Pour sa première apparition avec les Roud Léiwen, l’arrière droit croate de Dudelange Josip Ilic s’est frotté au Portugal avec l’ancien tricot du maître à jouer luxembourgeois, Christian Bock.
On s’est rendu mercredi soir à Crauthem pour assister à deux raretés. La première, la plus évidente, est bien évidemment ce Luxembourg – Portugal. Ce n’est pas tous les jours qu’une nation de ce standing (8e au classement européen) débarque au Grand-Duché. Une venue qui entre dans le cadre des festivités du 75e anniversaire de la FLH et dont le point d’orgue sera l’affiche, vendredi soir à l’Arena de la Coque, entre l’Allemagne et la Seleçao. En guise de mise en jambes, celle-ci s’est donc vu offrir comme sparring-partner une formation grand-ducale dont l’ambition se résumait à mesurer l’écart qui la séparait avec le gratin continental et donc mondial. Au final, le fossé est de 18 pions. Rien d’indigent au vu d’un adversaire qui ne compte que des professionnels dans ses rangs et dont certains sont habitués à se produire en Ligue des champions à l’image de Luis Frade (Barcelone).
La seconde «rareté» n’est autre que les apparitions en sélection de Milasin Trivic – déjà appelé lors du stage en juin à Rostock – et Josip Ilic qui, avant leur arrivée en 2014 à Esch, n’avaient sans doute jamais entendu parler du Grand-Duché. Sept ans plus tard, les voici tous deux sous le maillot de l’équipe nationale. Si le premier possède officiellement un passeport luxembourgeois depuis plus d’un an, le second a passé les différents examens et se trouve dans l’attente de la validation de son dossier. Celle-ci devrait se faire dans le courant du mois de décembre, juste à temps pour figurer sur la liste des joueurs retenus pour les qualifications du Mondial-2023 aux îles Féroé. Un joli cadeau d’anniversaire pour celui qui fêtera ses 33 ans le 27 janvier. Petite précision, cette fameuse liste doit être envoyée à la fédération européenne le 20 décembre au plus tard.
Ça fait sept ans que je vis au Luxembourg. Ma vie est ici
Avant hier, l’équipe nationale ne compta jusqu’à l’heure qu’un seul joueur naturalisé dans son histoire en la personne de Chris Auger. Contrairement à Trivic et Ilic, celui-ci avait pu faire valoir sa filiation par ses aïeux. Le Serbe et le Croate auront donc dû faire preuve de patience et de volonté. D’ailleurs, quelles furent les raisons de cette demande de naturalisation ? Pour Milasin Trivic, la perspective d’évoluer en sélection a toujours constitué un moteur. «Ce serait une fierté», rappelait-il régulièrement alors que sa demande était toujours en cours et qui avait pris un peu de retard à cause de la crise du Covid-19. On se souvient d’ailleurs de son sourire lorsqu’il vint nous voir pour nous annoncer la bonne nouvelle : «C’est bon, c’est officiel, je suis luxembourgeois !»
Josip Ilic, lui, assure que la perspective d’évoluer en équipe nationale ne constituait pas sa motivation première. Que celle-ci puisait ses racines dans le désir de s’implanter durablement au Grand-Duché. «Ça fait sept ans que je vis au Luxembourg, ma vie est ici», déclare celui qui, il y a un peu plus d’un an, avait vu Romain Schockmel, le président de la FLH, lui glisser ceci à l’oreille : «Dis, tu ne voudrais pas demander ta naturalisation et jouer pour le Luxembourg ?» Cette suggestion, relayée par Nikola Malesevic qui est aussi son entraîneur à Dudelange, a fait son petit bonhomme de chemin. Un chemin qui le poussa, durant un an, à suivre deux fois par semaine des cours de luxembourgeois. Mardi soir, l’arrière droit du HBD ne cachait pas sa joie à l’idée de revêtir le maillot luxembourgeois. «Jouer pour une sélection, c’est quand même quelque chose… C’est un honneur», dit-il tout en jetant un regard bienveillant sur cette sélection qui se trouve en période de reconstruction.
Ou de transition. «C’est une belle équipe. Il y a des éléments d’expérience comme Auger ou Muller et d’autres qui ont l’avenir devant eux comme Rastoder, Guden ou Schuster», déclare-t-il tout en assurant ne pas vouloir se contenter d’une simple pige : «Je ne suis pas là pour prendre la place de quelqu’un, mais je suis à la disposition du sélectionneur. Combien de temps j’espère jouer ? À mon niveau actuel, encore au moins deux ou trois ans.» Pour l’heure, avec 36 buts en sept journées d’AXA League, soit une moyenne de 5,14 buts par match, Ilic est le quatrième meilleur buteur du championnat. Le premier… luxembourgeois. Hier soir, il n’a trouvé qu’à deux reprises le chemin des filets. «Il faut encore travailler les automatismes avec mes partenaires. Après, en face, c’est du très, très haut niveau», déclarait après la rencontre un Josip Ilic admiratif devant la finesse technique des Portugais.
Présent en tribune, Christian Bock, ancien demi-centre de la sélection, interpelle avec humour Ilic qu’il retrouve sur les courts de tennis : «Le 14, c’est mon maillot !» L’arrière droit nous regarde, amusé, mais un peu gêné tout de même : «Ce n’est pas mon numéro, d’habitude en club je porte le 19 et c’est celui-là que j’aurais dû avoir. Je ne sais pas pourquoi j’ai hérité du 14. Mais promis, vendredi, je ne porterai plus le 14…» À peine arrivé, mieux vaut éviter un crime lèse-majesté…
Charles Michel