Ses Young Boys Berne viennent d’être sacrés grâce à son but décisif à Sion, mais Christopher Martins a encore du boulot avant d’aller voir un étage plus haut, assurent les observateurs. Qui y croient fort.
Médiatiquement, Christopher Martins n’existe presque pas en Suisse même si, depuis son but décisif de vendredi soir à Sion (0-1) et sa course folle pleine de joie communicative, cela a dû changer un peu. Ce soir, la Raiffeisen Superleague boucle cette saison si spéciale et Kiki va «fêter» le premier titre de sa carrière, celui de champion de Suisse, au Wankdorf, dans l’anonymat imposé par le coronavirus. Mais sous le regard attentif de pas mal de spécialistes qui guettent curieusement son évolution.
Que renvoie l’homme de base dans l’entrejeu des Roud Léiwen, un an après avoir été acheté 2 millions d’euros à Lyon? L’image d’un garçon encore visiblement jeune, qui n’est pas encore absolument primordial dans le jeu de son équipe et «souffre» de porter en bandoulière ces deux insuffisances qui sont aussi des promesses, alors que tout le monde tient absolument à le comparer à l’un de ses prédécesseurs au poste, à Berne, Denis ZaKaria (Mönchengladbach).
L’ancien international luxembourgeois Paul Bollendorff, redevenu agent en Suisse après avoir occupé le poste de directeur sportif aux Grasshoppers Zurich, le dit aussi comme ça : «Il est un peu gamin. Ce sera son challenge la saison prochaine : acquérir de la maturité.» Dit autrement, prendre de l’épaisseur. Il a pris part à 21 matches de championnat, se positionnant comme le dixième joueur de champ le plus utilisé de l’effectif. Il doit «monter à une petite quarantaine de matches, Coupe d’Europe comprise, la saison prochaine», juge Bollendorff.
« La Bundesliga, finalement, c’est comme la Suisse »
On parle donc là d’une saison à construire intelligemment, qui le fixerait dans l’esprit des gens comme un joueur en capacité de répondre aux énormes attentes que tout le monde place en lui, ne serait-ce que par ses dispositions physiques. Il est clair, en tout cas, que si cette première saison helvétique est concluante à bien des égards, elle ne lui permettra pas encore d’aller voir plus haut.
«Déjà, pense savoir Bollendorff, grand ami du directeur sportif bernois Christoph Spycher, parce que je ne pense pas que les Young Boys, qui aimeraient garder leur ossature pour la saison européenne, veuillent le vendre. Ils ont investi de l’argent sur lui et ne vont pas le libérer là, maintenant, mais plutôt espérer qu’il prenne toute sa place. Et aussi parce que pour lui, cela ne ferait pas de sens : depuis la reprise, les clubs sont dans la performance pure. Christopher n’a pas pu du tout travailler à l’entraînement, c’était juste match, récupération, match, récupération… Il ne s’est pas vraiment construit ces derniers mois. Il a juste couru après les résultats.»
Ce n’est pas ça, une performance collective, qui l’aidera à franchir le cap individuel. Et le cap est tout tracé, tout le monde semble d’accord là-dessus. Mario Mutsch, par exemple, joueur à Saint-Gall pendant cinq ans, le voit de façon limpide : «Les Young Boys veulent l’envoyer plus haut et lui doit s’en servir comme d’un tremplin. Le but pour Christopher, et c’est sûr que ce sera la prochaine étape, c’est la Bundesliga. C’est là que je le vois, c’est la suite la plus logique ! Il lui suffit de se montrer en Ligue des champions puisque maintenant, il est dans la vitrine. Il est aussi dans le bon championnat pour se faire un nom. La Bundesliga, finalement, c’est comme la Suisse sauf que c’est plus physique. Et Kiki est assez intelligent pour travailler sur ce point.»
Bilan : Christopher Martins est champion de Suisse dans une équipe programmée pour cela, avec un banc largement plus profond que celui de son concurrent, Saint-Gall. Cela fait une ligne au palmarès mais ça ne dessine pas encore tout à fait le profil d’un garçon appelé à l’étage du dessus. Il lui faudra faire sienne cette équipe pour que son petit cas personnel s’invite au banquet de fin de saison.
Julien Mollereau