Le coronavirus a enfanté une petite mais réelle génération de retraités précoces. Parmi eux, l’ancien international Massimo Martino, que «le confinement a beaucoup fait réfléchir.» Et qui veut «vivre autrement».
Il y a quelques années, quand Le Quotidien offrait chaque samedi à ses lecteurs une rubrique intitulée «Entrez, c’est privé», Massimo Martino, qui n’était pas encore défenseur de l’UN Käerjeng, s’était fendu, et de loin, du fantasme le plus fou qu’il nous ait été donné d’entendre, ce qui nous l’a rendu attachant, dans la rubrique des doux dingues qui sortent du lot, et qui justifie aujourd’hui que dans la cohorte de ces joueurs qu’on ne reverra plus sur un terrain, ce soit lui plus qu’un autre qui ait eu droit à ce petit éloge funèbre : «J’aimerais un jour me retrouver dans un avion, que le pilote ait un malaise et que je sois forcé d’aller dans le cockpit pour sauver tout le monde. Vous savez, je prends des cours de pilotage sur ma console et je me débrouille plutôt bien.»
Piloter, c’est ce qu’il aurait dû faire sur un terrain, à 29 ans. Seulement ce défenseur de la génération Pjanic, qui avait disputé l’Euro U17 au pays, en 2006, puis enchaîné avec 14 sélections dès 2008 alors qu’il n’avait justement que 17 ans, avant d’écumer toutes les bonnes adresses du pays (Jeunesse, Grevenmacher, Fola, champion avec le F91 également en 2014) a «beaucoup réfléchi pendant le confinement» : «J’ai toujours eu un corps très difficile qui m’obligeait à travailler sur moi-même. Les dernières années, je n’ai plus trop voulu l’écouter et il fallait que j’arrête avant une grave blessure. Surtout que depuis quelque temps, je n’avais plus trop d’objectifs. Si on était montés avec Käerjeng, j’aurais continué, mais là, je ne voyais plus la raison. Je voulais surtout changer de mode de vie et faire ce que je voulais quand je voulais.»
Le coronavirus, l’isolement, ont achevé de relâcher ce râleur des terrains qui en avait assez des sacrifices que lui imposait son poste de latéral : «Central, j’aurais pu continuer en gérant pendant des années. Mais j’ai été formé à l’aile et cela demande beaucoup d’efforts pour durer.»
Strassen, Wiltz et l’un de ses anciens clubs l’ont relancé après qu’il a annoncé à l’UNK qu’il avait décidé d’arrêter, mais son cousin, Marco, justement coordinateur des jeunes à l’UNA, l’a convaincu de reprendre les cadets du club avec lui. Voilà, même s’il ne ferme pas la porte à un retour, dans quelques mois ou années, quand son corps «se sera reposé», c’est fini, fermez le ban : la carrière de Massimo Martino a passé.
Je n’aurais pas dû partir sans diplôme, c’était une erreur
Il a le droit de se dire qu’elle aurait pu être meilleure. Son expérience en 3e Bundesliga à Wuppertal en 2009, où il est parti «sans diplôme, une erreur», lui laisse un goût amer.
Parce que sa famille lui mettant devant les yeux ses responsabilités vis-à-vis de son futur l’a convaincu d’y suivre des études, ce qui s’est avéré vite ingérable avec les séances d’entraînement d’un groupe pro.
Parce que l’agacement qu’il y a ressenti l’a poussé à revenir trop vite au pays, alors qu’il disposait encore d’une année de contrat en Allemagne : «Mon plus grand regret finalement, c’est de ne pas avoir dit oui à cette semaine d’essai que m’avait offerte l’Atalanta Bergame après un match avec les U21 contre la Squadra (NDLR : en novembre 2009). Aix-la-Chapelle et des clubs suisses aussi, étaient venus… Et puis je me dis aussi que si Guy Hellers était resté sélectionneur, j’aurais peut-être eu beaucoup plus de sélections.»
Quand on en arrive à faire le bilan en tentant de réécrire l’histoire, c’est sans doute que l’on est mûr pour arrêter. Même si l’on n’a pas encore 30 ans. Poursuivre ses études à Wuppertal l’a quand même conduit au ministère des Finances. Nous, on se souviendra de lui comme l’homme qui aurait rêvé de conduire des avions et qui aura fini tôt une carrière très honorable. On ne dit pas merci au coronavirus…
Julien Mollereau