Les premiers pas du Gerson Rodrigues joueur de J-League ont été pleins de promesse mardi, contre l’Union St-Gilloise. Un joueur nouveau s’est-il levé à l’Est?
Attablé devant la buvette du stade Klengbousbierg, Gerson Rodrigues dégaine son téléphone et pianote pour être sûr : «Ah oui, à Iwata, il est cinq heures du matin. Je devrais être en train de dormir.» Pourtant, là, à Bissen, on n’a vraiment pas piqué du nez à les regarder, lui et ses chaussures brillantes à l’arrière. Parce qu’il y a un an, à Malte, on se souvient que Luc Holtz se lamentait de le voir ne pas prendre les bonnes décisions, tenter de se retourner quand il fallait lâcher le ballon et inversement, on ne peut que constater qu’en 2019, pour sa première apparition, il n’a rien fait mal. Et même tout bien.
Déviation, replacement, sprint…
Un récapitulatif succinct : on l’a vu se fendre de quelques déviations bien senties et même prendre la place de son défenseur, Mathias Jänisch, de la façon la plus disciplinée qui soit, le temps que ce dernier se replace. On l’a vu se fendre d’un sprint de 50 mètres pour amener sa présence dans la surface et offrir une solution au moment où Da Mota obtient le penalty du 1-0. On l’a vu tenter de ses petites folies qui font son charme avec une confiance qui fait plaisir comme ce grand pont… de la tête, alors que son jeu est pourtant apparu singulièrement épuré. Bref, on ne le reconnaît plus, alors même que tout ce qui fait son caractère à part est resté.
Il y a une semaine, au moment d’annoncer sa liste, Luc Holtz disait vouloir juger sur pièce de la capacité de son ailier à encaisser le choc d’un retour depuis l’Asie. On dirait bien qu’il n’y aura pas à attendre jusqu’à la Lituanie pour savoir. Holtz, tout sourire : «Gerson, je ne sais pas comment il fait. Il ne semble pas souffrir du décalage horaire comme Max (NDLR : Chanot). Je me demande s’il sait qu’il y en a un. En tout cas, je l’ai vu engagé et capable d’amener de la vitesse et de la fluidité.»
Jules Verne, jardins et chaussures
Ce sont ses proches qui ont vendu la mèche sur le minisecret de beauté de l’ancien joueur du RFCU et du Fola. Il suffit de relire Jules Verne et son Tour du monde en quatre-vingts jours : il est plus simple de voyager d’Asie vers l’Europe que l’inverse.
Cela n’explique quand même pas tout. La bonne composition des dirigeants de son club du Jubilo Iwata a joué également. Ces derniers, très fair-play, l’ont libéré en avance de ses obligations «légales» pour qu’il puisse se réadapter et être bon avec les Roud Léiwen. Gerson, contre toute attente, est donc arrivé… vendredi. C’était donc ça, cette dynamique de joueur frais?
Sans doute, mais ça n’explique pas le jeu épuré. Un premier effet de la J-League à en croire le joueur : «C’est incroyable ce que je vis là-bas, avec ces dizaines de milliers de personnes dans les stades et des fois 3 000 à l’entraînement. Rien à voir avec ce que j’ai déjà vécu. C’est du vrai foot. Et là-bas, j’ai la pression. Cela joue sur mon mental, forcément. La pression, elle est moins forte ici, je suis plus libéré. Et puis les Japonais, ils courent tout le temps. Ils ne s’arrêtent jamais. Et moi, je dois suivre. Pareil ici, sinon, je ne joue pas c’est aussi simple que ça.»
Simple aussi comme un évident bonheur. L’ailier gauche, dont le seul tort mardi soir aura été de rater un face-à-face avec le portier de l’Union Saint-Gilloise, a déménagé la semaine dernière, prenant possession de sa maison à deux jardins, trois toilettes et quatre chambres.
«Je n’ai jamais vu un pays où les gens sont aussi polis. Les gens te disent merci cent fois. Et puis il y a une question de respect avec le fait d’enlever ses chaussures quand on entre chez les gens. Bon, chez moi, je fais comme je veux (il rit) mais au stade, il y a des boîtes à l’entrée des couloirs avant d’entrer dans le vestiaire.»
Papa l’année dernière, Gerson Rodrigues semblait avoir gagné en maturité. Le Japon pourrait lui faire passer un nouveau cap. Le Luxembourg en rêve.
Julien Mollereau