Avec un lancer à 55,47 m, mercredi soir à Dudelange, Noémie Pleimling est parvenue à améliorer son propre record national de plus d’un mètre. Une performance inattendue après une période délicate où le Covid-19 ne l’a pas épargnée.
Mercredi, nous avions sollicité Noémie Pleimling pour un entretien. Celle-ci nous avait répondu cordialement qu’elle préférait remettre cela au lendemain, préférant se concentrer essentiellement sur son concours, le soir même, lors du meeting organisé à Dudelange aux allures, dixit Danielle Lorang la directrice sportive du club, «d’entraînement amélioré». Au final, la championne du Luxembourg au lancer du javelot améliora son propre record national, passant de 54,25 m à 55,47 m. Alors, l’entretien ne pouvait débuter autrement que de cette manière…
Vous attendiez-vous à ce nouveau record national ?
Noémie Pleimling : C’est la première fois que je passe la barre des 55 m. Mes deux précédentes sorties, à Bertrix et Bruxelles ne se sont pas très bien passées avec des lancers respectifs à 50,72 m et 48,94 m… Ce n’était pas énorme, pas idéal, mais je sors d’une période un peu particulière…
En raison de la pandémie du coronavirus et du confinement ?
J’ai été touchée de très près par le Covid. Ma mère a contracté le virus et je ne l’ai pas vue de fin mars à fin mai. Elle a passé quatre semaines plongée dans un coma artificiel.
Comment va-t-elle ?
Elle se trouve au centre de réhabilitation au Kirchberg et va bientôt rentrer à la maison. Heureusement, et même s’il lui était difficile après son réveil de pouvoir ne serait-ce que se mettre assise, elle n’a pas de séquelles. Elle avait cet avantage d’être en forme, de ne pas être en surpoids ou de souffrir d’une quelconque pathologie. Non, le plus dur, ce n’était pas pour elle, elle a passé quatre semaines à dormir, le plus dur c’était pour son entourage (elle rit)…
Sans le sport, ç’auraît été dur à supporter
Comment avez-vous traversé cette épreuve ?
Mon père a eu très peur et en tant qu’aînée, ma sœur à 17 mois de moins que moi, je devais prendre mes responsabilités. Pour tout vous dire, le soir venu, j’étais très contente de pouvoir m’entraîner. Sans le sport, ç’auraît été dur à supporter.
Dans quelles conditions vous êtes-vous entraînée ?
Très vite, à la mi-mars, Sonia (NDLR : Ilieva, son entraîneur) m’a suggéré d’aller récupérer du matériel auprès du club pour que je puisse m’entraîner à la maison. Ce que j’ai fait. Alors, accompagnée d’Isabeau, ma sœur, je me rendais dans un champ situé à 500 m de chez moi à Schifflange et je faisais des séances de lancer. Ma sœur filmait et Sonia suivait la séance en live depuis chez elle en Belgique… Côté musculation, grâce au club qui m’a fourni le matériel nécessaire, je me suis fait une petite salle dans la cave.
Psychologiquement, et au-delà même du contexte familial, avez-vous éprouvé des difficultés à vous entraîner en raison de l’absence de perspectives et de certitudes liées à cette crise du Covid ?
Je suis habituée à avoir un programme, à m’y tenir et ma sœur m’a aussi beaucoup soutenue. Alors, non, je n’ai pas eu de problèmes de motivation. Et ce d’autant plus qu’avec Sonia, notre projet s’inscrit sur le long terme. Alors, cette période, on l’a davantage prise comme une opportunité de travailler certaines choses. Tant sur le plan physique où on a augmenté la répétition et baissé les charges que sur le plan mental.
De quelle manière ?
C’est simple, je travaille à 85 % (NDLR : elle est employée de banque), pendant deux mois je n’ai pas vu ma mère qui était quand même dans une situation très grave et il fallait que je concilie ma vie privée et ma carrière. Bref, durant cette période, il m’a fallu trouver des ressources.
Revenons à votre record national. Avec 55,47 m, vous avez la 73e meilleure performance de la saison. Selon vous, quelle est votre marge de progression? Jusqu’où pouvez-vous aller ?
Loin… Mais je ne préfère pas parler de ça. Dans une carrière, beaucoup de choses peuvent se passer. On n’est jamais sûr de rien. La seule chose que je peux dire, c’est que je suis une athlète, une simple exécutante. Un bon petit soldat (elle rit).
Et Sonia Ilieva dans le rôle de l’adjudant ?
(Elle rit) Non, je ne dirais pas que c’est militaire… Simplement, pour réussir, il faut une certaine discipline et en tant qu’athlète, je n’existe pas sans Sonia et réciproquement. On a commencé à travailler ensemble en 2010. Entre début 2015 et décembre 2016, par manque d’envie, j’ai arrêté l’athlétisme. Sonia m’a appelée et a trouvé les mots pour me motiver à reprendre le chemin de l’entraînement. Cinq mois plus tard, en mai 2017, j’améliorais mon record national de trois centimètres avec une marque à 49,82 m.
Comment qualifieriez-vous votre relation ?
Disons qu’avec le temps, une réelle complicité s’est installée. On se comprend sans forcément se parler. Au-delà de ses compétences techniques, Sonia est très humaine. Durant ces derniers mois, on s’appelait tous les jours. On parlait de la situation. Elle m’a vraiment beaucoup aidée. Elle était un véritable pilier.
Vous disiez avoir un projet à long terme avec elle. Parlez-nous des Jeux olympiques 2024…
L’objectif est de pouvoir les disputer. Mais pour cela, cela demande de l’entraînement, de l’investissement en temps et en argent. Ce n’est pas toujours facile. Pour l’instant, je n’ai pas le niveau suffisant pour que les organisateurs de meeting prennent en charge une partie de mes déplacements. En janvier, j’ai intégré le cadre élite du COSL, je reçois donc une aide mais pour le haut niveau, ce n’est pas suffisant.
Cela vous empêche-t-il de prendre part à des épreuves à l’étranger ?
Ça peut être un frein. Sinon, j’avais fait la demande pour pouvoir disputer ce dimanche les championnats de Belgique et un autre meeting à Offenbourg mais les deux organisations m’ont répondu que ce n’était pas possible en raison de la situation sanitaire. Comme je suis luxembourgeoise…
Quel est alors la suite de votre programme ?
Il me reste deux rendez-vous : les championnats de Luxembourg, le 5 septembre et les championnats de France à Albi, le week-end suivant. Ensuite, je partirai deux semaines en vacances avec ma maman. Il va falloir se remettre de toutes ces émotions…
Charles Michel
Les meilleures performances mondiales de la saison 2020
1. Huihui Lyu (CHN) 67,61 m, 2. Tatsiana Khaladovich (BLR) 67,17; 3. Shiying Liu (CHN) 66,14; 4. Kara Winger (USA) 64,44; 5. Nikola Ogrodnikova (RTC) 64,22; 6. Christin Hussong (ALL) 64,10; 7. Elina Tzengko (GRE) 63,96; 8. Barbora Spotakova (RTC) 63,69; 9. Lina Muze (LET) 62,75; 10. Asdis Hjalmsdottir (ISL) 62,66… 73. Noémie Pleimling (LUX) 55,47… 100. Julia Ulbricht (ALL) 53,97.