Le patron du foot français, Noël Le Graët, a protesté contre la hausse des interruptions de matches pour lutter contre les injures homophobes dans les tribunes, en prévenant qu’il ne donnerait pas d’instructions en ce sens et en taclant les ministres en charge du dossier.
« Je trouve qu’on arrête trop de matches. Cela fait plaisir à certains ministres, mais moi, ça me gêne. Le football ne peut pas être pris en otage pour des propos vulgaires », a déclaré le président de la Fédération française de football (FFF) dans Ouest-France vendredi, à la veille de France-Albanie.
« Des matches ont été arrêtés et ne le méritaient pas, insiste-t-il. À la Fédération, on ne donnera pas d’instruction aux arbitres. On le fera s’il y a une manifestation homophobe constante, avec tout un stade. Mais quand, sur 30 000 personnes, il y a 2 000 imbéciles, je ne veux pas que les 28 000 autres soient punis ».
Une prise de position jugée « irresponsable » par l’association des PanamBoyz & Girlz United, qui dénonce l’homophobie dans le football et travaille sur le sujet avec la Ligue de football professionnel (LFP). « Le problème ce n’est pas qu’il y a trop d’interruption de match! Le problème, c’est qu’il y a trop de haine, trop d’homophobie, trop de racisme, trop de sexisme dans les stades », fustige l’association dans un communiqué.
Colère des ultras
Depuis le début de la saison, plusieurs rencontres ont été brièvement interrompues en L1 et L2 pour faire cesser des chants homophobes lancés des tribunes ou le déploiement de banderoles injurieuses. Une fermeté réclamée et vivement saluée par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, sa collègue chargée de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, et par les associations de lutte contre l’homophobie.
Mais cette sévérité nouvelle a aussi provoqué une colère redoublée des ultras, qui ont dénoncé la « démagogie » des politiques, alors qu’eux-mêmes réclament plus de souplesse sur les interdictions de fumigènes et les restrictions de déplacements pour assister aux rencontres. Du coup, la dernière journée du championnat, fin août, s’est transformée en concours de banderoles et de chants provocateurs dans les tribunes, faisant craindre une surenchère.
Dans ce contexte, Noël Le Graët, qui avait déjà raillé les positions de Roxana Maracineanu début avril (« elle n’a pas l’habitude de venir au stade, c’est vrai que dans les piscines on n’entend pas ce qu’il se dit »), a clairement pris le parti des supporteurs.
« L’homophobie, c’est le football qui l’a inventée? Ça fait bien d’aller raconter sa science quand on n’a pas grand-chose à dire. Il y a pourtant des enjeux politiques plus importants », attaque-t-il dans Ouest-France.
S’il concède que « des supporteurs dérapent », « ce n’est pas le foot, mais la société en général qui doit y réfléchir, à l’école ou dans les entreprises, partout ».
Coup de fil de la ministre Maracineanu
« La sortie de crise se fera toute seule. On travaille avec les présidents de clubs, des gens qui ne la ramènent pas tous les matins, qui ne vont pas faire les beaux sur les plateaux de télévision », tacle-t-il encore.
Pour les PanamBoyz & Girlz United, « le problème, c’est que la FFF n’a jamais rien fait pour essayer de prendre à bras le corps la question des discriminations en général et de l’homophobie en particulier ».
Contacté, le cabinet de Marlène Schiappa a indiqué qu’elle ne souhaitait pas faire de commentaire. De son côté, la ministre des Sports a fait savoir qu’elle appellerait vendredi le patron du foot français. Dans son équipe, on rappelle que « ce n’est pas elle qui donne les consignes aux arbitres » mais qu’elle avait « exprimé une position » et qu’il appartenait aux instances du football de trouver des solutions.
Le coup de gueule de Noël Le Graët intervient alors que la LFP veut réunir les associations de supporteurs et celles qui luttent contre l’homophobie pour initier un dialogue. Une première date avait été fixée pour cette semaine, mais la réunion a été reportée.
AFP