Avec le temps, le gardien grec s’est bonifié au point d’être le n° 1 au HB Esch, où il est arrivé en 2017, et en sélection. À 27 ans, il rejoindra cet été l’AEK Athènes. Explications.
Rentrer pour mieux repartir. Dans notre édition de mardi, nous annoncions le départ cet été de Petros Boukovinas. En fin de contrat au HB Esch dont il porte les couleurs depuis quatre saisons, le gardien a décliné la proposition de prolongation formulée par le club du président Jos Theysen pour finalement s’engager avec l’AEK Athènes. Pour ce natif de Thessalonique, ce retour au pays n’est que temporaire. Pas plus d’une saison dans le meilleur des cas. Un aller non sans retour pour celui qui rêve d’aller haut. Très haut.
Chez les Boukovinas, travail et ambition sont les maîtres mots. Si Angeliki, la mère, était secrétaire dans une société de tabac, Ioannis, le père, est un éminent oncologue, président d’ailleurs de la société hellénique d’oncologie. Katerina, la sœur, réside quant à elle à Londres et occupe le poste de project manager au sein du groupe pharmaceutique Pierre Fabre. Petros aurait pu, lui aussi, flirter avec le milieu médical, mais après trois années, il laisse de côté ses études en chimie pour… le handball. À l’annonce de la nouvelle, Ioannis a bien du mal à avaler la pilule. «Ça a été un peu compliqué, c’est vrai…, confirme le gardien eschois. Il me restait une quatrième et dernière année d’études pour valider mon diplôme, mais ce n’était pas compatible avec une carrière de handballeur professionnel.»
L’AEK est un tremplin qui doit me permettre la Bundesliga ou la Lidl Starligue
Après un passage au centre de formation de Kalamari, un autre au YMCA de Thessalonique puis au PAOK Thessalonique – avec qui il réalise le doublé Coupe-championnat – il arrive à Filippos Verias sous le maillot duquel il hume, à l’automne 2016, le parfum de la Coupe d’Europe. Une Coupe EHF, une sortie au 2e tour des qualifications devant les Polonais du Gornik Zabrze. L’été suivant, par l’intermédiaire de Nikos Dourouklakis, son agent, il s’engage avec le HB Esch. Bien qu’Alexandros Vasilakis le prenne sous son aile, sa première saison se révèle bien mitigée. Ses prestations, insuffisantes, lui valent de rester sur le banc dont il ne sort que de manière trop sporadique pour chatouiller l’expérimenté Rajko Milosevic. «Dans l’équipe, tout le monde parlait allemand, moi non. Heureusement, Alexandros était là pour traduire. On passait beaucoup de temps ensemble et ça m’a permis de parler un peu. Ces deux dernières années, j’ai pris des cours de langue à l’université de Belval et, aujourd’hui, je parle allemand couramment…» Une langue de plus après le grec, l’anglais et le français appris lors de son passage à l’École (privée) franco-hellénique de Kalamari de Thessalonique.
La maîtrise de la langue de Molière pourrait lui être utile le 27 avril prochain à l’occasion de la réception de la France que la Grèce s’en ira défier chez elle le 2 mai lors de la deuxième phase de qualification de l’Euro-2022. Cinq ans après sa première apparition en équipe nationale, le 7 janvier 2016, et une victoire en Ukraine («J’avais été élu MVP»), Petros Boukovinas est titulaire en sélection – tout comme en club – depuis deux saisons. Un laps de temps où lui et sa bande se sont offert le luxe de faire chuter, le 28 octobre 2018, la Macédoine du Nord (28-26) de Kiril Lazarov (!) et de tenir tête, le 12 juin 2019 en qualifications de l’Euro-2020, à l’Islande (28-28).
Alors, cette décision de rejoindre l’AEK Athènes est-elle une bonne chose? «Stamatis Papastamatis, son président, rêve de faire de l’AEK un grand club européen. Pour l’heure, le budget est de 1,2 million d’euros, tous les joueurs sont professionnels et une nouvelle salle va être construite», explique Boukovinas, pour qui cela ne fait pas l’ombre d’un doute. «C’était une belle occasion à saisir, car si, dans son ensemble, le niveau du championnat grec est comparable à celui de l’AXA League, les trois premières équipes sont un cran au-dessus.» Pour preuve, demi-finaliste en 2018 et finaliste en 2019, l’AEK Athènes est cette fois le grand favori à la victoire finale en European Cup, l’ancienne Challenge Cup. Là-bas, il retrouvera un visage familier, puisque, à la tête de l’Aigle à deux têtes, on retrouve l’ancien entraîneur de Käerjeng (mars 2017-février 2018) Dimitris Dimitroulias. «Pour moi, conclut Petros Boukovinas, l’AEK est un tremplin qui doit me permettre d’intégrer la Bundesliga ou la Lidl Starligue. En attendant, je suis encore à Esch et il reste une saison à finir. Et peut-être un doublé à réaliser…»
D’ici là, il suit des cours à distance en psychologie auprès de l’université de Limassol (Chypre). «Même si je compte jouer jusqu’à 40 ans, un jour il me faudra tourner la page, mais je resterai dans le milieu du handball. Et des connaissances en psychologie peuvent me servir.» Avec le temps, Boukovinas pourrait devenir un bon cru…
Charles Michel