David Régis, le coach adjoint de Mondorf, séparé de ses enfants installés aux États-Unis, foyer majeur du Covid-19, se sert d’un ami de Strasbourg, épicentre de la maladie en France, pour ses cours vidéo.
Au temps du coronavirus sans frontières, avoir été un globe-trotteur durant sa carrière de footballeur expose à avoir à se soucier de gens disséminés aux quatre coins de la planète. David Régis, 51 ans, entraîneur adjoint de l’US Mondorf, est dans ce cas.
Avec cette particularité d’avoir explosé au Racing Club Strasbourg entre 1993 et 1996, dans une région qui est l’épicentre de la crise sanitaire en France, et d’avoir deux enfants vivant à Atlanta, dans le pays dont il a défendu les couleurs à 27 reprises et qui a payé jusqu’à présent le plus lourd tribut à l’épidémie avec plus de 26 000 morts recensés depuis hier midi.
Ce «mec super», dixit Arno Bonvini, entraîneur principal du club, garde pourtant visiblement le sourire et accueille même depuis le début du confinement un ami, Thibaut, qui s’est retrouvé «piégé» alors qu’il le visitait. Et Régis a trouvé comment l’utiliser…
Ses attaches alsaciennes : «J’en profite pour filmer mon ami»
Révélé à Valenciennes entre 1988 et 1993, le défenseur central était parti franchir un cap à Strasbourg après une deuxième place arrachée par le club nordiste en Ligue 2. Il va passer trois ans à se mettre le stade de la Meinau dans la poche, à y disputer une finale de Coupe de France et y découvrir ce qui s’appelle encore la Coupe UEFA en 1995.
Inutile de dire qu’il s’est fait pas mal d’amis en Alsace et qu’il s’est retrouvé à trembler pour beaucoup de gens quand le Covid-19 a fait son entrée dans l’Hexagone par Mulhouse, une ville située à un peu plus d’une centaine de kilomètres de Strasbourg, dont l’hôpital s’est vite trouvé surchargé.
«J’y ai beaucoup d’attaches, j’y vais souvent. À Strasbourg, Colmar… J’ai justement un ami, qui vient d’à côté de Montbéliard, qui était en train de me visiter quand le confinement a été décrété et il n’est jamais reparti. On a été inquiets ensemble.» Les deux potes ne se sont pas contentés de se ronger les sangs.
Thibaut a eu beau se débattre, il s’est retrouvé indirectement à bosser pour le compte de l’US Mondorf : «Comme je dois envoyer des programmes physiques aux joueurs, je me suis mis à filmer mon ami. Je lui fais faire les exercices que devront reproduire les joueurs. Il a un peu joué au foot, donc il arrive à reproduire ce que je veux. Il râle, me dit qu’il n’est pas venu pour ça mais pour me voir. Je lui dis d’arrêter de se plaindre, qu’au moins, il ne prendra pas de poids pendant le confinement.»
Faut-il comprendre que Thibaut, non content de s’être exfiltré juste à temps de la zone la plus à risque de France, a désormais le physique pour aller s’aligner en BGL Ligue ? «Non, rigole David Régis, je lui demande de faire cinq minutes d’exercice, mais pour nos joueurs, c’est plutôt vingt minutes !»
Ses attaches américaines : «Je dois trouver des exercices… de basket»
C’est alors qu’il était à Strasbourg que David Régis a fait la connaissance de Nikki, une étudiante américaine originaire de Savannah, qui se trouvait être sa voisine. Ils se marient et la fédération US décide de le naturaliser peu avant le Mondial 1998, en France. Découleront de cet amour deux enfants et… 27 sélections. Aujourd’hui, il arrive encore qu’on l’arrête dans la rue aux States pour lui parler de sa carrière de footballeur («C’est agréable, admet-il, surtout que le soccer est loin d’être le sport n° 1 là-bas»), d’autant qu’il ne retourne sur place que deux à trois fois par an, du côté d’Atlanta, où vit sa progéniture.
Inquiet, alors que le pays se débat contre son incapacité à enrayer la pandémie ? «Forcément, oui, même si l’on sait que cela touche plus les personnes âgées. Je les ai quand même tous les deux jours au téléphone. Je devais justement partir en ce mois d’avril pour les voir. C’est annulé et je dois prendre sur moi. C’est dur d’être éloigné de ses proches.» Mais là aussi, le David Régis entraîneur a trouvé moyen de tromper l’incertitude en mordant sur le sport. Pas le football pourtant : «Mon fils a 15 ans. Il a fait du foot, mais là, il a commencé le basket. Il essaye de faire son trou, alors je lui cherche des exercices à faire. On me dit qu’il n’est pas mal du tout, mais bien évidemment, je ne le lui dis pas.»
Ses attaches antillaises : «Ce sont des Alsaciens qui ont apporté le virus»
Issu d’une famille de dix frères et sœurs, d’un père marin, David Régis a quitté sa Martinique natale (et avec laquelle il a joué la Gold Cup) à l’âge de 10 ans en direction de la métropole française. Mais c’est toujours là que vit sa mère, âgée de 90 ans et pour laquelle il tremble forcément un peu, lui qui craint de «perdre quelqu’un sans pouvoir partager ce moment de douleur».
C’est que le Covid-19 vient d’arriver sur l’île, «malheureusement par des… Alsaciens! Qui passaient par là, en croisière. Aujourd’hui, la Martinique compte une centaine de cas et ma mère, qui habite à 200 mètres d’une superbe plage, ne peut même pas y aller. Je lui dis qu’au moins elle a une belle vue…»
Ses attaches mondorfoises : «Si ça s’arrête là, on n’aura pas à rougir»
Préoccupé par ses amis de l’est de la France, par ses enfants installés au cœur des États-Unis et sa mère confinée dans les Caraïbes, Régis garde encore une pensée pour le football et la reprise de la BGL Ligue, qu’il espère imminente.
«On a eu un peu de mal en ce début d’année. On a perdu beaucoup de joueurs et on a manqué d’expérience, encaissant des buts bêtes en fin de rencontres. Mais on essaye de se garder bien en forme (NDLR : merci Thibaut) pour quand cela reprendra. En attendant, on pense à tous les cas de figure qui peuvent survenir, y compris un arrêt définitif de la saison. Si cela s’arrête là, on n’aurait pas à rougir et, en plus, on ne jouerait qu’un barrage peut-être. Ceux qui sont en dessous de nous se poseraient sûrement plus de questions.»
David Régis, confiné après avoir sillonné le monde ballon au pied, se verrait bien, dans quelques années, retourner vivre aux États-Unis pour entraîner. En cas de nouvelle pandémie mondiale, cela lui éviterait au moins d’avoir à s’en faire pour ses enfants…
Julien Mollereau