Mis à l’écart par Käerjeng après une altercation avec plusieurs coéquipiers, Tommaso Cosanti s’est engagé avec Dudelange, dont il portera pour la première fois les couleurs ce samedi… au Um Dribbel.
Enquêteur au sein de la section criminelle de la police judiciaire, Tommaso Cosanti est un habitué des scènes de crime. Ce samedi, au Um Dribbel, il reviendra sur les lieux d’un drame qui n’aura fait couler ni sang ni larmes, mais de la bave et un peu d’encre. Les faits remontent au 17 novembre. Un peu avant 22 h, battus par Berchem (32-33), les Bascharageois rentrent la tête basse au vestiaire. Après Esch (33-32), Dudelange (29-28) et les Red Boys (30-31), c’est le quatrième revers de la saison essuyé sur le plus petit écart. C’en est trop pour Cosanti. Désigné capitaine en début de saison après le départ de Chris Auger, l’international luxembourgeois voit dans cet énième scénario identique le reflet d’un manque d’investissement d’une partie du groupe. La tension d’après-match et la promiscuité du lieu ne feront que galvaniser cette colère qu’il ne peut contenir. S’ensuit alors une altercation verbale avec Alexandre Hotton et Pierre-Yves Ragot. Jusque-là, rien d’exceptionnel. Ces scènes fourmillent et pimentent la vie d’un vestiaire. Mais voilà, une fois les reproches et invectives formulés, insultes et menaces sont proférées. Un «racaille made in France» est lâché. Sommé, dès le lendemain, de s’excuser auprès de ses équipiers, Cosanti refuse. 48 heures après les faits, il est suspendu par son club jusqu’à nouvel ordre. Cet hiver, il décide de changer d’air et s’engage avec Dudelange. Ses débuts sous son nouveau maillot, il les effectuera donc ce samedi au Um Dribbel. Plus que jamais, la parole est à la défense…
Appréhendez-vous ce retour à Käerjeng ?
Tommaso Cosanti : Bien sûr… Au club, j’y étais depuis sept ans et j’en suis sorti par la petite porte. Mais j’y vais sans aucun ressentiment. Je n’ai aucun compte à régler.
Vous avez choisi de quitter Käerjeng pour rejoindre Dudelange…
(Il coupe) Non. Comme j’ai pu l’expliquer dans un message sur Facebook, j’ai quitté le club non par choix, mais parce que l’entraîneur m’a écarté du projet.
Yérime Sylla vous avait proposé de faire une pause jusqu’à février-mars…
Quand, dans un couple, l’un des deux dit « ce serait bien de faire une pause », c’est rarement pour se remettre ensemble… Je trouvais qu’au vu de ce que j’avais donné pour ce club, je méritais peut-être davantage de considération. Il y a bien eu une tentative de leur part de faire marche arrière, mais c’était trop tard.
Revenons, si vous le voulez bien, à votre déclaration à l’origine de votre mise au ban : « racaille made in France ». Comprenez-vous qu’elle ait pu choquer ?
Je peux le comprendre, mais je tiens d’emblée à préciser une chose : quand je dis cela, il n’y a absolument rien de raciste. Ceux qui me connaissent le savent très bien et, d’ailleurs, j’ai de très bons rapports avec Yacine (Rahim) et Miroslav (Rac), pour ne citer qu’eux.
C’est quoi être professionnel, partir à l’étranger et faire quinze clubs en dix ans ?
Dans la vie, vous travaillez à la section criminelle de la police judiciaire. Que cela vous fait-il de vous retrouver dans la peau du méchant ?
Enfant, j’adorais regarder les films policiers avec Al Pacino, Robert De Niro, etc.
Connaissez-vous cette fameuse réplique tirée du film Le Bon, la Brute et le Truand qui dit : « Dans la vie, tu fais le moine ou le bandit… »
(Il rit) Oui, ça s’est joué à peu de chose, c’était du 50-50… Pour en revenir à cette étiquette de méchant, je dirais juste que lors de cet épisode, j’avais en face de moi une équipe au sein de laquelle s’étaient formés différents clans.
Dans toute équipe, des groupes peuvent se former en fonction de la langue, de la culture. Il n’y a rien d’étonnant à cela…
C’est vrai. Mais je constate que tous ceux qui me sont tombés dessus font partie de ce même petit groupe.
Certains de vos anciens partenaires estiment que vous n’aviez pas la crédibilité suffisante pour vous adresser à des joueurs qui ont connu, eux, le professionnalisme. Que leur répondez-vous ?
Pour répondre à cette question, j’en poserais une autre : c’est quoi être professionnel, partir à l’étranger et faire quinze clubs en dix ans ? Jouer en N1 française dans une équipe qui ne ferait pas le poids contre Käerjeng ? À mon avis, mais ce n’est que mon avis, être professionnel, c’est avant tout un état d’esprit. À Käerjeng, des professionnels pour qui j’ai un profond respect, ils ne sont pas nombreux : il y a Vladi (Temelkov) et Zoran (Radojevic). Eux ont une vraie carrière et ont encore, malgré leur âge, une vraie attitude de pro par leur sérieux et leur investissement. Quant à ceux qui parlent de ma crédibilité, je répondrais que j’ai pris part à la plus belle époque de Käerjeng, celle de Riccardo Trillini.
Je ne porterai plus le maillot de Käerjeng, mais peut-être qu’un jour, j’y retournerai dans un autre rôle
Vous avez une relation fusionnelle avec l’actuel sélectionneur de l’Italie. Qu’avait-il de si particulier à vos yeux ?
Très vite, Riccardo a compris les spécificités du handball luxembourgeois et les spécificités qui étaient les siennes. Il m’a fait venir de Pétange. Au bout de deux mois, je ne jouais pas. Je vais le voir et lui dis que je ne comprends pas pourquoi il ne me fait pas jouer. Il me répond : « Tu es meilleur que ce mec-là ? Non. Et tu t’entraînes plus que lui ? Non. Bon, quand tu t’entraîneras vraiment, tu pourras prétendre jouer… » Ce « mec-là », c’était Francesco (Volpi). À partir de ce jour-là, en plus des entraînements collectifs, j’allais trois fois par semaine au CK Sport Center d’Esch pour des séances de musculation.
Comment trouviez-vous le temps ?
Cette question me permet de revenir à cette notion de professionnalisme. Cela dépendait de chacun. Certains y allaient le matin, d’autres entre midi… Mais au final, les lundis, mercredis et vendredis, une dizaine de joueurs se retrouvaient pour la séance de muscu avec Riccardo. Il nous a transmis la niaque. Et c’est aussi ce qui explique nos succès avec lui. De 2014 à 2018, Käerjeng a remporté deux titres de champion et deux Coupes de Luxembourg. Sur cette période, c’était le plus grand club du pays.
Au XXIe siècle, le plus grand reste incontestablement le HB Esch…
Oui, et sur quoi repose son succès ? D’abord, il faut quand même rappeler que, par sa démographie, Esch part déjà avec un avantage par rapport à Bascharage, qui est un village. Pour le reste, à Esch, les gars s’entraînent plus qu’ailleurs. Regardez la progression en l’espace de deux ans d’un Felix Werdel, c’est formidable ! Mais elle n’est pas tombée du ciel.
Et à Dudelange, comment s’entraîne-t-on ?
Bien. Très bien même! À l’entraînement, il y a un réel engagement de la part de tous les joueurs. Même de la part de ceux qui n’ont pas forcément un temps de jeu important. Sur les un contre un, ça va à 200 à l’heure… Pour être honnête, j’étais complètement à la ramasse lors des premières séances. Bon, à ma décharge, ça faisait deux ans que je n’avais pas vu ça.
La présence de Nikola Malesevic a-t-elle pesé dans votre choix de rejoindre le HBD ?
Son appel, début décembre, a été déterminant. On a beaucoup échangé et il m’a convaincu. Il attache beaucoup d’importance à la défense et ça me plaît.
Un secteur déjà bien fourni avec Mario Anic, Francesco Volpi, Dan Mauruschatt…
Oui. Il y a de quoi faire de belles choses. D’autant que j’ai vraiment eu un super accueil de la part de toute l’équipe.
À quel accueil vous attendez-vous ce samedi ?
Pour moi, tout ce qui s’est passé, c’est de l’histoire ancienne. Je ne suis pas rancunier et je serrerai la main de tout le monde. Comme joueur, je ne porterai plus le maillot de Käerjeng, mais peut-être qu’un jour j’y retournerai dans un autre rôle. On verra. Une chose est sûre, samedi, une seule chose comptera pour moi : Dudelange.