(AXA League, 2e journée, match en retard) Petrit Cakaj vit sa neuvième saison aux Red Boys où on lui a confié les clés de la réserve et le poste de manager de l’équipe première.
Surtout, si vous faites un article sur moi, n’oubliez pas de préciser que Gast Seil, John Scheuren et Patrick Reder ont beaucoup fait pour moi, pour mon intégration ici au Luxembourg. C’est grâce à eux si j’en suis là aujourd’hui.» Petrit Cakaj (prononcez sakaille) n’est pas frileux. Tout juste craint-il d’oublier quelqu’un au sein d’un club qu’il perçoit comme sa «deuxième maison». «Il y est tout le temps!», confie Chris Auger.
Arrivé cet été à Differdange, l’international luxembourgeois a découvert un personnage. «Je connaissais le joueur, son côté « bagarreur », volontaire qui a toujours la même motivation, peu importe sous quel maillot il joue. Là, j’ai découvert quelqu’un d’autre…» Attachant, enthousiaste et généreux, le natif de Tirana a «le cœur sur la main», dixit le gardien un brin amusé par cette fougue qui, parfois, débouche sur des situations un peu surréalistes.
Confidence du portier differdangeois : «Parfois, il tombe comme un cheveu sur la soupe. Tiens, par exemple, on peut être en train de parler tactique et il arrive : « eh, au fait, j’organise un barbecue, je compte sur vous les gars! » Petrit a le défaut de ses qualités : quand tu veux trop donner, parfois tu es hors contexte. Mais c’est drôle! En tout cas, c’est le bénévole que tout club rêve d’avoir…»
«S’il y a le moindre problème»
Titulaire du diplôme C d’entraîneur, Petrit Cakaj prépare le B sous l’œil attentif de Dominique Gradoux, responsable de la section jeunes au sein du club. Responsable de l’équipe réserve, composée en grande majorité d’éléments de moins de 20 ans, Petrit Cakaj est aussi, depuis cette saison, manager de l’équipe première. Poste légué par Patrick Reder, devenu officiellement, samedi, vice-président lors de l’assemblée générale du club, à la suite du décès de l’ancien président, John Scheuren.
«Je suis vraiment très heureux et honoré que Monsieur Reder m’ait fait confiance.» Sa mission, il entend la mener à bien. Mais quelle est-elle concrètement? «Je m’occupe de tout ce qui tourne autour de l’équipe», déclare celui dont le rôle pourrait tenir en un mot : médiateur. «S’il y a le moindre problème, un joueur peut venir me voir, je suis là pour ça», assure l’intéressé, ravi de l’ambiance qui règne au sein de l’effectif : «Les recrues se sont parfaitement adaptées, on a l’impression qu’elles sont là depuis plusieurs saisons, ça fait plaisir à voir.»
Des fois, il descend de la voiture alors qu’elle roule encore…
Arrivé au Grand-Duché en 2008 en provenance de Vushtrri, ville située entre Mitrovica et Pristina la capitale, cet «Albanais du Kosovo» passe trois saisons comme professionnel à Pétange avant de mettre le cap successivement sur Strassen, Differdange, Berchem puis de revenir, en 2016, aux Red Boys dont c’est actuellement – en tout et pour tout – la neuvième saison.
«Ma situation a vraiment commencé à se stabiliser quand je suis arrivé ici à Differdange. Et ce, grâce à John Scheuren, qui était comme un deuxième papa. Il m’a permis de travailler au CIGL (NDLR : centre d’initiative et de gestion local de Differdange) et de m’installer», confie celui qui, pour des raisons administratives liées à la situation de son pays, dut attendre sept mois avant de pouvoir tenir sa fille pour la première fois dans ses bras.
«Lors des six premiers mois, j’aurais pu rentrer, mais je n’aurais pas pu revenir», dit celui qui, durant cinq ans, ne verra sa fille qu’«une semaine tous les deux mois». Les deux dernières, Tiara (11 ans) et Doa (3), ont vu le jour dans la Cité du fer.
Le Kosovo, il y retourne régulièrement pour rendre visite à ses parents et sa sœur. Une terre dont il garde des souvenirs douloureux. «Parfois, quand je vois des documentaires ou des images de ce qui se passe en Syrie, ça me fait mal au cœur», confie celui qui dit avoir «appris le français au contact des troupes françaises» et se souvient de ces trois mois durant lesquels lui et les siens restèrent cloîtrés dans une cave à l’abri des bombes et des rafles des troupes serbes. «Plusieurs cousins sont morts. On n’a jamais retrouvé leur corps…»
«Il donne tout ce qu’il a»
Aujourd’hui, si sa vie est ici, à Differdange, celui qui a fait sa demande de naturalisation n’oublie pas ce petit pays des Balkans («qui compte quand même des champions du monde en judo») et cette ville de Vushtrri où il a fait parvenir, avec l’aide des Red Boys, «une centaine de maillots et des shorts» à son ancien club. «Chez Petrit, le côté humain est très important. Il donne tout ce qu’il a, déclare Auger. La dernière fois, Dominique (Gradoux) passe à la maison. Je lui propose un café, il me dit « oh non, je reviens de chez Petrit, je n’en peux plus… »»
L’ancien sélectionneur de l’équipe nationale et directeur technique national de la FLH ne cache pas son affection pour ce «Monsieur 100 000 volts» qui, parfois, «descend de la voiture alors qu’elle roule encore». «Il veut aller vite, trop vite, s’amuse le Français. Il doit apprendre à donner du temps au temps. Et qu’il profite donc d’être à la tête de l’équipe réserves pour faire de la formation. Le titre, on s’en fout. Et ce, pour la simple raison qu’un jour, il pourrait être amené à prendre plus de responsabilités dans la formation.»
Charles Michel