Mercredi, la Française Stéphanie Frappart a écrit l’histoire en devenant la première femme à siffler en Ligue des champions. Un exploit qui n’est pas passé inaperçu au Grand-Duché, où les dames… rament.
Le match Juventus Turin – Dynamo Kiev va rester dans l’histoire et ce sont surtout les dames qui s’en souviendront puisque pour la première fois, un match de la plus grande compétition de clubs de la planète s’offrait à une arbitre.
Au Luxembourg, la jeune Shania Vakil, 20 ans, étudiante en business management et qui réside près de Mondercange, a suivi ça de loin mais avec attention. Convaincue toutefois que pour la gent féminine autant que pour elle, le chemin est encore très long.
Avez-vous regardé ce Juventus – Dynamo Kiev, mercredi soir ?
Shania Vakil : Je n’ai pas regardé non. Je n’ai pas eu le temps, j’avais du travail. Mais j’ai regardé les nouvelles. Elle est parvenue à atteindre ce qu’elle voulait. Avant, il y avait aussi Bibiana (NDLR : Steinhaus) en Allemagne mais bon, pour moi qui suis trop jeune pour siffler à l’international… Disons que c’est un bon exemple. Un exemple très positif. Cela montre déjà qu’on est physiquement capable de le faire, mais aussi que l’UEFA est prête à nous laisser notre chance au plus haut niveau. Et Stéphanie Frappart a été capable de le faire sérieusement, sans se montrer trop stressée.
Est-ce un grand pas pour la cause de l’arbitrage féminin ?
Oh ! je pense que ça sera un processus lent. Il faudrait déjà que chaque fédération accepte qu’une femme arbitre dans la plus haute catégorie masculine de son pays. Tout ça, c’est encore très lointain. Il ne faut surtout pas sous-estimer ce que Stéphanie Frappart a dû faire comme sacrifices, tous les cours auxquels elle a dû participer, tous les efforts physiques à faire pour être au niveau, toute l’expérience qu’il lui a fallu accumuler sur le terrain… On dit souvent dans ce milieu que plus on siffle, meilleur on devient. Mais siffler en Ligue des champions, ce n’est pas donné à tout le monde. Ce n’est déjà pas donné à un arbitre homme, alors une arbitre femme… c’est encore plus dur.
Où en est-il, aujourd’hui, l’arbitrage féminin au Luxembourg ?
Là, je me sens un peu seule. À arbitrer de manière active, on est que trois. Je trouve que c’est un peu faible. On manque déjà d’arbitres en règle générale. Je pense que pour les arbitres dames, c’est surtout lié au fait que le football féminin au Luxembourg commence seulement à se développer maintenant et que les filles ont envie de jouer plutôt que d’arbitrer. Il faudrait les initier… Mais comment, ça, je ne sais pas. Je sais que la FLF nous soutient et qu’elle cherche à recruter.
Je n’ai jamais eu de réflexion du genre « oh mon dieu, non, une femme sur le terrain »
Peut-être les dames s’imaginent-elles que ce milieu est trop macho pour qu’elles puissent envisager d’arbitrer des hommes ?
Dans mon expérience, je n’ai jamais eu le moindre souci. J’ai été parfaitement acceptée, mes décisions aussi. Je n’ai jamais eu droit à des réflexions du genre « oh mon dieu, non, une femme sur le terrain ». Oui, il y a eu des petits commentaires mais il ne faut pas non plus se jeter dessus. Juste leur dire que ce n’est pas correct. Cela ne doit pas affecter une femme arbitre, surtout qu’elle sait qu’il existe la possibilité de recevoir un commentaire.
Vous arbitrez les hommes de la même manière que les femmes ou devez-vous prendre en considération le fait que, justement, vous êtes une femme qui arbitre des hommes ?
Non, pas du tout. Je prends ça normalement. Les conseils sont les mêmes pour tout le monde, on n’arbitre pas différemment les hommes et les femmes. C’est pour tout le monde la même chose, y compris pour nous, les arbitres. C’est comme pour les tests physiques. Il n’y a pas de différence et moi… je ne les ai pas réussis. Mais je trouve que c’est très correct que nous ayons les mêmes que ceux des hommes. Si on veut pouvoir siffler chez les hommes au plus haut niveau et que ce soit juste, alors on doit avoir les mêmes tests. Parce que le jeu ne sera pas moins rapide si l’arbitre est une femme.
La BGL Ligue, pour vous qui avez commencé l’arbitrage à 17 ans, c’est un objectif à quel horizon ?
C’est mon ambition d’être arbitre de centre en DN. Mais pour l’instant, je n’ai été qu’assistante en Promotion d’honneur et en Division 1, et seulement au centre en Ligue 1 dames. Je suis satisfaite. J’espère aller plus haut, mais j’ai encore beaucoup de travail, notamment physique. Je ne vais pas arriver en DN à 21 ans. C’est mon but, mais ce genre de choses dépend aussi du développement personnel de chacun.
Vous pourriez marcher sur les traces de Tania Morais, la dernière femme à avoir siffler en BGL Ligue…
Elle a arrêté pour l’instant. Mais elle était encore là quand j’ai commencé. Elle m’a beaucoup aidée pour mon positionnement, mais malheureusement, elle n’est plus là et je suis un peu seule quand je veux avoir des conseils. Le niveau international, c’est encore très loin.
Entretien avec Julien Mollereau