Tommy Wirtz (Rimpar/2e Bundesliga) et Raphaël Guden (Dansenberg/3e Liga), deux Luxembourgeois évoluant à l’étranger, racontent leur quotidien en Allemagne.
Une division d’écart. Pas grand-chose. Et pourtant, ce fossé qui sépare Tommy Wirtz et Raphaël Guden s’apparente à un véritable gouffre. En cette période où le quotidien est rythmé par le Covid-19, le premier, ailier gauche de Rimpar, pensionnaire de 2e Bundesliga, continue de jouer. Le second, arrière à Dansenberg, locataire de 3e Liga, ne fait que s’entraîner. L’un est professionnel, l’autre non.
Eppelheim. Cette ville du Bade-Wurtemberg compte près de 15 000 âmes parmi lesquelles Raphaël Guden. Arrivé cet été en provenance de Berchem, le demi-centre y passe le plus clair de son temps. «En dehors des entraînements, je ne vois pas grand monde si ce n’est Fabian Serwinski, mon équipier, avec qui je me rends à l’entraînement…» Cinquante minutes de trajet pour rejoindre Kaiserslautern et son centre sportif où, avant d’y faire son entrée, il est reçu par Jochen Schwarz, le co-entraîneur, thermomètre au poing. «Au moindre doute, on rentre chez soi», raconte celui qui continue donc de s’entraîner quatre fois par semaine avec l’espoir de retrouver la compétition. Un espoir fixé par la fédération allemande (DHB) à fin février. «C’est ce qu’elle a annoncé mais d’après ce que j’ai pu comprendre, confie Raphaël Guden, la DHB elle-même est très sceptique quant aux chances que le championnat reprenne normalement et il se dit qu’on pourrait se diriger alors vers un tournoi qui regrouperait uniquement les clubs qui ont les moyens (NDLR : financiers et infrastructures) de prétendre à une montée en 2e Bundesliga. Bon, pour l’instant ce n’est qu’une rumeur mais on en est là…» «Là», comprendre nulle part dans la mesure où toute projection à plus de deux semaines relève de la divination.
À 250 km plus à l’est, en Bavière, Tommy Wirtz est un privilégié. Il fait partie des quelque 740 professionnels que comptent la Bundesliga et sa petite sœur. Deux échelons dirigés par la Ligue allemande (HBL) et cette dernière a bien l’intention de voir ces deux compétitions aller à leur terme. Pour cela, la HBL applique des mesures très strictes. Ainsi, tous les joueurs subissent deux tests PCR par semaine. «Si un joueur est positif, toute l’équipe est mise en isolement pendant cinq jours. Et un match ne peut se dérouler que si toute l’équipe, joueurs et staff compris, est diagnostiquée négative», explique l’ex-Dudelangeois habitué donc à voir des matches reportés en milieu de semaine.
Pour me chambrer, mes équipiers me disent : “Ah, si tu savais l’ambiance qu’il y a ici…“ Ça, j’avoue que c’est très frustrant!
Sa première saison comme professionnel, Tommy Wirtz l’imaginait quelque peu différente. Non pas sur le plan sportif («j’ai du temps de jeu et mes performances sont plutôt bonnes»), mais sur le plan émotionnel. «Tu rentres dans des enceintes qui peuvent accueillir 5 000 personnes et elles sont entièrement vides! Pour me chambrer, mes équipiers me disent : “Ah, si tu savais l’ambiance qu’il y a ici…“ Ça, j’avoue que c’est très frustrant!» Autre désagrément lié directement à cette pandémie, l’impossibilité de séjourner dans un hôtel lors d’un déplacement. Ainsi, le 29 décembre, Wirtz et les siens se sont coltiné 7 h de bus pour rejoindre et affronter Hambourg (NDLR : défaite 26-24) avant de repartir le soir-même. «C’est comme ça, c’est pareil pour tout le monde. Ça ne sert à rien de se plaindre, on a déjà de la chance de pouvoir jouer.» Et plutôt bien puisque le Luxembourgeois, après 12 matches de championnat, est le quatrième meilleur buteur de sa formation avec un total de 35 réalisations, dont 14 penalties, exercice dont il a la charge avec son comparse de l’aile gauche, Dominik Schömig (31 buts dont 14 penalties).
Tommy Wirtz mesure donc la chance qu’il a de pouvoir continuer d’exercer son métier. Pour autant, la situation actuelle n’est pas facile à supporter : «Hormis les supermarchés et les pharmacies, tout est fermé ici. Et le couvre-feu est à 21 h. Bref, en dehors du handball, je ne fais rien d’autre puisqu’il n’y a rien à faire.» Un point sur lequel le rejoint Raphaël Guden, contraint de suivre ses études universitaires – il veut devenir éducateur – en visio : «Ce serait mieux de suivre les cours sur place mais bon, c’est comme ça. Heureusement, je ne suis pas seul toute la journée, ma copine est là.» Pour lui qui a raté une bonne partie de la préparation d’avant-saison et le début de championnat (il n’a joué au total que trois matches), la reprise est fixée au 28 février. Une date qui paraît encore bien loin. Pour Tommy Wirtz, le prochain rendez-vous est prévu le 30 janvier, à Munich, face à Fürstenfeldbruck (18e).
Charles Michel