L’engagement de Laurent Jans contre Seraing, la hargne affichée dans des conditions très difficiles et sur un poste qui n’est pas le sien, ont fait grimper sa cote de popularité.
Il y a des clubs dans lesquels la voix du peuple compte plus que dans d’autres. Il y a aussi des clubs qui ont un ADN tellement marqué qu’on n’a pas le droit de ne pas le partager. Au moment où Laurent Jans s’était engagé avec le Standard, début octobre, un Rouche illustre, Guy Hellers, s’était montré formel sur le fait que le capitaine des Roud Léiwen, grand combattant dans l’âme, a tout ce qu’il faut dans la tête et dans le cœur pour rendre les supporters fous d’amour envers lui.
De fait, en cinq mois, Jans a fait de belles choses à Liège, notamment en Europa League. Mais il a aussi été brinquebalé de son poste habituel sur la droite vers la gauche et il a fini par voir limoger le coach qui lui avait accordé sa confiance, Philippe Montanier, sans avoir pu montrer autre chose qu’une honnête disposition à être au niveau. Puis Mbaye Leye s’est installé aux commandes et Jans n’a pour ainsi dire plus joué. Si bien que mercredi soir, sur la pelouse totalement détrempée de Seraing, en Coupe (1-4) le Nordiste a peut-être vécu le match le plus important de ses trois dernières saisons de club. Entre Metz où il n’a jamais eu sa chance et Paderborn, qui l’adorait mais qui ne pouvait pas le garder, le risque était énorme de le voir trébucher sur cette chance unique de se montrer et donc d’entretenir malgré lui la spirale négative.
Or il en est ressorti grand comme ça. Les médias belges l’ont encensé. Avec la note de 7,5 distribuée par au moins deux titres, soit la deuxième ou troisième meilleure de l’équipe, il a frappé fort dans un schéma à trois centraux et installé, encore, à gauche puisque le Français Gavory, titulaire habituel, était blessé. Mbaye Leye aussi, s’est retrouvé conquis et ne l’a pas caché : «Je suis content de la prestation de Laurent sur le flanc gauche. Il a parfaitement accompli sa tâche sans même parler de son but. Il a réalisé une belle prestation dans l’intensité et la volonté. C’est ce que j’aime. Il n’avait pas beaucoup joué depuis le début d’année, mais il a saisi sa chance.»
Un plébiscite «social»
Le technicien n’est pas seul à le penser et alors que le club s’est fendu d’une publication où le joueur, poing serré, rageur, fête son but sous les mots «passion, fierté, ferveur», les supporters ont fait de Jans l’un des leurs. Suffisait de lire les commentaires qui, dans un contexte comme celui du Standard, ont valeur d’adoubement. Robert : «Un combattant le mec!». Corentin : «Il commence à remonter dans mon estime». Orban : «En tout cas, il est fier de ses couleurs le gars». À l’échelle d’un club comme celui-ci, ces phrases, ces mots, sont forts et ils obligent son staff. Car Rouche, on ne le devient pas en mettant son nom en bas d’un contrat mais en entrant dans le cœur des gens a déjà plusieurs fois théorisé Guy Hellers, grand connaisseur de la psyché locale.
Et ces gens-là le voient de plus en plus… couloir gauche. Oli : «Je l’ai trouvé combatif et bien plus cohérent qu’à droite où il est bien plus discipliné que Gavory». Eddy : «Il mérite de recevoir plus sa chance». Boris : «Jans titulaire samedi à gauche svp». Vu du Grand-Duché, on ne demande que ça. Que voir le capitaine des Roud Léiwen reprendre fermement la main sur son avenir footballistique, à commencer par le match contre Louvain, ce samedi ou en 8es de finale de la Coupe, mardi, à Courtrai. Plutôt que de défendre son bifteck, l’ancien joueur du Fola Esch, lui, est resté fidèle à sa réputation de sérieux et d’humilité qui ne pourra que renforcer son image auprès du peuple rouche, même quand il est invité à parler de sa situation personnelle : «Je suis content d’avoir marqué mais ce qui compte, c’est la qualification. Quand un nouveau coach arrive, les compteurs sont remis à zéro. Cela a été compliqué, mais je ne suis pas quelqu’un qui lâche ou qui baisse les bras. Le coach m’a donné sa confiance, je lui ai rendu.» L’analyse d’un gars qui a du cœur et pour ses supporters, désormais, c’est clair, il bat à gauche.
Julien Mollereau