Le champion national n’a pas pu suivre les autres prétendants du classement général. Une autre course s’annonce désormais pour Bob Jungels, qui a perdu 2’34 sur ses rivaux directs.
Il était 16h20 jeudi et les images de la Rai se sont attardées sur le visage en souffrance de Bob Jungels. Le champion national affichait le masque «rien ne va plus» et son visage empourpré renvoyait son impossibilité du moment à donner sa pleine mesure. Il peinait, tout simplement. Son buste renvoyait un mouvement inhabituel, haché, loin de l’image de ce formidable styliste.
Le maillot rose Valerio Conti ou encore Alexis Vuillermoz, le leader d’AG2R La Mondiale, n’avaient pas meilleure mine. Ils faisaient peine à voir, images terribles d’un maillot rose en perdition, même si cela relevait d’une certaine logique et d’un prétendant au classement général. Largués pour de bon par le peloton des principaux favoris de ce Giro, ce groupe limitera les écarts, mais évidemment le mal était fait. Deux minutes et demie de lâchées sur le groupe des favoris, ça fait cher pour l’entrée du Giro en montagne !
Les pentes du Montoso, enveloppées dans la brume forestière de cette région du Piémont, étaient bien plus sélectives qu’imaginé. Mais il ne s’agissait que du premier col de ce Tour d’Italie qui s’annonce dans sa chronologie plus terrible encore au fil des jours. Ce que n’avaient pas manqué de réaliser sans tarder Mikel Landa et Miguel Angel Lopez (qui a pourtant essuyé une crevaison au pied du Montoso), les premiers attaquants en montagne pour le classement général.
Il s’est donc passé beaucoup et peu de choses à la fois, dans cette 12e étape tant attendue. Si Bob Jungels sera le seul des prétendants au top 10 à n’avoir pu supporter la rudesse de ce premier col, on aura compris que Miguel Angel Lopez et Mikel Landa voulaient tenir parole. Plus prudent s’est montré Simon Yates, mais bien sûr, on eut l’impression qu’il était prisonnier d’un jeu de marquage avec Vincenzo Nibali et Bauke Mollema, les hommes qui vont marquer la course au maillot rose promise ces vendredi ou samedi à Primoz Roglic.
Une montée «trop dure pour moi »
Alors que le vent du scandale agite le cyclisme slovène avec les remugles de l’affaire «Aderlass», deux Slovènes mènent la course. Nous voilà bien. Trêve de plaisanterie, on ne ferait pas le fier si on était à la place de Roglic, anormalement esseulé hier à partir du seul Montoso.
Que se passera-t-il donc à partir de maintenant, lorsque les équipes Bahrain, Movistar et Astana, les plus promptes jeudi à se mettre en action, recommenceront avec un peu plus d’engagement encore ?
Le genre de questions que ne se posera sans doute pas Bob Jungels. Alors qu’à l’intérieur du pullman de l’équipe Deceuninck-Quick Step, Eros Capecchi, présent dans l’échappée du jour mais maladroit dans l’emballage final (il prit la cinquième place sur la ligne), venait de se faire passer une soufflante par Davide Bramati, Bob Jungels venait d’arriver. Il s’est confessé sans détour : «La montée de Montoso était trop dure pour moi, releva-t-il. J’ai trouvé mon rythme dès le pied de la pente, mais au moment où la vitesse s’est accélérée, je ne pouvais plus suivre. Je me sentais bien avant ça, je pouvais normalement boire et manger, ce n’est pas une défaillance. Je n’ai pas d’explication.»
Évidemment, la perspective pour Bob Jungels de devoir abandonner le projet initial d’un bon classement général, planait. «C’est dur, dès le premier test dans les montagnes, de me trouver là et d’être dans le rouge. Ce n’est pas bon… Je voudrais limiter l’écart sur le groupe Roglic-Nibali, mais je n’ai pas été aidé. Hormis deux ou trois coureurs (NDLR : principalement des coureurs de l’équipe AG2R La Mondiale), personne ne m’aidait. Voilà, pour le classement général et la suite de mon Giro, je n’ai pas encore réfléchi, il faut qu’on analyse ça…»
Denis Bastien, à Pinerolo