Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Philipps en Pologne, Gerson en Moldavie, Carlson qui intéresse d’un coup plusieurs clubs, Skenderovic qui franchit le pas, alors même qu’au pays débarquent un Florent Malouda ou un Baltemar Brito, ancien adjoint historique de José Mourinho… De mémoire d’homme, on n’avait jamais vu ça au Luxembourg.
Il n’y aura pas de stage de préparation, cet été, en vue de la Nations League. Luc Holtz, encore tout secoué par le mercato qu’il vient de vivre, en voulait un. Il l’a annulé. Il lui a suffi de prendre une feuille de papier et de noter les noms des internationaux qui, désormais, sont pros hors des frontières : «Il y en a vingt. Si les deux tiers des sélectionnés ne peuvent pas venir, cela n’a pas de sens.»
Clairement, le mercato hivernal 2017/2018 marque un tournant dans l’histoire footballistique du Grand-Duché. On y a découvert que, de plus en plus, évoluer en DN n’est plus un frein pour un départ à l’étranger (après Mahmutovic, Gerson et Abreu l’été dernier, Skenderovic et Carlson ont suivi le mouvement), que les agents commencent à y jouer véritablement un rôle d’entremetteurs à la mesure de ce qui peut se faire dans le reste de l’Europe et qu’ils trouvent désormais, dans les clubs pros, des oreilles attentives.
«Peut-être réhabiliter les stages de janvier»
On y déniche aussi des jeunes que l’envie de partir titille plus que l’envie de rester et de profiter des avantages financiers que l’on trouve en BGL Ligue et cela, c’est une révolution. Et puis, avec les Gerson ou Philipps, on se rend compte qu’un joueur luxembourgeois, tenez-vous bien, peut aussi quitter un club pro non pas pour revenir mais pour un autre club pro, qu’il peut être même désiré.
C’est une nouvelle donne et même le sélectionneur va devoir s’y adapter, qui veut ressusciter ce qu’il a assassiné il y a trois ans seulement : les stages de début d’année, qui ne servaient plus à rien, disait-il. Plus aujourd’hui : «Ma priorité désormais, c’est que les joueurs de DN jouent au plus tard le vendredi avant les matches de Nations League pour qu’on puisse commencer plus tôt à les préparer. Pour le reste, peut-être va-t-on réhabiliter les stages de janvier, avec des jeunes du pays, pour leur montrer la voie à suivre.»
Ce mois de janvier 2018 va marquer le paysage. Et, vraisemblablement, faire franchir un nouveau cap à la sélection. «L’avenir nous le dira, temporise le sélectionneur. Mais a priori, oui…»
Julien Mollereau
Ce que pense le sélectionneur de ces transferts
Lars Gerson : «Il ne doit pas revivre la même saison»
«C’est plutôt une bonne nouvelle de le voir revenir à Norrköping, car c’est un club bien plus huppé. À lui de s’y refaire une place de titulaire. Comme beaucoup d’internationaux – tous, en fait –, il m’a demandé ce que j’en pensais, et notamment de la perspective de le voir intégrer la défense centrale, dans un système à trois derrière. Pourquoi pas ? À lui d’y être performant. Bon, s’il ne parvient pas à être titulaire, effectivement, ce sera un peu plus difficile, mais l’aspect primordial, pour Lars, c’est qu’il ne doit pas revivre la même saison qu’en 2017, avec toute cette accumulation de blessures. Le reste viendra tout seul. Il a énormément de qualités et je n’ai pas de doute sur le fait que, petit à petit, il va devenir titulaire.»
Aldin Skenderovic : «Si tu vois trop grand trop vite, tu te casses la gueule»
«Il faut prendre les marches les unes après les autres. Si tu vois trop grand trop vite, tu te casses la gueule. Elversberg, c’est un bon niveau. Cela fait deux fois qu’il rate la montée en 3e Bundesliga d’un rien. Quelques clubs de DN les ont affrontés en préparation et ils ont tous ‘ramassé’. S’il faut expliquer ce niveau aux gens qui doutent, qu’ils aillent voir une de leur rencontre, ils comprendront. Alors voilà, Aldin y est et on m’a dit qu’il pourrait même devenir titulaire. S’il monte cette saison, parfait, sinon, il pourra s’y faire remarquer et aller voir ailleurs au besoin. En D3, voire en D2, car c’est ça la finalité pour lui. La seule incertitude est de savoir à quelle vitesse il va franchir les paliers désormais.»
Dirk Carlson : «Cette offre de Monaco m’inquiète»
«L’offre soudaine d’un test, venant de Monaco, m’inquiète un peu. Cela me semble très flou. Cela perturbe sa façon de voir les choses. Moi, je préfère le concret et les Grasshoppers, avec qui il est tombé d’accord, c’est réel, avec un projet très intéressant. Leur staff et moi, on est sur la même longueur d’onde dans l’analyse concernant le joueur : il faut se concentrer sur son développement athlétique et tactique. Il faut qu’il progresse dans les duels, dans l’explosivité… C’est ce projet-là qui le fera exister dans le monde professionnel. En plus, Monaco ne peut plus recruter, le mercato est bouclé, donc ce serait pour l’été prochain et concernant Dirk, il est urgent qu’il commence vite. Moi, je prendrais Zurich, c’est plus cohérent.»
Gerson Rodrigues : «Pour lui, ce n’est pas du tout un pas en arrière»
«Allez voir une fois les installations du club et vous verrez à quel point c’est pro, le Sheriff Tiraspol. L’infrastructure, il n’y a rien de mieux. Pour lui, par rapport aux Pays-Bas, ce n’est pas du tout un pas en arrière. Je ne connais pas le niveau du championnat moldave, mais Tiraspol joue la C1 et la C3 tous les ans, affronte en stage des équipes d’un certain niveau comme Maribor. C’est un gage de qualité. Si aujourd’hui vous faites une opposition Telstar – Sheriff, j’ai une petite idée du score. Maintenant, l’important, c’est surtout que Gerson s’installe et trouve la stabilité. Qu’il bouge tous les six mois, ce n’est pas bon pour lui. Il est peut-être plus loin, mais il est tout près de la Russie et cela peut aller vite pour lui.»
Chris Philipps : «Quand ce stade est plein, tu dois voler»
«Vu sa situation personnelle à Metz, vu à quel point c’était mal parti pour les semaines ou mois à venir, ce changement sera très bénéfique. Il n’a pas eu le soutien qu’il aurait mérité d’avoir durant toutes ces années pour que sa carrière décolle. Or il a juste besoin qu’on le soutienne, qu’il ne se mette pas à trembler pour sa place à la moindre passe ratée. Il va enfin avoir l’opportunité d’être titulaire et même de jouer l’Europe. En plus, il n’y a pas longtemps, j’étais au Legia Varsovie dans le cadre d’un rassemblement UEFA, quel stade fantastique ! J’imagine quand c’est plein, tu dois voler. Avec une telle chaleur, tes jambes doivent courir toutes seules. Il y a tout là-bas pour que sa carrière démarre enfin !»
