La FIFA a autorisé cinq changements pour toute la saison prochaine. Et les coaches du pays en rêvent tout haut alors que la fédération ne semble pas prête, pour l’heure, à leur donner satisfaction.
Le Luxembourg du football s’attachera-t-il encore, cet automne, à cultiver ses si singuliers particularismes ? Les entraîneurs de BGL Ligue, dont la plupart militent depuis des années pour avoir le loisir d’inscrire plus de joueurs sur leurs feuilles de match, espèrent sans s’en cacher que la crise du coronavirus et six mois d’interruption totale des compétitions autoriseront la FLF à accepter l’idée du changement.
Pour l’heure, c’est peine perdue : l’instance fédérale n’a pas donné un seul signe aux clubs allant dans ce sens et mardi, depuis Mondercange, est arrivée l’information officieuse selon laquelle, non, cette modification réglementaire n’est pas du tout au programme.
À trois semaines de la reprise du championnat, ils sont pourtant nombreux à le réclamer à cor et à cri. Faut-il s’en étonner et y lire de l’opportunisme ? Après tout, si la FIFA, début mai, a donné l’autorisation à tous les clubs d’opérer cinq changements jusqu’à la fin 2020, étendant récemment ses largesses sur toute la saison à venir, c’était parce que, physiquement, il était écrit que les organismes des footballeurs professionnels allaient souffrir. Et ils ont souffert par manque de temps de préparation. Et ils souffriront encore par manque de temps de récupération. Mais ceux des Luxembourgeois, qui n’ont pas repris en catastrophe ?
«C’est pour ça qu’on a fait huit semaines de préparation au lieu de six, minimise Carlos Fangueiro, le coach du F91. Le risque de blessure à la reprise ne sera pas énorme. Pas plus élevé que d’habitude.» À Rodange, Nedzib Selimovic n’est pas d’accord. «Moi, mes gars se font 40 heures de boulot par semaine et enchaînent avec 15 heures d’entraînements. Cela fait actuellement 55 heures par semaine de travail. Moi, je dis qu’après cette longue période sans entraînement, il y a de quoi s’inquiéter. D’autant qu’on va reprendre alors qu’il fera très chaud et que très vite les terrains vont devenir très lourds. Le calendrier sera plus intense, d’ailleurs. Croyez-moi, la fatigue, elle arrivera vite.»
Double problème en cas de 5 changements
Ceci étant posé, on ne peut pas faire comme si Paul Philipp et son conseil d’administration pouvaient prendre une décision comme ça, au débotté. Après tout, au pays se joue aussi la lancinante question des premières licences. Trop élevé, plus d’actualité, voire archaïque, jugent de nombreux clubs. Mais suivre la FIFA et passer à cinq changements, ce serait se confronter à un double problème. Déjà, être obligé de facto de grimper à dix-huit joueurs sur la feuille de match, sinon, cela ne fait pas sens et, sachant cela, courir le risque de voir des équipes débuter avec onze non-sélectionnables. Or les coaches ne pourchassent qu’un objectif derrière leur volonté de minimiser les risques physiques, qui reste très aléatoire : avoir plus de monde sur leur banc de touche.
«Ce ne serait pas vraiment nécessaire, mais quand même très utile parce que cela laisserait à certains l’opportunité de se montrer. On aurait plus de choix, plus de fraîcheur, le rythme y gagnerait», concède Fangueiro, très sobre dans son analyse. Plus en tout cas que Marc Thomé, à Rosport : «Passer à 18 joueurs sur le banc, ce serait ultra-utile ! On pourrait enfin doubler les postes sans avoir à choisir entre un défenseur et un attaquant. Mais à chaque fois qu’on a posé la question, à la FLF, on nous a répondu que les clubs les moins riches n’étaient pas pour parce que cela occasionne des primes de match supplémentaires à verser. C’est risible. Nous, à Rosport, on en a parlé et personne n’est contre !»
Des coaches prêts à prendre leurs responsabilités
Même son de cloche à Rodange : «Personne au comité n’a jamais évoqué ces problèmes de primes, assure Selimovic, dont l’argumentaire est rodé. Actuellement, on envoie en réserve des gars pour qui on n’a pas de place sur la feuille de match, dans un championnat qui ne ressemble à rien, et ils nous reviennent ronchons. Et puis, tactiquement, cela apporterait énormément. On le voit sur les amicaux, à partir de la 60e minute, cela permet de changer complètement le rythme et le cours d’un match.»
Très concrètement, ces dernières semaines, on voit finalement peu de coaches, dans les différents championnats étrangers, qui usent des cinq changements auxquels ils ont réglementairement droit. Ce n’est pas la norme, loin de là. Le risque de déséquilibrer totalement un groupe plutôt que de le rebooster ?
Quelle que soit la réponse à cette question tactique qui ferait peser énormément plus de responsabilités sur les épaules des coaches de BGL Ligue (et qu’ils semblent prêts à endosser), ces derniers s’agacent simplement de ne pas avoir le choix, pour une fois qu’une fenêtre de tir s’offre à eux (merci l’épidémie) et d’autant que leurs clubs semblent disposer à faire des efforts financiers allant dans ce sens. Seront-ils entendus ?
Julien Mollereau