Laurent Jans a adoré son match contre le Bayern Munich, vendredi soir. Dans un stade qui lui a fait sentir comme aucun le poids du monde dans lequel il est désormais entré.
Vendredi soir, Paderborn, lanterne rouge, a perdu sur la pelouse d’un monstre européen. Cette courte défaite avec un dernier but encaissé à la 88e minute aura presque de quoi laisser des regrets. Trois mois après le nul 3-3 ramené du Signal Iduna Park, devant 81 000 fans de Dortmund, deux semaines après celui de la Veltins-Arena malgré les 61 000 supporters de Schalke 04, Laurent Jans a quand même l’impression d’avoir vécu quelque chose de différent, une expérience totalement unique.
Alors oui, avec un petit point pris sur la pelouse d’un club dont l’effectif approche du milliard de valeur marchande et qui s’apprête à affronter Chelsea en 8e de finale de la Ligue des champions, Paderborn aurait quitté sa place de lanterne rouge. Mais l’essentiel n’est pas là : «Ce qu’on a montré est vraiment encourageant», assure Jans. Malgré tout ce qu’il a vu et qui l’a ébloui.
La minute de silence*
«Voilà vraiment quelque chose qui m’a personnellement touché. Se retrouver au milieu d’un stade de 75 000 personnes sans le moindre son, dans ce silence de fou, cela fait comprendre que le football est loin d’occuper la première place dans les préoccupations du monde. Le speaker du stade a vraiment su trouver les mots justes. J’avais beaucoup de copains dans le stade, venus voir le match. Ils m’ont tous dit qu’ils en avaient eu la chair de poule. Mais c’est normal : le foot, c’est justement le lieu où toutes les nationalités se retrouvent chaque week-end pour faire la fête ensemble. Que ce genre de drames arrive encore en 2020, je ne comprends pas.»
*À la suite de la tuerie de Hanau, perpétrée par un sympathisant d’extrême droite la semaine passée.
L’Allianz Arena
«Incroyable ! En un mot, incroyable. J’ai déjà joué dans plein de stades incroyables mais là, c’est carrément un autre monde. Récemment, j’ai vu le Signal Iduna Park de Dortmund et le Borussia Park de M’Gladbach, mais là, c’est magnifique. Bon, le BVB, niveau atmosphère, c’est clairement le n°1 mais l’Allianz Arena… On la voit de loin quand on arrive par l’autoroute, elle brille en rouge. Avant même d’y entrer, on est déjà concentré. Dans les couloirs, on remarque tout de suite les inscriptions faisant mention des titres de champion. On n’entre pas dans un stade, mais dans l’histoire, dans l’enceinte de l’un des cinq plus grands clubs du monde. C’est un des highlights de ma carrière, j’ai toujours eu le rêve de jouer là. Non mais vous auriez vu le vestiaire, il y a même une grande salle pour s’échauffer pour les adversaires ! Non, c’est vraiment hors catégorie.»
Le niveau de jeu
«C’est un peu comme quand on rencontre l’Espagne ou la France avec la sélection. C’est le même niveau. En termes de vitesse et de qualité, ces gars sont parmi les meilleurs du monde. Moi qui ai enchaîné les matches de Bundesliga ces derniers temps, ça m’a aidé à avoir le niveau. Chaque match, je m’adapte un peu plus, même si là c’est autre chose que tout ce que j’ai pu vivre jusqu’alors. Et je suis content de l’avoir vécu. J’ai toujours été sûr que je pouvais performer à un tel niveau et même à 28 ans, je sais que j’ai encore une marge de progression. Mes performances sont de mieux en mieux et la match à Munich l’a prouvé.»
Le joueur impressionnant
«Alors là, c’est Thiago Alcantara! Il a vraiment de ces enchaînements ! Prise de balle puis enchaînement exactement et à chaque fois, on ne sait jamais s’il va partir à gauche ou à droite.»
Le phénomène Lewandowski
«Sur le match, il n’est pas si impressionnant, mais c’est ça les grands attaquants : ils sont là quand on a besoin d’eux… et il met deux buts. Mais ses contrôles de balle qui restent parfaitement dans les pieds, quelle qualité ! Tout ce qu’il fait est intelligent, quelle qualité… Pour moi, c’est le meilleur attaquant du monde actuellement. C’est un peu comme Müller, quelle intelligence aussi! Ce qu’il fait, lui, ça ne s’apprend pas.»
Les buts
«Ils sont frustrants. Sur deux des trois, je ne suis pas loin de pouvoir intervenir. Avec un peu de réussite… Mais à ce niveau, ça va si vite qu’il faut réagir tout de suite. Il y a zéro temps de réflexion. C’est ce que j’ai appris en D1 allemande et c’est un truc de fou : une erreur, un but. C’est souvent ce qu’on dit en football, je sais, d’autant que ce n’est pas toujours le cas. Là, ça l’est vraiment : une erreur, un but. On ne peut pas ne pas être concentré à 100% et sur 90 minutes. Même si tu es carbonisé, tu n’as pas le droit de rater ta dernière passe. Sinon…»
L’échange de maillots
«Je l’ai échangé avec Alphonso Davies. Je l’échange rarement mon maillot. Ça ne m’arrive vraiment pas souvent. Mais là, je discutais avec lui à la fin, il est super sympa, il me félicitait pour notre prestation et vu qu’on s’était livré un beau duel tout le match… Pour vous prouver que c’est très rare, des maillots, en Bundesliga, je n’en ai que trois. Davies, Leo (NDLR : Barreiro) après le match contre Mayence et Ampomah (NDLR : Düsseldorf), mon ancien coéquipier de Beveren. Ça prouve bien que c’est quelque chose qui ne m’arrive pas souvent. Beaucoup d’amis me conseillent de le faire plus souvent, pour les souvenirs. Moi, je n’ai pas envie de le faire, surtout après un résultat décevant. Mais j’ai quand même déjà une belle collection.»
Le maintien
«On est encore au contact malgré cette défaite. Et puis on sait très bien que ce sera lors des prochains matches, contre nos concurrents directs, que cela va se jouer, que c’est là qu’il faudra être performant. Contre Mayence, Cologne, Düsseldorf… Après, si on regarde les résultats de tous les clubs allemands en Coupes d’Europe, qu’on voit qu’ils remportent tous leurs matches, on comprend mieux le vrai niveau de la Bundesliga. Quand je vois nos matches contre le Bayern, Dortmund ou Leipzig, je me dis qu’on est capables de se maintenir !»
Recueilli par Julien Mollereau