Berchem affronte, ce samedi (20 h 15), le HB Esch. L’occasion de partir à la rencontre d’Alexandre Scheubel, son entraîneur, qui se veut discret, exigent et travailleur.
La lumière, celle des projecteurs, il ne la recherche pas. Trop aveuglante à ses yeux. «Je préfère rester dans l’ombre.» Au HC Berchem, club réputé familial et peu en proie aux folies financières, Alexandre Scheubel (42 ans) y développe sa philosophie de jeu et un savoir-faire basé sur une certitude : la richesse se trouve dans le travail. Nulle part ailleurs.
Originaire de Nancy, où il a été formé, cet ancien ailier droit de niveau honorable («j’ai joué jusqu’en national 1»), s’est tourné vers une carrière d’entraîneur. Passé par Épinal qu’il quitta en 2018 alors qu’il occupait le poste de manager général, il retourna du côté de Vandœuvre prendre en main les U13 du Grand Nancy. Avril 2019, il rejoint le Grand-Duché et se voit confier la charge des U13 et U14 à la demande d’un Nikola Malesevic qu’il dirigea durant deux saisons au sein de la formation spinalienne. «J’ai appris à connaître Alex, il avait un projet intéressant», confie l’actuel sélectionneur qui aurait pu retrouver, ce samedi en tant qu’entraîneur du HBD, le Meurthe-et-Mosellan en finale, mais voilà Esch est passé par là…
Arrivé l’été dernier sur le banc de Berchem en lieu et place d’Adrian Stot, Scheubel eut besoin d’un petit temps d’adaptation à son environnement. À moins que ce ne soit l’inverse. «Ça n’a pas été facile au début», déclare-t-il, en référence à une préparation d’avant-saison compliquée par les blessés (Tsatso, Stupar, Gerber) et l’embonpoint de certains. Depuis cet épisode, le technicien s’évertue à inculquer à ses protégés le goût des bonnes choses, «l’exigence et le travail au quotidien».
Si, comme le chantait si justement Barbara, «Tout le temps qui passe ne se rattrape guère / Tout le temps perdu ne se rattrape plus», Scheubel se lança néanmoins dans une course contre-la-montre cet hiver. «Il fallait être prêt pour la fin février, pour ce Final Four de Coupe de Luxembourg mais aussi le play-off. Alors, avant les fêtes de fin d’année, j’avais prévenu les joueurs que la reprise allait être difficile…»
Avant les fêtes de fin d’année, j’avais prévenu les joueurs que la reprise allait être difficile…
Sur le pont dès le 2 janvier, en collaboration avec Ralph Schuster, le préparateur physique, l’entraîneur mit en place un menu assez copieux. «On a eu le droit à des séances bien « chiantes » avec le préparateur physique, mais l’entraîneur nous avait dit qu’on allait en récolter les fruits», confiait ici-même dans ces colonnes le 3 février un Dany Scholten convaincu des bienfaits de cette petite cure après la gifle infligée à Käerjeng (38-28, 13e j.). Depuis mercredi, les derniers sceptiques – s’il en existait encore – ont dû se rendre à l’évidence : cette formation du Réiserbann ne peut afficher une telle débauche d’énergie sans une certaine fraîcheur physique. Et quand certains apparaissaient quelque peu émoussés en fin de rencontre, le ressort psychologique semble avoir fonctionné à merveille. Ainsi, ils furent sans doute nombreux à imaginer les hommes de Scheubel s’effondrer au moment où, durant une infériorité numérique de près de deux minutes à 6 contre 4 à la suite des exclusions de Rezic et Ostrihon, les Red Boys parvinrent à revenir au score (17-17) au bénéfice d’un penalty et d’une contre-attaque adverse ratés.
Mais un temps mort plus tard, Guden et les siens repartaient comme si de rien n’était et reprenaient deux longueurs d’avance. Question : quels mots Alexandre Scheubel a-t-il pu bien glisser à l’oreille de ses joueurs? «Des choses assez simples, répond modestement l’intéressé. Qu’ils se trouvaient dans leur temps faible, qu’il fallait être fort et ne pas lâcher. À côté de ça, sur l’aspect tactique, je leur ai donné quelques consignes à faire pour contrecarrer ce 1-5 adverse qui les embêtait depuis le début de la seconde période.» Cette faculté à courber l’échine se double d’une indéniable capacité de réaction. «À cet instant, il a fallu une grosse cohésion et les gars ont montré une force de caractère que je n’avais pas encore vue cette saison.»
C’est une dimension qui échappe au grand public, mais l’analyse vidéo représente beaucoup, beaucoup d’heures de travail…
Évidemment, ce succès de Berchem face aux Red Boys relève de la mythologie. Celle de David contre Goliath. Une fronde pour un affront aux yeux de Differdangeois qui doivent avoir encore un sérieux mal de crâne. À Crauthem, les têtes n’enflent pas. Et pour s’en prémunir, Scheubel répète à qui veut l’entendre une évidence toutefois bonne à rappeler : «Ce qu’on a fait, c’est bien mais pour l’instant, on n’a rien gagné…»
Ce samedi, pour sa première saison à Berchem, Alexandre Scheubel tentera d’offrir à son club la onzième Coupe de Luxembourg de son histoire. Deux ans seulement après la dernière. Un sacré défi que ses hommes aborderont une nouvelle fois dans la peau du Petit Poucet. «Esch, c’est ce qui se fait de mieux au Luxembourg. Intrinsèquement, ils ont de meilleurs joueurs à tous les postes. Et collectivement, c’est une machine capable de faire des trous de 4 buts en deux minutes», déclare le technicien conscient que les simples vertus morales ne suffiront pas dans ce combat : «C’est une finale, la différence ne se fera donc pas sur la motivation. Pour espérer quelque chose, il faudra répondre « handballistiquement ». Parce que c’est bien d’avoir l’envie, mais si on n’a pas les armes…»
Au-delà du bagage technique propre à chaque joueur, Alexandre Scheubel est là pour apporter tactique et stratégie. En l’espace de quelques mois, il jouit d’une réputation de très bon analyste. «Je ne sais pas si mes analyses sont très bonnes mais il est important de connaître le jeu adverse et les spécificités de ses individualités. Et pour ça, il n’y a pas de secret, je travaille avec la vidéo», estime Scheubel qui ne compte pas ses heures passées devant l’écran de son ordinateur. Devant cette lumière bleue au travers de laquelle il parvient à déceler l’une ou l’autre faille chez l’adversaire. «C’est une dimension qui échappe au grand public, mais l’analyse vidéo représente beaucoup, beaucoup d’heures de travail…»
La préparation de la demi-finale contre les Red Boys, il a eu le temps de la préparer en amont. «Mais je n’ai pas fait que ça. Il y avait aussi les matches de championnat contre Käerjeng et Diekirch à préparer.» Plutôt du genre prévoyant, le technicien a dû se faire quelques fiches sur un HB Esch contre lequel il s’est incliné à deux reprises cette saison. Tout comme face aux Red Boys avant la demi-finale. Alors? «Lors du match aller (NDLR : 26-31), on était menés de dix buts à la mi-temps; quant au retour, on perd au final de deux buts (NDLR : 24-22) mais on est presque menés de six ou sept longueurs durant tout le match…»
Si cet habit d’outsider, Alexandre Scheubel l’enfile volontiers, il souligne néanmoins la qualité de l’étoffe : «Malgré le départ d’un joueur aussi important, sur le terrain et en dehors, de Loïc Goemaere, le club a décidé de ne pas recruter, de faire confiance à ses jeunes. Alors, quand je vois qu’on parle beaucoup de garçons comme Raphaël (Guden), Ariel (Pietrasik), Ben (Brittner) et d’autres, c’est une belle récompense pour le club et une belle reconnaissance pour tous les entraîneurs qui les ont formés jusque-là. Et ça, c’est très important de ne pas l’oublier.» Difficile de l’oublier, Berchem a placé ses équipes U17, U15 et U13 en finale de la Coupe…
Charles Michel