Le manager du HB Esch, sacré champion pour la 9e fois de son histoire, Marc Fancelli, revient sur ce titre, le Covid-19, le télétravail mais aussi son désir de réussir sur une scène européenne réformée.
Le championnat arrêté, Esch a été sacré champion. Avez-vous prévu de fêter ce titre?
Marc Fancelli : Le fêter? Le temps ne nous permet pas encore de nous rassembler, donc on n’y a pas encore pensé. Concernant ce titre de champion, je n’avais pas d’a priori. La priorité était de trouver une solution pour clôturer la saison équitablement et désigner les clubs qualifiés pour les compétitions européennes. La première phase s’était jouée entièrement et je n’étais pas favorable à l’idée de changer le modus en cours de saison pour se diriger vers des choses farfelues. Pour moi, un titre de champion doit sacrer l’équipe la plus régulière de la saison. Et notre play-off actuel, qui connaît un certain succès, va dans ce sens. À l’avenir, s’il y a une réelle envie de modifier le format actuel pour des raisons de spectacle, je ne serais pas opposé à ce qu’à l’issue du play-off, il y ait une finale entre les deux premiers.
Comment avez-vous vécu cette crise liée au Covid-19?
Comme tout le monde. Au fur et à mesure, de plus en plus d’informations sont venues d’un peu partout et on voit clairement, si l’on se réfère aux statistiques, que les victimes de ce virus sont des personnes qui, dans leur grande majorité et malgré quelques exceptions, présentaient des antécédents médicaux.
Vous ne semblez pas inquiet…
J’étais inquiet de voir que d’autres pays en étaient venus à devoir choisir qui soigner ou non. Ça, c’est dramatique! Heureusement, ici, nous n’avons pas connu cette situation. Ici, nous sommes partis avec l’idée que le pire pouvait arriver pour ensuite adapter les mesures en fonction de l’évolution de la situation. On a suivi les consignes du gouvernement, respecté le confinement, les gestes barrières. Bon, je ne vous cache pas que c’est quand même bizarre de se balader avec un masque.
Par crainte de s’entendre dire que l’on ne fait rien sous prétexte d’être à la maison, on a même tendance à travailler encore plus qu’au bureau
Sur le plan psychologique, est-ce que ça a été difficile?
On en a profité pour beaucoup sortir le chien… J’ai le privilège d’avoir une maison avec un petit terrain à l’arrière. C’est forcément plus simple de vivre le confinement dans ces conditions qu’enfermé dans un appartement. Maintenant, les dernières informations sont plutôt positives mais beaucoup de gens ont encore peur. Mais évitons que les conséquences de cette peur soient pires que celles liées directement au virus.
Avez-vous eu, dans votre entourage, une personne touchée par le Covid-19?
Oui, une collègue de travail. Après cela, on a été mis en quarantaine à domicile. Et, depuis, je suis en télétravail.
Votre sentiment à ce sujet?
Je travaille dans l’informatique alors, au début, j’étais bien occupé, car il fallait tout mettre en œuvre pour que les collègues puissent travailler correctement depuis chez eux. Longtemps, on nous a dit que ce n’était pas possible, mais depuis trois mois, on s’aperçoit que non seulement ça l’est, mais qu’en plus ça marche très bien. De plus, par crainte de s’entendre dire que l’on ne fait rien sous prétexte d’être à la maison, on a même tendance à travailler encore plus qu’au bureau. Cela dit, même si la technique nous permet de nous réunir très vite en visioconférence, il faut préserver le contact social et les relations humaines.
Avez-vous tiré des enseignements positifs de cette expérience?
Beaucoup sont arrivés au même constat qui est de dire qu’il faut repenser notre façon de travailler et de consommer. On a tous appris à lever le pied et à rétrograder. Le télétravail, quand tu peux le faire, te permet d’organiser ta journée de manière plus flexible. De passer plus de temps avec tes enfants. Rien que le fait de ne pas prendre sa voiture pour aller tous les jours au travail, c’est une heure de gagnée.
Les conséquences économiques liées à celle-ci impactent-elles les finances du HB Esch?
Il y aura forcément un impact. Mais c’est encore trop tôt pour l’estimer. Il faudrait demander à Laurent (NDLR : Reinesch), qui s’occupe du sponsoring.
Il nous a justement redirigés vers vous…
(Il rit) Ah… Attendons de voir comment les choses évoluent ces prochaines semaines et mois pour y voir plus clair.
Pour des raisons économiques, Dudelange a décidé de ne pas se présenter sur la scène européenne. La question s’est-elle posée à Esch?
On a aussi connu des saisons difficiles. Une année, nous avions même renoncé à la Coupe d’Europe car on n’avait pas assez de joueurs… Toutefois, on a toujours fait en sorte d’y participer, ça te permet de gagner en visibilité et de te mesurer aux autres clubs européens. Et ce, même si, financièrement tu n’as rien à y gagner. L’année où l’on va en finale de la Challenge Cup, ça nous a rapporté… zéro euro! Pire, on a dû payer 3 000 euros de frais de participation pour la finale. Et, si je me souviens bien, c’était près de 5 000 pour la demi-finale. Oui, c’était plus cher car il y avait une histoire de rachats publicitaires. Enfin bref, je m’étais amusé à calculer le montant dépensé par l’ensemble des clubs, cette saison-là, durant la compétition et comme ceux-ci ne touchent rien, je m’interroge sur l’utilisation de cet argent. Pour plaisanter, on se demandait s’il ne servait pas à financer les play-offs des deux autres compétitions…
La saison 2020/2021 voit la mise en application de la nouvelle réforme des compétitions européennes. Qu’en pensez-vous?
Cette Ligue des champions qui passe de 28 à 16 équipes a des allures de ligue fermée. Avant, on pouvait espérer grâce au ranking, décrocher un billet pour le tour qualificatif, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Désormais, on a une place en Ligue européenne, compétition où le niveau va être beaucoup plus relevé qu’avant et ce en raison de la présence de clubs habitués à jouer la Ligue des champions (NDLR : 12 sont déjà assurés d’entrer en phase de poules). En football, le club champion d’un pays, même petit, a le droit, de jouer la Ligue des champions. Nous, on en est tout simplement exclu.
Sur le papier, par rapport à la saison dernière, vous n’aurez besoin de passer que deux tours, et non trois, pour vous qualifier pour la phase de poules de cette ligue européenne…
Au 1er tour, il y aura 40 équipes et le tirage au sort s’effectuera avec un système de têtes de séries. Alors, je préfère attendre de voir le tableau avant de me prononcer…
Notre objectif n’est pas de compter 25 titres de champion de Luxembourg mais de progresser à l’échelle européenne. Pour cela, on essaie de se professionnaliser
Si vous franchissez le premier obstacle, vous devriez jouer à la Coque…
Oui. Dans le nouveau cahier des charges que les clubs doivent remplir, il y a des choses complètement débiles. Comme par exemple devoir jouer, à partir du 2e tour, dans une salle d’au moins 5 000 places (NDLR : ce que prévoit l’article 5.2 du manuel technique concernant les salles). Si on passe le 1er tour, j’espère qu’on ne nous demandera pas de jouer à l’Arena, que le gymnase suffira… La saison dernière, j’ai vu des matches de poules de Ligue des champions se disputer dans des enceintes de 5 000 places aux trois quarts vides! Je ne comprends pas cette logique si ce n’est de privilégier les clubs les plus riches.
Depuis plusieurs saisons, vous ne cachez pas votre ambition d’intégrer la phase de poules de la Coupe EHF rebaptisée désormais Ligue européenne. Est-ce le moment?
Comme je l’ai dit, le niveau sera plus relevé. Les « poules », on aurait pu les intégrer la saison passée. On avait les moyens de battre Azoty-Pulawy et, au tour suivant, on aurait hérité d’un autre club polonais (NDLR : Gwardia Opole) moins bien classé. On a manqué une belle occasion. Cela dit, notre objectif n’est pas de compter 25 titres de champion de Luxembourg mais de progresser à l’échelle européenne. Pour cela, on essaie de se professionnaliser.
Combien de professionnels compte le HB Esch?
Six : Les deux Martin (Muller et Petiot), Moritz (Barkow), Petros (Boukovinas), Hugo (Figueira) et Miha (Pucnik). Ils ont tous en charge une équipe de jeunes. C’est un moyen de trouver des personnes disponibles et compétentes.
La saison prochaine, le championnat comptera dix clubs alors qu’il existe un projet de passer à une Axa League à 6 équipes pour rendre le championnat, comme l’a dit le président de la FLH Romain Schockmel, plus « professionnel ». Qu’en pensez-vous?
J’étais favorable à ce passage à dix équipes, car c’était l’option la plus juste. Nous sommes tous dans le même bateau. Le professionnalisme suggère un encadrement professionnel et chaque club devrait pouvoir compter sur un employé administratif engagé à temps plein ou à mi-temps. Tout part de là.
Entretien avec Charles Michel