Alors que les clubs européens reprennent dans trois semaines, Manou Cardoni et le CFN de Mondercange jouent les cobayes sanitaires depuis lundi dernier. Le coach des espoirs nous a raconté.
Deux séances par semaine pour les U12, quatre pour les U18. Au milieu, toutes les autres catégories du centre de formation national de Mondercange à faire circuler à sens unique sur trois terrains sans que ces garçons se croisent, sans qu’ils ne se touchent, avec des parents censés faire les allers-retours. À quoi cela ressemble-t-il de reprendre l’entraînement sous protocole sanitaire anti-propagation du coronavirus ? «Ce protocole, il faut l’appliquer, point barre. On fait tout ce qu’il faut pour pratiquer notre sport. C’est un peu spécial, mais ça fait du bien», sourit Manou Cardoni, qui a tout mis en place et compte environ… 90 % de présence.
Comment se sont-ils organisés ? «Un chemin qui arrive, un autre qui en repart»
«Nos détections organisées deux fois par semaine n’ont plus de raison d’être pour le moment. Nos quatre entraîneurs qui en sont chargés sont donc venus à Mondercange nous donner un coup de main pour avoir la quantité de coaches nécessaire. Heureusement, on a trois terrains alors on a même pu organiser un petit espace pour les gardiens.
Alors voilà, on a deux groupes à 16 h 30, deux autres à 18 h 30. Pas de vestiaire. Les joueurs arrivent sur le parking. Il y a un chemin qui arrive vers le terrain, un autre qui en repart. Ils sont habillés, ont leur propre bouteille d’eau et on s’entraîne selon les directives du ministère. C’est-à-dire sans contacts. Comme on ne peut pas être à plus de vingt sur le terrain, on met neuf jeunes sur un terrain et un autre coach prend les autres à part. Après, on les fait tourner sur les différents ateliers. Technique, athlétique, automatismes…»
Comment restent-ils hygiéniques ? «Enlever tout le matériel, ça prend du temps»
«Sur chaque terrain, on a du désinfectant. Le jeu de tête est interdit et les joueurs n’ont pas le droit de toucher le ballon avec la main. Bon, ce sont des jeunes, il leur arrive d’oublier mais globalement, dans ma catégorie, les plus vieux, ils sont plutôt disciplinés. Bon, des fois ils oublient et ils se serrent la main, se fritent, mais ça ne dure pas.
Ah et puis ce sont les coaches qui rangent le matériel. Mais d’habitude, ce sont les jeunes qui le font. Tout mettre en place, tout enlever, ça prend quand même beaucoup de temps donc on optimise pour ne pas y passer des heures. D’ailleurs, on désinfecte surtout les ballons.»
Comment en tirer profit ? «On peut automatiser les exercices techniques»
«Il faut réinventer des trucs et il y a du positif, on peut en profiter pour entraîner certains défauts. On peut notamment isoler les exercices techniques pour les automatiser en les travaillant encore et encore. On va dans des jeux à thème et de position. Il faut rester créatif et répéter les choses tout en essayant de rester dans notre philosophie de jeu. Parce que dans cette configuration, on travaille finalement beaucoup les automatismes offensifs. Automatiser les choses, on le fait, mais moins en temps normal. Parce qu’on veut les confronter au jeu. Ce n’est que dans les matches que tu trouves la validation du travail, face à la pression de l’adversaire, de l’espace et du temps. Donc voilà, on veut contrôler les acquis et retourner le plus vite possible au jeu.»
Comment les joueurs vont-ils ? «Certains sont plus baraqués qu’avant le confinement»
«Pour ce qui est du jeu, c’est dur à juger parce que c’est une sensation qu’on n’a pas du tout. Techniquement, la première séance a été délicate. La deuxième était déjà un peu mieux. Mais clairement, il faut retrouver les sensations.
Par contre, dans l’aspect physique, je les trouve bien. Nos joueurs avaient reçu des programmes individuels et ils les ont suivis très rigoureusement, y compris tout ce qui était musculation. Et on a poussé un peu. Certains sont même revenus plus baraqués qu’ils ne l’étaient avant le confinement.»
Comment adhèrent-ils ? «De toute façon, ils vont aussi à l’école»
«Chez nous, il n’y a pas de tests prévus pour les joueurs. De toute façon, ils vont aussi à l’école alors… En début de semaine, un de nos gamins a appris qu’il y avait eu un cas positif au travail de son père. Le papa a été testé. Forcément, avant d’avoir les résultats, le gamin n’est pas venu aux entraînements et est resté à la maison. Le père était négatif, il est revenu. Les joueurs qui habitent au sein de familles vulnérables sont bien entendus dispensés. C’est sur la base du volontariat. D’ailleurs, il leur faut une autorisation parentale. Et aussi qu’ils soient véhiculés. Les plus vieux peuvent venir en transports en commun mais les plus jeunes dépendent de leurs parents pour venir puisqu’on ne s’occupe plus du ramassage.
Malgré ça, on n’est pas loin de 90 % de présence dans mon groupe. Les U13, à mon sens, n’étaient pas loin de trente donc on n’est pas loin des 100 % de présence en ce qui les concerne, même si eux, c’est le week-end.
Heureusement qu’on est en mai, en fait, qu’il fait chaud et sec. Parce que vous imaginez en hiver, un gamin qui viendrait de Weiswampach ? Le faire descendre en tenue et le renvoyer chez lui sans qu’il ait pu prendre le temps de se doucher ? Cela n’aurait pas de sens. À Mondercange, en ce moment, il n’y a que les toilettes qui soient ouvertes. Et le cabinet du kiné. Ils n’y rentrent que si c’est nécessaire, un par un et avec un protocole bien précis.»
Comment c’est, ailleurs ? «On a pris un petit temps d’avance»
«On est un peu en avance par rapport aux pays autour de chez nous. Ceux qui évoluent à l’étranger dans des centres de formation professionnelle sont d’ailleurs avec nous en ce moment. On a pris un temps d’avance. Et je pense qu’ils vont rester encore un petit peu parce que par exemple, en Allemagne, ceux qui voudraient retourner dans leurs clubs devraient respecter une quarantaine de 14 jours pour en avoir le droit.
Là, on continue comme ça jusqu’au 3 juillet – sauf si le ministère nous autorise à faire différemment – et on s’arrête un mois. Mais on va reprendre avec une semaine d’avance, le 3 août. Et si certains de nos jeunes intègrent l’équipe 1 de leurs clubs, au Luxembourg, on les libérera. Là, de toute façon, on revient juste au foot très lentement, pour garder les sensations sans échéance concrète. Alors qu’on en aura après l’été. Je pense que quand les clubs européens pourront y retourner, cela leur permettra de créer des dynamiques de groupe. Bosser comme on le fait actuellement au CFN, cela permet quand même de faire des trucs. Il faut juste bien s’organiser. Mais j’espère pour eux que d’ici trois semaines, cela va s’ouvrir un peu.»
Julien Mollereau