Jeff Strasser a adoré son grand retour au Fritz-Walter Stadion, vendredi soir.
Le technicien l’avoue sans peine : rien ne l’avait préparé à cette incroyable semaine qu’il vient de vivre.
Ça vous avait manqué, le Fritz-Walter Stadion?
Jeff Strasser : Depuis que je suis parti en tant que joueur, beaucoup de choses ont changé, mais l’âme est restée. Il y a eu beaucoup d’émotions ces derniers jours, mais plus particulièrement au coup d’envoi. Et aussi au pied de la tribune, après le match. J’en ai eu des frissons, c’était indescriptible. Cette communion était d’autant plus incroyable qu’on marque trois buts en dix minutes en fin de rencontre. Quand on voit tout un stade qui se lève, comme ça… il y a des fois où il faut se pincer pour bien comprendre qu’on ne rêve pas, qu’on est là.
Il y avait 20 000 spectateurs pour ce match contre Greuther Furth. Deux fois plus que lors de la dernière rencontre disputée à domicile contre Erzgebirge (0-2). Les gens sont (un peu) revenus au stade pour le seul nom de Jeff Strasser?
Dans un certain sens, oui. C’est aussi pour ça que le club a pris la décision de rappeler un ancien du club. J’ai encore effectué un stage de six semaines ici même pendant ma formation. Cela n’aurait pas été aussi simple de s’intégrer aussi vite sans ça.
Il faut arrêter au Luxembourg de se faire plus petit qu’on ne l’est. La qualité n’est pas liée à la nationalité
Les supporters attendent de vous que vous transmettiez les valeurs que vous portiez en tant que joueur. L’abnégation, le travail et le courage. C’est forcément trop réducteur pour un entraîneur?
Ces valeurs que je porte, je dois aussi les transmettre. Ce sont les valeurs du club d’ailleurs et celles que les fans veulent voir par-dessus tout. Je dois les ramener dans l’équipe. Parce que ce sont les bases. L’analyse, celle qui aboutit à des concepts de jeu, elle vient après. Mais on a déjà vu contre Greuther Furth, il me semble, une certaine qualité de jeu avec une base défensive.
Vous vous y connaissez en 2e Bundesliga? Ou il va vous falloir plancher énormément sur vos adversaires?
Je vais devoir tout réapprendre. Tout le championnat. La quintessence du foot est la même partout, mais j’ai beaucoup d’analyses devant moi. Je pars dans l’inconnu avec l’expérience pour m’aider. De ce côté, j’ai une tranquillité d’esprit, mais aussi une petite appréhension, c’est certain…
C’est un autre job que celui que vous effectuiez au Fola?
Totalement différent. C’est le foot, mais à un autre niveau qu’il faut aborder avec respect. Et c’est d’ailleurs bien de commencer avec un grand bonheur. Parce que s’il y a du potentiel dans cette équipe, ce sera surtout un long combat sur toute la saison. Vendredi, on a juste fait un pas, qui consistait à se débarrasser de ce gros sac à dos qui encombrait les épaules depuis le début de saison. Là, c’est le sentiment de joie qui domine, mais aussi d’un certain vide parce que ces quelques jours entre la signature, la présentation, la préparation et le match ont bouffé beaucoup d’énergie (NDLR : l’entretien a été réalisé samedi). Je me suis jeté dans l’aventure sans avoir le temps de m’y préparer.
On avait plutôt l’impression que vous vous y prépariez depuis longtemps, non? Depuis que vous aviez commencé vos diplômes avec l’objectif de trouver un poste dans un club pro…
On s’y prépare toujours un peu, mais quand on s’investit à fond dans un autre club, c’est dur d’avoir la tête à autre chose et de s’y préparer concrètement. On se rend compte seulement une fois sur place de la somme de travail que cela représente.
Avec une énorme pression d’entrée.
Oui. Mais c’était une pression positive. Et de toute façon, c’était le but : que je la prenne sur mes épaules pour libérer les joueurs. Il fallait aussi que je sois capable de rentrer vite dans leurs têtes pour leur rendre la confiance. Mais c’est vrai, c’était une prise de risque de ma part.
Celui de perdre avec ce poste d’entraîneur le crédit énorme que possède encore à Kaiserslautern le Jeff Strasser joueur?
Oui. Mais tout dépend quel genre d’homme vous êtes. Moi, je suis plutôt le genre à voir le verre à moitié plein.
C’est le sentiment de joie qui domine, mais aussi d’un certain vide
Si on vous avait dit, il y a cinq ans, qu’il y aurait deux entraîneurs luxembourgeois à officier en D2 allemande…
J’aurais dit à cette personne « pourquoi ça ne serait pas possible? » Il faut arrêter, au Luxembourg, de se faire plus petit qu’on ne l’est. Avec de bonnes idées et la volonté de travailler, on peut faire de grandes choses. Jeff fait un très bon travail (NDLR : à Bielefeld). La qualité n’est pas liée à la nationalité. Et si cela peut contribuer à aider le football luxembourgeois, ce serait bien.
Votre carrière de coach a-t-elle des chances d’être aussi belle, voire plus, que votre carrière de joueur?
Il y a beaucoup de travail qui m’attend. Et ce sera beaucoup plus dur que lorsque j’étais joueur. Tu ne t’en rends compte que lorsque tu te retrouves dans la position du coach. Parce qu’il y aura des moments plus difficiles que vendredi soir et là, je serai responsable. Ça va demander beaucoup d’énergie.
Entretien avec Julien Mollereau