Paul Philipp voit la deuxième vague de Covid déferler. Un peu partout en Europe, cela a de nouveau un impact sur le football. Alors forcément, à Mondercange, on s’inquiète.
Alors que l’Italie voit son championnat perturbé, alors que la Belgique a décidé la semaine passée de fermer les buvettes des clubs amateurs, le foot luxembourgeois voit, chaque week-end, augmenter un peu plus le nombre de matches remis. La Division nationale, son championnat phare, est pour l’heure relativement épargné en comparaison de ses équivalents du basket et du handball, tout récemment perturbés. Mais les divisions inférieures commencent à trinquer et la FLF est aux aguets, à se demander si, bientôt, on ne va pas lui demander de reprendre des mesures pour contribuer à l’effort sanitaire national.
Le nombre de cas détectés de coronavirus augmente partout en Europe, le Luxembourg n’est pas épargné. Les décès repartent aussi à la hausse. Avez-vous peur qu’on vous demande de remettre en cause la tenue des matches de football ?
Paul Philipp : J’espère que non. De toute façon, nous nous en tenons strictement à ce que dit le ministère de la Santé et nous sommes en contact étroit avec le ministre des Sports, qui lui-même travaille avec la Santé. Alors pour le moment donc, on espère que non. Mais on voit bien qu’il y a de plus en plus de matches reportés, semaine après semaine. Alors entendons-nous bien, dans tout ce que je vais vous dire, gardez à l’esprit que c’est la santé qui prime avant toute autre considération, mais l’idée, c’est qu’il faut résister le plus longtemps possible. Au risque de ne plus mettre de spectateurs dans les stades…
C’est une éventualité que vous commencez à envisager ?
Tout est possible. Y compris une Division nationale sans supporters. Bien évidemment, je ne préférerais pas à avoir en discuter un jour. Pour le moment, on fait au cas par cas et pas plus. Souvent, en dernière minute d’ailleurs. Mais la situation est très complexe et pas plus qu’en mars, qui que ce soit ne sait comment cela va évoluer. Pour le moment, j’aimerais juste tirer un grand coup de chapeau à nos clubs, qui ont joué le jeu du fair-play. Le RFCU avait envoyé le bon signal (NDLR : frappé par cinq cas de Covid, le club de la capitale avait choisi de ne pas demander un report de sa 2e journée de championnat de BGL Ligue).
Je n’en ai pas discuté avec eux, mais je crois qu’ils suivraient
Et la fermeture des buvettes, comme dans les divisions amateurs en Belgique ?
Il faut voir quel pourcentage des rentrées d’argent dépendent de cela, des spectateurs et de leur consommation. Certains vivent de ça, hein, de la canette et du jeton, comme on dit en Belgique. C’est difficile de faire fermer les buvettes, ce serait aller très loin. Oui, si on ferme les buvettes, ce serait un coup dur.
Pensez-vous que les clubs de l’élite, pour ne citer qu’eux, accepteraient le principe de jouer sans spectateurs dans ce contexte déjà éprouvant économiquement ?
Je n’en ai pas discuté avec eux, mais je crois qu’ils suivraient. Il faut essayer de jouer le plus longtemps possible et d’ici à la trêve hivernale, rattraper ces matches remis en espérant qu’il ne commence pas à y en avoir de trop.
La FLF a déjà consenti deux tranches d’efforts financiers pour assister les clubs, sur la base d’une égalité de traitement. Vous faudra-t-il envisager, en cas de nouveau problème majeur – que ce soit arrêt des compétitions ou matches sans spectateurs ou sans buvettes –, de nouvelles aides mais plus ciblées afin de sauver l’élite du pays ?
On ne s’interdit rien. Nous avons déjà fait un effort de 1,5 million, ce qui est déjà pas mal. Mais s’il faut aider encore, on va aider encore. Mais qui faut-il aider en priorité ? Je vous réponds « ceux qui ont le plus de joueurs ! » Tous nos subsides ont été et seront toujours liés à la formation, au nombre de jeunes présents dans le club. Ceux qui se retrouvent dans l’embarras sont aussi ceux qui ont le plus de frais liés à leurs équipes de jeunes.
Êtes-vous inquiet ?
Oui, je m’inquiète. Et je m’inquiète énormément pour l’attractivité du foot.
Entretien avec Julien Mollereau
À bientôt 70 ans, Paul Philipp fait partie des aînés des présidents de fédérations européennes. Il n’y a bien qu’en France (où se trouve le doyen de la «profession», Noël le Graet, 78 ans), en Autriche, en Suisse et en Turquie que l’on trouve des présidents plus âgés. Mais avec une moyenne d’âge de 55 ans, la profession est confiée à des gens plus jeunes désormais. D’ailleurs, 24 des 55 fédérations de l’UEFA ont changé de président depuis 2018.
Paul Philipp en est donc l’un des plus expérimentés à tous points de vue, d’autant qu’hormis Armand Duka, son homologue albanais, élu en 2002, il est le plus ancien en poste, avec seize années de présence à Mondercange. Pour autant, il devrait se représenter, dans deux ans. «Si quelqu’un me dit qu’il peut le faire à ma place, alors pourquoi pas… Mais je n’ai aucune lassitude ni aucune usure. Bien au contraire. L’âge ? Regardez les élections américaines avec Trump ou Biden. Non, ce n’est pas l’âge qui compte, ce sont les idées. Je ne veux pas qu’on renouvelle des postes, y compris ceux du conseil d’administration, parce qu’on pense qu’ils sont vieux. Ceux qui postulent doivent savoir que c’est un engagement lourd. Cela aussi, c’est une responsabilité. Je n’ai pas encore pensé à ce que je ferai mais pourquoi pas ?»