La Jeunesse a décidé de mettre Arsène Menèssou au placard. Au-delà de la décision, qui peut poser question sportivement, c’est surtout la manière qui interpelle. Le joueur, lui, part au combat.
La Jeunesse fait le vide depuis des semaines et la purge continue aussi avec la nouvelle direction. Ainsi, Arsène Menèssou, l’un des tout derniers grognards d’un groupe hyper-rajeuni, a-t-il reçu de son coach, Marcus Weiss, une mise en demeure d’un genre spécial : il lui est interdit de s’entraîner avec l’équipe A et même «d’être présent aux entraînements ou aux matches».
Mais en plus, il ne peut s’entraîner ni avec les U23 ni avec la réserve et «un membre du comité vérifiera s’il s’y conforme». Son staff lui a fourni un programme de courses à respecter. Il est pour le moins original : 45 minutes à 5 min 30 au kilomètre chaque matin à 9 h puis 45 autres minutes à 4 min 30 au kilomètre chaque après-midi à 15 h 30, chaque jour de la semaine à l’exception des week-ends. Inutile de dire que cela n’a pas plu du tout au milieu de terrain récupérateur de 32 ans.
Que se passe-t-il exactement pour vous ?
Arsène Menèssou : Eh bien, après qu’ils se sont débarrassés de presque tous les éléments d’expérience pour constituer une équipe germano-luxembourgeoise très, très jeune, il leur restait quelques joueurs à évacuer, visiblement. On a trop de jeunes, pas de structure, on a livré un match nullissime contre Rosport (NDLR : défaite 2-1, mercredi) et l’investisseur grec qui vient d’arriver commence lui aussi à faire le tri sans se préoccuper de chercher à comprendre comment ça marche.
Plus concrètement ?
Eh bien, le nouveau vice-président (NDLR : Panos Katsaitis) est allé trouver notre coach pour se renseigner sur l’effectif et Weiss lui a simplement dit qu’il n’aimait pas notre style de jeu à Mehmet Arslan et à moi. Il a dit qu’il souhaitait se passer de nous. Alors voilà, on est venu me voir, précisément pour me dire qu’on n’aimait pas mon style et aujourd’hui (NDLR : lundi), je reçois un message qui me dit que je ne peux plus m’entraîner avec le groupe et même pas être présent aux matches, que je dois m’entraîner absolument seul et à des horaires précis. Le plus fou, c’est qu’ils veulent que je le fasse à Esch, alors que j’habite en France. Oh, les gars, j’ai un boulot ! Qui m’a en plus été trouvé par la Jeunesse ! Je ne vais bien évidemment pas venir courir à 9 h du matin et à 15 h 30 l’après-midi et quitter mon boulot pour ça ! Ce que me fait la Jeunesse, c’est du harcèlement. Je confie le dossier à mes avocats.
Alors que le marché des transferts est fermé depuis presque un mois, c’est gênant pour vous…
Mais les nouveaux dirigeants m’ont dit : « il faut partir maintenant ». Je leur ai répondu « quoi ? Partir ? Mais quand on arrive quelque part, on se renseigne quand même, non ?! Eh, oh, les gars : ici, c’est fermé ». Ils m’ont indiqué que je pouvais partir où je voulais à l’étranger. Avec quatre enfants, bien sûr, je vais aller loin ! En gros, ils me poussent dehors après cinq années au club et alors que j’étais prêt à aller m’entraîner en réserve. J’ai déjà l’impression que les Grecs n’écoutent personne, qu’ils veulent tout faire à leur sauce. En voyant tomber ce message, j’ai appelé Claude Conter (NDLR : qui est resté vice-président dans le nouvel organigramme) pour obtenir une explication. Il n’était même pas au courant. Il m’a dit qu’il me rappellerait, mais c’est bien la preuve que les Grecs font ce qu’ils veulent.
Ce club est mort. Il se permet de faire des choses inhumaines
Mais… c’est aux dirigeants que vous en voulez le plus alors que votre coach vous met aux arrêts de rigueur à trois semaines de la reprise ?
Le coach ne m’a même pas vu jouer une fois en championnat et il n’aime pas mon style ! Il est bien gentil, mais à son âge (NDLR : Marcus Weiss a 33 ans, l’âge de Menèssou à quelques mois près), il ne connaît pas grand-chose et surtout pas la DN. La preuve, c’est que si tu es capable de dire que tu seras tranquille avec cet effectif, tu es fou ! On perd 3-1 à Hostert, on perd 2-1 à Rosport. J’entends dire un peu partout que des équipes comme Hostert ou Rodange joueront le maintien ? Mais nous, avec notre effectif, on est bien moins forts qu’eux ! Largement même. Même (Manu) Lapierre s’est reblessé. La situation n’est pas grave, elle est très grave, les gens doivent le savoir. D’ici à ce que les Grecs s’en aillent sans mettre d’argent en voyant dans quelle situation ils se sont fourrés.
Ce sont des spéculations.
En tout cas, je ne donne pas cher de la peau de l’entraîneur après quelques semaines de compétition.
Ses dirigeants lui ont promis des renforts de joueurs professionnels.
Oui, enfin, deux ou trois pros, ça ne changera rien. C’est un championnat spécial : ils ne feront pas la messe ici. Les autres clubs se sont renforcés comme des malades et la Jeunesse n’a pas de structure sur le terrain. Et les pros, vous les imaginez s’adapter en trois semaines? Ce sera déjà exceptionnel si la Jeunesse a un point après trois journées et après avoir joué le Fola, le Swift et Rosport. Les Grecs m’ont dit qu’ils voulaient jouer les trois premières places, ça m’a bien fait rire : estimez-vous heureux si vous vous maintenez.
Vous n’êtes pas le seul dans ce cas, donc ?
Non, ils ont fait le même coup à Mehmet Arslan (NDLR : le club a officialisé la séparation lundi, sur son site). Il signe à Marseille Consolat. Encore un en moins. C’est une catastrophe. Ce club est mort. Il se permet de faire des choses inhumaines comme je n’en ai jamais vu au Luxembourg. Mais bon, en décembre, je ne suis plus joueur transféré. On verra à ce moment-là.
Entretien avec Julien Mollereau