Sébastien Thill n’avait toujours pas touché terre au lendemain de la victoire du Sheriff Tiraspol à Madrid. Normal : l’Europe ne parlait que de lui et de son coup de génie de la 90e minute.
Je ne pleure jamais.» Sébastien Thill a lâché ça à nos confrères de So Foot, ce mercredi, alors que la moitié de l’Europe voulait tout savoir de sa vie de héros continental du jour. L’aîné de la fratrie Thill, que certains internautes lecteurs du magazine français ont assimilé dans leurs commentaires aux «Hazard du Luxembourg», ne pleure donc jamais. Il avait promis, la veille, de ne pas se laisser gagner par l’émotion au Bernabéu (dont la pelouse a un peu déçu cet ancien jardinier). Pas sûr, pourtant, qu’il n’ait pas arraché quelques larmes à certains de ses compatriotes.
Il est vrai qu’on avait déjà eu, la saison passée, «Gerson Rodrigues au Camp Nou» et «Gerson Rodrigues au Juventus Stadium». Mais rien du niveau de «Sébastien Thill marque le but décisif à la 90e minute d’une demi-volée magnifique en lucarne contre le plus grand club du monde». Cela a retourné le pays. Mais «Séba», lui, n’a connu qu’un contrecoup physique. «Je me suis écroulé au coup de sifflet final. Je suis resté cloué au sol à cause des crampes.» Logique, il a encore été celui qui a le plus couru sur le terrain, ce mercredi : 12 kilomètres. «Je suis un peu fatigué», rigolait-il hier après-midi, alors que la délégation moldave a atterri à 4 h du matin à Chisinau avant de s’enfiler une heure de bus et que tout le monde s’est autorisé à aller au lit vers 6 h 30 du matin. Thill s’est réveillé à midi et, depuis, il n’a fait que… téléphoner. «Ça n’arrête pas et ça vient de tous les pays!»
«Mon tatoueur est plus connu que moi»
Lui qui avait regardé le tirage au sort de la phase de groupes tranquillement assis dans le restaurant qui sert de quartier général aux joueurs de l’équipe, devant un plat de nuggets de poulet, pourra-t-il encore sortir se balader tranquillement à Tiraspol? Il se marre : «Oh, je pense que je peux encore, non? Quand tu marques contre le Real, ça fait toujours le buzz, non?» Sans rire?!
Dans la cité moldave, il aura quand même fait un heureux majeur : son tatoueur, qu’il a déjà visité vingt-cinq fois depuis son arrivée, mi-janvier 2021, et qui lui a «fait» toute la jambe gauche. Car ses mollets, notamment le gauche, donc, celui qui est à l’origine de cette frappe venue de nulle part, ont fait le tour des réseaux et fait jaser. «Ah ça, lui, il va être plus connu que moi!» Pas sûr que ce soit possible. Son tatoueur n’a en effet pas passé la soirée les yeux dans les yeux avec les meilleurs joueurs de la planète avant de leur planter un couteau dans le dos. On sent même un rien de culpabilité quand il raconte sa soirée : «Les gars n’étaient pas du tout arrogants. On pouvait discuter. Je l’ai fait avec Modric.»
C’était avant. Avant la lucarne, avant l’exploit, avant qu’il n’ait à raconter tout ça, encore et encore : «Cette frappe, je savais qu’elle allait rentrer à cause de la façon dont elle arrive et de la façon dont je la frappe. Je savais qu’elle allait tourner. Bon, on a eu de la réussite, notre gardien a fait une grosse partie, mais on s’était préparé à un match comme ça.» Pas nous. Personne en fait.
Julien Mollereau