Kockelmann, Mil Morang. Mats Wenzel (vainqueur à Brouch) est déjà revenu. Cela peut rendre les courses plus intéressantes, effectivement.

N’oublions pas que, par le passé, Bob Jungels a terminé 17e d’un championnat du monde juniors de cyclo-cross. C’est un bon exemple également

La participation à des cyclo-cross, comme on le voit avec le trio van Aert, van der Poel et Pidcock, vous la conseilleriez également aux coureurs professionnels luxembourgeois ?

Oui, pourquoi pas. Surtout pour des cross locaux, où il n’y a pas de déplacement. Si on peut intégrer dans l’entraînement une course le dimanche, ce n’est pas mauvais. Bien sûr, ils devraient garder leur attention sur la route, ils n’iraient pas sur un championnat du monde. Si on programme ça très bien, cela peut se faire.

Pour le moment, ils ne le font pas…

C’est vrai.

Vous essayez de les convaincre ?

Oui, j’ai déjà commencé (rire). Mais c’est à eux de décider. Je sais aussi que les saisons de route, c’est dur. Mais je les invite d’abord à nous rejoindre sur les entraînements. Récemment, Arthur Kluckers (futur coureur de l’équipe suisse Tudor) est venu. Ce sera compliqué pour Alex (Kirsch) et Kevin (Geniets) qui résident en Andorre et en Haute-Savoie. On est mi-novembre, en décembre, d’autres viendront. Les exemples montrent que cela peut être bénéfique. Mais à la fin, c’est à eux de décider. La porte est ouverte.

Et quel regard portez-vous sur le cross luxembourgeois ?

En ce moment, c’est dommage qu’on n’ait pas de coureur élite, comme on peut l’avoir en ce moment avec Marie Schreiber chez les dames. Il faut commencer à les prendre en charge plus jeune, au niveau des juniors. Car encore une fois, on peut très bien combiner les deux. Cela marche très bien. Les juniors peuvent très bien faire du cross, couper et revenir sur la route un peu plus tard dans la saison.

Comme le Suisse Jan Christen, champion du monde de cross et champion d’Europe sur route. C’est donc possible. Si tu as le moteur pour être bien sur la route, tu l’as pour le cyclo-cross. Il ne reste que la technique à apprendre. N’oublions pas que, par le passé, Bob Jungels a terminé 17e d’un championnat du monde juniors de cyclo-cross (en 2010 à Tabor). C’est un bon exemple également.