Arrivé à l’été 2019, l’entraîneur français a décidé de ne pas poursuivre l’aventure aux Red Boys. Un choix mûrement réfléchi.
Sur le cliché, debout aux côtés de Max Kohl, Charly Plantin et Swan Lemarié, Sylvain Brosse n’a pas l’air très à l’aise. Dans une main, un bouquet de fleurs, dans l’autre, une bouteille de Bernard-Massard. Une vraie tête d’enterrement. Dès son arrivée, à l’été 2019, certains l’avaient pourtant prévenu, la durée de vie d’un entraîneur sur le banc des Red Boys excède rarement les deux ans. C’est vrai, quelques semaines après son arrivée, John Scheuren, le président du club, affirmait voir en lui l’homme idoine, capable de développer et stabiliser un club incapable, ou? trop rarement, de tenir son rang de candidat au titre. Lors de son entretien avec Brosse, le président differdangeois lui fit part de son désir de s’attacher les services d’un technicien «pour 3-4 ans (…) et susceptible ensuite de prendre d’autres fonctions. Le but étant de trouver quelqu’un capable de développer la structure autour des jeunes». Début 2020, le conseiller sportif et technique de la Ligue Grand Est apprend par la presse l’arrivée de Dominique Gradoux, en charge de la formation des équipes de jeunes. Lui et l’ancien sélectionneur du Luxembourg se connaissent pour être originaires tous deux de Meurthe-et-Moselle et de s’être souvent croisés sur les parquets. Mais voilà, cela faisait toutefois bien longtemps que les deux hommes ne s’étaient plus parlé. Mais au-delà de ça, la manière interpelle.
Revenons à septembre 2019 et au discours des deux parties. À les entendre, ce mariage ne pouvait que fonctionner. Le club s’était doté d’une belle équipe tandis que le nouvel entraîneur désirait deux choses : «Créer un groupe, car s’il y a un groupe, ça marchera. Pas forcément tout de suite, mais ça marchera. Et travailler sur la durée, car cette notion de durée est primordiale.» Moins de deux ans plus tard, Sylvain Brosse quitte donc un club sans être parvenu à le développer ni à le stabiliser. Pour preuve, sa définitive et indigne 5e place en play-off titre. À croire que quelque chose subsiste en son sein qui dépasse la raison. Quoi? On ne saurait vraiment trop dire, mais force est de constater que si joueurs et entraîneurs passent, certains sont bien vissés à leurs sièges.
Mon départ résulte de la conjonction de plusieurs petites choses dont deux principales…
En parlant de siège, c’est dans celui de passager qu’il annonça, mardi 18 mai, sa décision à Patrick Reder. De retour de sa convocation par la commission de discipline – il écopa de deux matches de suspension pour insultes proférées à l’égard de Lentz l’un des deux arbitres de la finale de Coupe de Luxembourg perdue contre Berchem – Brosse confie au manager differdangeois que «c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase». Faux. Au soir de la finale de Coupe, on le vit quitter précipitamment la Coque en clamant assez haut : «C’est bon, cette fois je me casse !» Bref, pour remplir un vase, il en faut des gouttes d’eau…
Contacté en ce lundi de Pentecôte, Sylvain Brosse n’était pas d’humeur à ressasser le passé. Ni à savonner un parquet qu’il ne foulera plus. «Mon départ résulte de la conjonction de plusieurs petites choses dont deux principales, explique-t-il. La première, c’est qu’en deux ans, on n’a pas gagné un seul trophée. Et quand ça ne marche pas comme je veux, je préfère partir. La seconde, c’est qu’à 62 ans, je ne me vois pas encore faire cinq fois par semaine le trajet une année de plus. Ça me fait quand même 2 h 30 à chaque fois. Et avec mes problèmes de dos, je le ressens… Et puis, malgré mon âge, je bosse toujours pour la fédération.» Un rythme qu’il n’a pas véritablement connu cette saison en raison des multiples coupures liées à la crise du Covid-19.
Quand on lui demande quels souvenirs il gardera de son expérience au Grand-Duché, Sylvain Brosse estime qu’il y a encore «beaucoup de boulot à faire pour faire avancer le handball luxembourgeois». Pour lui, «il est impératif d’intensifier la formation des entraîneurs, car j’ai vu trop de jeunes avec un vrai déficit technique et tactique, mais aussi celle des arbitres»… A-t-il des regrets? «J’en ai deux : ne pas avoir bien géré les « trêves Covid » et ne pas avoir su gérer l’absence des sept internationaux, la saison dernière. Cette saison, vu l’effectif, il était illusoire de croire au titre, mais la saison précédente, c’était possible…» Au moment de conclure, il ajoute : «Je reviendrai de temps en temps voir quelques matches. J’ai quand même rencontré des gens sympas.»
Non, ce ne sera pas Scheubel…
La question de la succession de Sylvain Brosse est donc ouverte. Et, à vrai dire, on n’a pas attendu l’officialisation du départ du technicien français pour qu’elle le soit. Ainsi, cela fait plusieurs semaines déjà, et plus exactement depuis l’annonce de sa décision de ne pas poursuivre l’aventure à Berchem, qu’une rumeur fait d’Alexandre Scheubel le futur entraîneur differdangeois. Sur le papier, c’est évident, le technicien français coche toutes les cases. Jeune, ambitieux, auteur de deux très belles saisons à la tête de la formation du Réiserbann, il pourrait incarner l’avenir d’un club au sein duquel il ne serait pas en terre inconnue puisqu’il y retrouverait un certain Dominique Gradoux qui l’a entraîné au Creps de Lorraine. Mais voilà, ce lundi, le principal intéressé mettait fin à tout suspense. Entraîneur des équipes U14 et U16 à la fédération, coordinateur du projet LTAD (développement de l’athlète sur le long terme), Alexandre Scheubel affirme qu’il ne succèdera pas à Sylvain Brosse. «C’est vrai que ça aurait pu être intéressant, concède-t-il. Mais, finalement, je ne vais pas rebondir tout de suite. J’ai besoin d’une petite pause.» Sur le marché luxembourgeois, en tête de liste, il y a bien sûr André Gulbicki. Mais voir ce dernier débarquer à Differdange au vu de sa relation plutôt tendue avec Dominique Gradoux relève de la fiction. À moins qu’une fois encore, la réalité ne finisse pas la dépasser…
Charles Michel