ÉLIMINATOIRES DU MONDIAL-2022 La semaine dernière, Luc Holtz s’est ému du fait que son équipe prend beaucoup plus de cartons que ses adversaires… en commettant moins de fautes.
Sept cartons rouges sur les quinze dernières rencontres internationales (dont… six amicaux), cette statistique de la sélection luxembourgeoise n’en finit plus d’interpeller. On n’arbitre pas les «petits» comme on arbitre les «grands», croient savoir les footballeurs du monde entier, mais Luc Holtz semble avoir atteint le point de crispation en voyant Gerson Rodrigues se faire renvoyer aux vestiaires à Belgrade (4-1), le mois dernier et il a fini par le (re)dire. C’était la semaine passée, lors de sa traditionnelle conférence de presse d’annonce de liste.
La question n’était il est vrai pas très claire : il lui a été demandé si l’expulsion qui avait frappé son avant-centre et qui s’ajoutait à l’accumulation de cartons jaunes de Christopher Martins, privant le sélectionneur d’un deuxième incontournable de son onze de base, l’énervait? On s’attendait à ce qu’il fustige gentiment les fautes de son avant-centre parce qu’elles étaient largement évitables. Mais non, Holtz est tombé à bras raccourci sur l’arbitre, le Turc Halil Umut Meler, un homme pourtant expérimenté et régulièrement aligné en Ligue des champions. «Ce qui m’agace, relate Holtz, c’est que ces avertissements sont, encore, venus après trois ou quatre fautes de suite des Serbes sur Gerson. À eux, on leur dit par le geste ou la voix que c’est la dernière fois et Gerson, à la première faute qu’il commet, c’est directement le carton! Non mais regardez leur nombre de fautes par rapport aux nôtres et comparez les avertissements!»
66 % des neuf derniers matches finis à 10
Du coup, on a regardé. Et le sélectionneur a… raison. Au moins sur la forme. La Serbie, la 4 septembre dernier, au stade Rajko-Mitic, c’est 17 fautes (donc beaucoup de fautes dites tactiques) pour un seul avertissement. Le Luxembourg, c’est 10 petites fautes pour trois jaunes dont un s’est transformé en rouge. Cela fait presque une biscotte toutes les trois fautes. Est-il naïf de penser que le nombre de fautes et de cartons devrait être statistiquement corrélé? Sans doute. Alors on a également pris les statistiques de la confrontation avec le Portugal, pour fantasmer une différence de traitement. Et on la retrouve, en mode mineur : le Grand-Duché a quand même trouvé le moyen, face à CR7 et compagnie, de se retrouver à finir le match à dix en commettant seulement neuf petites fautes.
Tout mis bout à bout, Holtz et ses gars ont, en quatre matches dans les éliminatoires du Mondial-2022, subi 59 fautes qui ont entraîné neuf cartons. Et commis 50 fautes qui ont coûté dix avertissements dont deux se sont transformés en expulsions. Cela passerait sas doute plus facilement si les Roud Léiwen n’avaient pas déjà fini 60 % de leurs dix derniers matches de compétition officielle en infériorité numérique. D’autant que cette statistique-là est celle qui se base sur un compte rond mais que la vérité est plus inquiétante : ils ont en réalité fini 66 % de leurs neuf derniers matches à dix.
«Faisons des fautes nous aussi!»
Et si tout cela n’était pas un problème d’agressivité mal placée, mais tout simplement le fait de joueurs encore trop gentils. De plus en plus expérimentés à ce niveau, oui, mais pas encore assez vicieux? Souvenons-nous de Belgrade, de ces mains tendues de Gerson Rodrigues à chaque nouvelle petite agression contre ses chevilles et du résultat final : c’est lui qui ratera le match retour, mais pas les défenseurs serbes. «Je lui ai passé un message, lâche Holtz. Vu l’impact que ses adversaires mettent dans les duels, il faut surtout qu’il reste calme. Et à mes défenseurs, j’ai envie de dire « faisons des fautes nous aussi!« . Parce que défendre, c’est tout de suite plus facile quand on coupe le jeu et que visiblement, on a le droit! Peut-être que les arbitres devraient être sensibilisés, dans leurs congrès, au fait de protéger les joueurs qui apportent du spectacle sur le terrain. Car le foot, cela reste de l’« entertainment« .» Et faire du spectacle, c’est tout de suite plus facile à onze contre onze. Prendre des points aussi d’ailleurs.
Julien Mollereau