Parti en 2017 après quatre saisons riches d’un titre de champion et de deux Coupes de Luxembourg, Riccardo Trillini rêvait d’un retour à Käerjeng cet été. La fédération italienne a mis son veto.
Son fantôme rôde toujours dans les couloirs du Um Dribbel et force est de constater qu’aucun de ses «successeurs» n’a eu d’aura suffisamment grande pour le supplanter dans l’esprit et les cœurs. Ni Dejan Gajic ni Miodrag Jelicic, averti qu’il ne serait pas en charge de l’équipe première la saison prochaine. Premier technicien à conduire l’équipe masculine au titre de champion (2014), Riccardo Trillini jouit d’une incomparable cote de sympathie au HB Käerjeng où, après une saison aux allures de chemin de croix à laquelle le Covid-19 mit fin, dirigeants et cadres du vestiaire se prirent à espérer un retour du «Maestro».
Le dialogue, jamais rompu entre les différentes parties, s’est intensifié ces dernières semaines. Sous contrat jusqu’en août 2021 avec la fédération italienne, où il occupe les fonctions de sélectionneur et de directeur technique national, Riccardo Trillini fit part aux responsables fédéraux de son souhait de retrouver son ancien club tout en poursuivant sa mission à la tête de la Squadra Azzurra. Mais la FIG a opposé un refus définitif. Depuis Cingoli où il réside, le technicien évoque ce non-retour et ses liens privilégiés avec Käerjeng.
La rumeur de votre retour à Käerjeng, qui n’a jamais cessé d’exister depuis votre départ à l’été 2017, a pris un peu plus d’épaisseur ces dernières semaines. Qu’en est-il exactement ?
Riccardo Trillini : Dès janvier, la question de mon retour s’est posée. Avec le club, il n’a jamais été question d’argent. J’avais simplement envie de revenir mais je n’avais pas envie, non plus, de quitter la sélection nationale. C’est quand même un grand honneur d’être l’entraîneur de l’Italie. À mes yeux, les deux fonctions étaient compatibles. D’ailleurs, je n’aurais pas été le premier à me retrouver dans cette situation. D’autres l’ont fait avant moi, comme Dragan Djukic qui dirigea le Vardar Skopje et la Macédoine (2003/2004) puis Szeged et la Grande-Bretagne (2009/2010) ou bien encore Lino Cervar, entraîneur de Conversano et de la Croatie (2002-2004). Cela ne l’a pas empêché d’être champion du monde! Plus tard, il se chargea du Metalurg et de la Macédoine (2016/2017). Récemment, on a vu Emmanuel Mayonnade être lui aussi sacré champion du monde avec l’équipe féminine des Pays-Bas tout en étant entraîneur de Metz… Enfin, ceci étant, le président a dit non. Ce refus constitue une grande déception, mais c’est comme ça.
Je constate que je suis avant tout un coach
Comment imaginiez-vous, sur un plan pratique, ce cumul de fonctions ?
Je serais venu avec un assistant, Luca Galluccio, très intéressé à l’idée de me suivre à Käerjeng et que j’envisage d’intégrer en équipe nationale. Sa présence m’aurait permis de me dégager un peu de temps pour mon travail avec la sélection. Après, il aurait sans doute été préférable que je cède mon poste de DTN, d’autant que depuis cette année, je suis également en charge de la formation des entraîneurs à la suite de la démission de Domenico Tassinari.
Ce retour à Käerjeng vous aurait permis de renouer avec le travail au quotidien. Cela vous manque-t-il ?
Qu’on soit bien d’accord, je suis très heureux d’être entraîneur de l’Italie mais, après trois ans, je constate que je suis avant tout un coach. Et pas un DTN. Quoi qu’il arrive, en août 2021, ma priorité sera de retrouver un club.
Votre contrat avec la fédération italienne arrivera à échéance. Avez-vous déjà évoqué avec Käerjeng un éventuel retour à cette date ?
Non et en un an, il peut se passer beaucoup de choses. D’ici là, le club aura vécu une saison avec un nouvel entraîneur, moi j’aurai disputé la deuxième phase qualificative de l’Euro-2022 qui débute en novembre. On ne sait pas encore dans quel groupe on tombera, mais on sait déjà que ce sera difficile.
Avez-vous été approché par un club professionnel ?
J’étais en contact avec Cherbourg (NDLR : Proligue). On n’était plus que deux candidats, mais, finalement, le club a opté pour un entraîneur français (NDLR : Frédéric Bougeant, ex-vainqueur de la Coupe EHF avec Rostov). Alors, que se passera-t-il dans un an ? En fait, ça aurait été la saison idéale. Après, je ne sais pas. Peut-être qu’une proposition de Proligue ou d’Asobal me parviendra…
C’est mon 72e jour de confinement, mais je ne peux pas dire que je suis inactif
Parlez-nous un peu de votre aventure avec la Squadra Azzurra…
L’équipe progresse. Lors des qualifications de l’Euro-2020, on avait fini troisième de notre groupe derrière la Hongrie et la Russie mais devant la Slovaquie qu’on avait battue deux fois ! Quatre points, c’est le maximum qu’on pouvait faire. Battre la Russie ou la Hongrie relève de l’impossible pour une équipe comme l’Italie. À côté de ça, on commence à avoir des joueurs qui évoluent à l’étranger. Comme Andrea Parisini (Istres/Fra), Davide Bulzamini (Nice/Fra), Gianluca Dapiran (Logrono/Esp), Domenico Ebner (TSV Hannover-Burgdorf/All) ou bien encore Marco et Simone Mengo, les jumeaux formés à Montpellier. L’un a signé à Billère et l’autre à Cesson.
Comment vivez-vous cette période d’inactivité en raison du Covid-19 ?
C’est mon 72e jour de confinement, mais je ne peux pas dire que je suis inactif pour autant. C’est sûr qu’il n’y a pas de stage avec la sélection mais le travail de bureau, je peux le faire à la maison, donc pour ça, ça ne change pas grand-chose. Et puis, on a fait 80 heures de cours en ligne ! Enfin, ce sont des conférences auxquelles a par exemple participé David Degouy, l’assistant de Patrice Canayer à Montpellier. Pour en revenir à ce coronavirus, je ne suis pas sûr que le handball reprenne en septembre…
Vous êtes donc plutôt sceptique…
En football, les joueurs vont devoir respecter des règles très strictes et être contrôlés tous les quatre jours. Vous imaginez l’organisation que cela représente ? Pour le football, c’est déjà quelque chose de très contraignant mais pour le handball, c’est tout simplement irréalisable. Tant qu’il n’y aura pas de vaccin, ça va être compliqué. Est-ce qu’on en aura un ? D’après ce qu’on entend en Italie, il n’y en aurait pas. Par contre, un traitement à base de plasma serait à l’étude… Et puis, il y aurait un risque aussi pour que le virus mute.
Au Luxembourg (…) vous pouvez croiser vos adversaires en faisant vos courses
Revenons à Käerjeng. Comment expliquez-vous ce lien entre vous et le club ?
Quand je suis arrivé, à Bascharage et au Luxembourg en général, on se demandait ce qu’allait bien pouvoir apporter un Italien… Et j’ai surpris tout le monde par mon engagement et mon sérieux qui m’ont permis, dès la première saison, d’offrir à l’équipe masculine le premier titre de champion de son histoire. À cela se sont ajoutées deux Coupes. Et dans un championnat aussi serré que celui-ci, ce n’est pas rien. J’étais surpris du niveau de jeu. Le Luxembourg, c’est quand même un tout petit pays et Bascharage, qui est une sorte de village, arrive à être champion. Champion d’un petit pays où le handball ne se joue que dans sa moitié sud…
Vous êtes resté proche de certains joueurs, mais aussi des dirigeants. Quand avez-vous eu pour la dernière fois Marc Sales au téléphone ?
(Il rit) Ce matin (vendredi). Mais on n’a pas parlé de handball. Il me racontait les conséquences économiques de la crise du Covid-19 et me disait qu’il travaillait en ce moment 24 h/24. On est toujours resté en contact. Par exemple, en 2018, un an après mon départ, les membres du comité sont venus chez moi pour faire leur dernière réunion de la saison. C’est ici, dans ma maison, qu’ils ont préparé la suivante.
Au-delà de votre relation avec Käerjeng, on a l’impression que vous avez tissé de vrais liens avec le Luxembourg. On se trompe ?
La spécificité géographique du Luxembourg fait que vous pouvez croiser vos adversaires en faisant vos courses, en allant au théâtre ou au cinéma. Et cela permet de discuter, d’échanger et de s’apercevoir que la notion de rivalité entre les clubs n’est rien comparée à celle qui existe en Italie. Ici, un club rival est perçu comme un ennemi… Au Luxembourg, il m’est arrivé de parler longuement avec Sacha Pulli ou Martin Muller et, pourtant, ils m’en ont fait du mal (il rit)…
Entretien avec Charles Michel